🏹 Chapitre 4.1 🏹

Depuis le début
                                    

Un quatrième jour passe, puis un cinquième. La colère de Soarën se mue en une angoisse sourde, qui ne cesse de croître et devient omniprésente. Elle émousse encore davantage ses perceptions, alourdit chacun de ses pas et trompe régulièrement sa vigilance. Que faire s'il ne parvient pas à rencontrer son Compagnon ? Devra-t-il rentrer au village ou s'obstiner ? Il ne compte pas errer pendant cinquante ans dans la forêt de Telendriss à la recherche de ce fichu animal... Peut-être était-ce lui qui avait raison, au final. Peut-être est-ce trop tôt. Mais alors, pourquoi perçoit-il cette autre présence en lui, trop confuse pour que son âme soit capable de l'appeler ?

Le sixième jour, alors qu'il est accroupi au bord d'un petit ruisseau, Soarën ressent à nouveau dans son torse la chaleur caractéristique de son Compagnon. Sans se presser, il avale les dernières gorgées d'eau qu'il lui reste au creux des mains. D'ordinaire, la sensation se refroidit ou s'estompe dans les secondes qui suivent. Mais cette fois, l'inverse se produit : elle est en train de s'intensifier.

L'Elfe se relève et balaye les alentours du regard, sans rien apercevoir de particulier. Le cours d'eau poursuit son chemin en faisant rouler dans son sillage quelques pierres trop légères pour résister à la force du courant. Il n'arrive à lire aucune empreinte particulière sur la bande de sable terreux de la berge opposée. Soarën lève un regard plein d'espoir vers les fourrés denses et les arbres sombres qui lui font face, quelques mètres plus loin. Son Compagnon est-il là, en train de l'épier, timidement dissimulé dans la végétation ?

Il en est presque certain. Pourtant, quelque chose ne va pas. La chaleur dans son torse n'a pas cessé de croître. D'abord douce, elle est peu à peu devenue désagréable. Le voilà à présent en train de serrer les dents sous la brûlante morsure qui prend son cœur d'assaut. Rien ne se passe comme prévu, mais Soarën ne veut même pas chercher à comprendre. Sa seule hâte, désormais, est de rencontrer son Compagnon et de rentrer au village avec lui.

Il sent un regard posé sur lui, il en est persuadé. En retenant un sifflement de douleur, l'apprenti Traqueur s'accroupit à nouveau pour ne pas paraître menaçant. Il se félicite d'avoir déposé ses armes quelques mètres derrière lui avant d'aller boire. En s'imposant le calme, il retire avec des gestes lents les protections d'archerie qui lui recouvrent les avant-bras, les poignets et les paumes. Si son Compagnon est un quadrupède, son odorat est développé : mieux vaut qu'il se familiarise d'abord avec l'odeur de sa peau plutôt que celle du cuir de son équipement. Lentement, il dépose ses gantelets au sol, puis s'y appuie d'une main pour se stabiliser et tend l'autre devant lui en guise d'invitation.

— Tu es là, n'est-ce pas ? Viens, montre-toi. N'aie pas peur.

Aucune réponse ne lui parvient. En face, les buissons ne frémissent pas d'une feuille. Une idée saugrenue traverse Soarën, perversement initiée par sa voix intérieure, qui ricane.

Tu es ridicule. Il n'y a rien dans ces fourrés. Deviens-tu fou, mon pauvre ?

L'apprenti Traqueur ne se laisse pas déprimer et repousse cette pensée. Il est sûr de lui. Il le sait, il le sent. Son Compagnon n'est peut-être pas exactement en face de lui, mais il est dans les parages. Soarën est persuadé qu'il le voit, de là où il est. Il peut décider de se montrer à n'importe quel moment. Alors il continue à parler, patiemment, pour qu'en plus de son odeur, l'animal s'habitue à sa voix.

— Ça fait plusieurs jours que je te cherche. Je pense que tu le sais... Je ne comprends pas pourquoi nous sommes liés aussi tôt, mais s'il doit en aller ainsi, je ne vais pas m'y opposer. Viens, rejoins-moi. J'aimerais savoir à quoi tu ressembles, mon ami. À quelle race tu appartiens, quelles sont tes couleurs... J'aimerais apprendre à te connaître, puisque l'on va devoir vivre ensemble un bout de temps. Plusieurs centaines d'années...

Soarën [MYSTIS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant