🌲 Chapitre 9.2 🌲

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— Dis-moi, Fun. Vous vous nourrissiez de ces animaux, avec ta meute d'avant ?

Bien qu'ils restent sa famille de sang, le loup s'est mis à appeler ses congénères ainsi depuis le milieu d'après-midi. Soarën l'imite par automatisme. La création de leur lien, en tant que Compagnons, a ouvert un fossé infranchissable dans la vie de Funest. Désormais, il y a l'avant et l'après.

— Non, répond le loup, confirmant les doutes de Soarën. Ils sont trop gros, même tous ensemble on ne pouvait pas. Il aurait fallu être à trois meutes, peut-être...

— Bon. Il va falloir qu'on trouve autre chose à manger, alors. Mais je n'ai rien repéré à traquer pour le moment...

— C'est compliqué mais pas impossible. Je te montrerai demain.

L'Elfe s'étend sur le dos en grognant. Dans la plaine de Telendriss, malgré l'inconfort de la terre, l'herbe lui offrait un tapis moelleux sur lequel il pouvait dormir sans trop de peine. Mais dans les Steppes, il n'y a aucun végétal à des kilomètres à la ronde qui pourrait lui servir de couchage. Le sol sec et rocailleux n'est pas agréable. Il sent qu'il aura du mal à fermer l'œil, cette nuit. Cet agaçant constat l'encourage d'autant plus à trouver un village habité et poursuivre ses tâches en tant que mercenaire. De cette manière, il pourra se payer un lit convenable, au moins. Même si cela l'oblige à dormir loin de ses Compagnons...

— Soarën ?

Les mains croisées derrière sa nuque, il adresse un regard interrogateur à Funest. Le loup noir se couche à son tour et pose sa tête sur ses pattes avant, tout près de la sienne. Au cœur de cette nuit froide, Soarën peut presque ressentir la chaleur qui émane de sa fourrure sombre.

— Je n'avais pas compris, mais je sais ce que tu as eu quand tu es parti.

— Ce que j'ai eu ? répète-t-il dans un murmure, encore gêné de temps à autre par le langage de Funest, qui n'est pas aussi irréprochable que celui de Discorde.

— Oui... Tu aimes les tiens mais ils t'ont chassé parce qu'ils ont peur de toi. En fait c'est exactement comme moi avec ma meute d'avant. On veut les voir et eux ils veulent nous tuer.

— Tu as raison. On est pareil, toi et moi.

— Moi je serai toujours là pour toi, Soarën, et Discorde aussi. On sait tous les deux que tu as le noir et que c'est pas de ta faute.

— Il ne m'a rien fait pour l'instant, il me laisse libre... mais j'ai peur, avoue le Traqueur dans un souffle fébrile. Et si un jour il me contrôlait comme il l'a fait avec vous ? Si je me mettais à tout détruire autour de moi, à tuer ceux qui m'approchent ? Peut-être que la légende des terres de l'Est dit vrai, en fin de compte. Peut-être que je suis destiné à devenir un démon fou, avide de mort et de chaos.

— Mais ce sera lui, pas toi. Toi tu ne feras rien de mal, tu n'y es pour rien.

Lors de leur traversée de la Dhakerissaa, c'était lui qui rassurait Funest pour qu'il cesse de craindre l'eau. Cette nuit, les rôles s'inversent : c'est son loup qui parle calmement et parvient à trouver les mots pour le rassurer. Dans l'esprit de Soarën, ses paroles font écho à celles de son père. À quelques nuances près, ce sont les mêmes.

« Si tu as une seule chose à retenir de tout ça, c'est que tu n'as rien fait de mal. N'oublie pas, n'oublie jamais que tu n'y es pour rien. D'accord, mon grand ? »

— Oui... Ce n'est pas de ma faute.

Perturbé malgré tout par d'inquiétantes pensées qui ne l'avaient plus hanté depuis un moment, Soarën se tourne sur le côté et tend une main vers Funest. Il s'immobilise à quelques centimètres de son pelage, hésitant. Lorsqu'il murmure, son haleine forme une volute de vapeur pâle qu'il ne remarque pas.

Soarën [MYSTIS]Where stories live. Discover now