🏹 Chapitre 6.1 🏹

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— Je comprends la méfiance du Conseil, murmure-t-il, la mort dans l'âme. Surveillez-moi, puisqu'il le faut. Je n'ai pas mon mot à dire, de toute manière...

— Malheureusement, ce n'est pas tout. Soarën... Il y a certaines choses dont il faut que tu sois conscient avant de reprendre ta formation avec Arëndrill.

— De quoi parles-tu, papa ?

L'apprenti Traqueur se rend compte avec stupéfaction que sa mère a serré les poings et détourné le regard. Il se penche légèrement vers elle. Par instinct, elle cherche à se reculer davantage, mais Soarën insiste en se dévissant le cou. Ses longs cheveux clairs caressent ses avant-bras déjà correctement cicatrisés sans qu'il n'y réagisse. De discrètes perles salées luisent aux coins des yeux d'Eylinn, et son fils écarquille les siens, sidéré.

— Maman, tu... ?

— Excuse-moi un instant, Soa, laisse-t-elle échapper dans un sanglot qu'elle peine à étouffer. Ylendar, ne m'attends pas.

Elle se lève et quitte la pièce d'un pas précipité. Le rideau de leur chambre, tiré derrière elle à la hâte, indique clairement qu'elle ne veut pas être dérangée et ne reviendra pas avant un moment, contrairement à ce qu'elle a dit. Soarën sent sa gorge se serrer en devinant qu'il est à l'origine de l'état déplorable de sa mère. Impuissant, il fixe l'épais rideau de larges feuilles cousues en balbutiant quelques mots incompréhensibles. Puis il adresse un regard perdu et malheureux à son père. Celui-ci pressent avec amertume que ce n'est que le premier d'une longue série.

— Pourquoi est-elle dans cet état ? J'ai fait quelque chose de mal ?

— Non, absolument pas ! Au contraire. Soarën, si tu as une seule chose à retenir de tout ça, c'est que tu n'as rien fait de mal. N'oublie pas, n'oublie jamais que tu n'y es pour rien, insiste le Maître Artisan. D'accord, mon grand ?

— Euh, oui, d'accord... Mais explique-moi.

Ylendar respecte sa parole et n'omet rien. Il lui raconte tout. Le Maître Enseignant se plaît à raconter, depuis trois jours, la légende du démon fou et de ses deux Compagnons à chaque classe de jeunes qu'il reçoit. Les rumeurs se répandent peu à peu : les petits Elfes impressionnables ont eu tôt fait de relater cette histoire à leurs familles, leurs aînés et leurs amis. Lui-même, en tant que Maître Artisan, commence à ressentir des tensions de la part de ses élèves qui savent que Soarën est son fils. Et ce soir, avant qu'il ne quitte les Bourgeons, un Préparateur est venu le voir avec inquiétude et méfiance. Il l'a interrogé en laissant sous-entendre à demi-mot que l'absence d'Eylinn était peut-être due à la violence de son fils, qui par ailleurs prenait étrangement soin de se tenir dissimulé depuis son retour.

Tant d'idées fausses et d'hypocrisie donnent le vertige à l'apprenti Traqueur. Ces inconnus ne savent rien de lui ni de ses Compagnons. Comment peuvent-ils oser prétendre des choses pareilles ? Il n'arrive pas à se rendre compte de ce que signifient réellement les paroles de son père. Perturbé par ce qu'il apprend, il reste silencieux un moment, puis finit par hausser les épaules.

—Quand ils comprendront que Funest et Discorde n'ont rien de diabolique, ils s'en désintéresseront et tout rentrera dans l'ordre. C'est juste l'affaire de quelques temps. Pas vrai ?

— J'ai peur que les choses soient plus compliquées, soupire Ylendar.

— J'arriverai à les gérer, ne t'en fais pas, sourit Soarën, confiant, avant de se lever avec précaution. Dis, est-ce que tu peux me rendre un service ?

— Bien sûr, que veux-tu ?

— Va rassurer maman et la consoler... Je n'aime pas la voir dans cet état, marmonne-t-il. Moi, je vais aller voir Funest.

Soarën [MYSTIS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant