🌲 Chapitre 9.2 🌲

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— Fun... Je peux ?

Sans lui répondre, le loup se décale de lui-même. Il vient se coller à son Compagnon pour un câlin improvisé dont ils avaient autant besoin l'un que l'autre, sans oser se l'avouer. Les deux amis s'endorment ainsi, blottis ensemble. En revenant de sa chasse, Discorde plane un instant au-dessus d'eux en chuintant doucement, amusée et attendrie de les retrouver dans cette position. Puis, après un instant de réflexion, elle plonge vers le duo. Décidant pour une fois de s'accorder un moment de repos en pleine nuit, elle parvient à se trouver une place entre l'épaule de Funest et le ventre de Soarën. Confortablement installée, l'effraie ombrée ne tarde pas à sombrer à son tour dans le sommeil.

Durant les jours suivants, Funest apprend à Soarën comment repérer et traquer les proies des Steppes. Se sachant en danger dans ces vastes étendues planes et nues, les créatures usent de mille et un stratagèmes pour se dissimuler et échapper à leurs prédateurs. La vision aiguisée de Discorde depuis les cieux leur est également très utile. En combinant les connaissances de ses Compagnons et ses talents de Traqueur, Soarën parvient à débusquer quelques animaux inoffensifs dont ils se régalent.

Mais tandis que dans la plaine de Telendriss, leurs chasses étaient systématiquement couronnées de succès, ce n'est pas toujours le cas dans les Steppes.

Pour la première fois, l'Elfe découvre ce qu'est la vraie faim, celle qui tord les entrailles, provoque des étourdissements et le fait hésiter au moment de tirer ses flèches. Arëndrill Sylla'seth les avait souvent mis en garde contre la précipitation qu'entraîne un ventre vide. Il s'efforce d'appliquer ses conseils, avec difficulté. La faim le pousse à vouloir agir trop vite pour manger le plus rapidement possible, or c'est exactement ce qu'il ne faut pas faire. Les erreurs d'inattention deviennent nombreuses et les proies s'échappent, faisant rouspéter Funest qui ne rêve que de se remplir l'estomac.

La brume, fort peu présente dans la région boisée et verdoyante de Telendriss, règne en maîtresse incontestée sur les Steppes. Inhabitué à se déplacer dans un brouillard si opaque, Soarën perd souvent ses repères et erre au hasard avec ses Compagnons. Dans ces moments, ceux-ci sont aussi désorientés que lui. Ce n'est qu'au bout de deux longues et éreintantes semaines que le Traqueur parvient enfin à un nouveau village humain. Encore une fois, il laisse Funest et Discorde se gérer seuls, à regret. Il craint cette séparation plus que les autres. Ici, ses Compagnons n'ont aucun bosquet d'arbres où se dissimuler des Humains : ils vont devoir s'éloigner de la bourgade, et la distance va rendre leur absence d'autant plus pénible. Mais c'est un mal pour un bien : peut-être trouvera-t-il quelques menus travaux à effectuer. Il pourra ainsi profiter d'une nuit dans un véritable lit. Contrairement aux deux animaux, qui n'ont pas l'air de s'en plaindre, lui commence à en avoir assez de dormir sur la terre dure et froide des Steppes.

Le petit village est lui aussi plongé dans les brumes. Soarën ne saurait pas dire s'il s'agit du phénomène naturel ou si cela est dû à l'impressionnante quantité de fumée blanchâtre qui sort des ouvertures carrées, sur les toits des maisons. Bien que ce soit le début d'après-midi, les rues sont désertes, au point qu'il se demande un instant s'il n'est pas arrivé dans un village fantôme. Mais son ouïe lui fait percevoir des sons étouffés derrière les solides portes de bois des habitations.

Le temps semble capricieux, dans les Steppes. Voilà qu'il se met à pleuvoir. Bientôt, Soarën patauge dans une boue aqueuse, complètement trempé. Par endroits, l'eau, la neige à demi fondue et la terre se mélangent dans de larges traînées sales, teintant le paysage d'un blanc grisonnant. Un bruit de pas se fait soudain entendre. L'Elfe lève la tête. En plissant les yeux, il aperçoit au loin une silhouette se diriger vers l'un des bâtiments du village. Elle est emmitouflée sous d'épaisses couches de vêtements, à tel point qu'il a failli se demander s'il s'agissait réellement d'un être humain.

Décidant de suivre l'inconnu, Soarën s'arrête devant l'endroit où il est entré. Rien n'est accroché au-dessus de la porte, mais une pancarte de bois est solidement fichée dans le sol, près de la porte d'entrée. Il s'en approche, et du bout du coude, essuie la neige crasseuse dont elle est recouverte. Le nom de l'endroit apparaît alors, faisant davantage penser à une auberge qu'à une taverne, pour son plus grand bonheur. Comme de coutume, Soarën soupire.

— Un poisson frétillant à Ravel, et ici un ours qui hiberne ? Bon sang, ils devraient lancer une compétition du nom le plus ridicule... saleté de pluie !

Il secoue la tête en projetant des gouttelettes d'eau partout autour de lui. Conscient de l'inutilité de son geste, il prend néanmoins la peine de peigner rapidement ses cheveux pour ne pas avoir trop l'air d'un vagabond errant, puis pousse la porte de l'établissement. Sitôt entré, une violente bouffée de chaleur le saisit et il soupire sans bruit en refermant dans son dos. Ces Humains, quels frileux.

Il n'y a pas grand-monde à l'intérieur. Au lourd grincement de la porte, tous les regards se tournent vers lui avec curiosité, peu habitués à voir de nouvelles têtes dans le bourg. Soarën les salue en espérant être suffisamment poli, puis s'approche du tableau des mercenaires, qu'il a repéré du coin de l'œil. Cette fois, aucune demande pour réparer des barrières de fermier, ce qui le fait sourire avec ironie. Il se demande d'ailleurs si les Humains des Steppes parviennent à cultiver quoi que ce soit, dans cette région sauvage et désertique...

Encore une fois, les demandes de livraisons d'un village à un autre le laissent indifférent. Certains contrats évoquent un désert. D'autres parlent d'aller récolter des plantes dans les Monts. Rien qu'à l'évocation du territoire des mystérieux Dracoïdiens, Soarën frissonne. Tant qu'il peut éviter de se frotter à ces êtres reptiliens, il les esquivera avec joie. Les derniers parchemins placardés concernent des créatures à chasser dans les Steppes, ravivant l'intérêt du Traqueur. Voilà un travail pour lui ! Il décroche la demande d'un habitant qui cherche à remplir son garde-manger avant l'hiver, puis va voir l'aubergiste pour qu'il lui indique où trouver son commanditaire. Tout heureux d'avoir trouvé une tâche qu'il est sûr d'accomplir à la perfection, il se surprend à plaisanter avec l'homme barbu et affable derrière son comptoir. Avant de quitter son établissement, il va même jusqu'à lui lancer avec panache :

— Ce sera une affaire vite réglée ! N'oubliez pas de me laisser une chambre de libre pour ce soir, je ne compte pas passer encore une nuit dans les Steppes !

Soarën [MYSTIS]Where stories live. Discover now