XV. La ville souterraine

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Toute la semaine qui avait suivi son retour de Trost, Hannah s'était consacrée corps et âme à la cause des réfugiés. Suite à leur réunion, elle s'était aperçu que Nile n'avait pas eu le temps de prévoir quoi que ce soit pour eux, aussi les pauvres gens avaient simplement été envoyés en sous-sol dans la pagaille la plus totale. Peu importait, tant que les riches n'étaient pas témoins de la misère, et que celle-ci ne dérangeait pas leur quotidien. C'était écœurant. Elle avait fait partie des rares volontaires à avoir passé presque toute la semaine en bas, et c'était pire que ce qu'elle avait imaginé. 

Le sort des gens de la ville souterraine lui avait toujours importé. La première fois qu'elle en avait entendu parlé, Hannah devait avoir à peine dix ans. Elle écoutait la conversation que son père menait avec des associés, et n'avait pu s'empêcher d'être choquée de la manière dont ils parlaient des plus démunis. Le soir même, Hannah avait posé tout un tas de questions à son père. Pourquoi sont-ils pauvres ? Pourquoi vivent-ils sous terre ? Qui décide de les envoyer là-bas ? Pourquoi on ne les aide pas ? Comment peuvent-ils vivre sans lumière ? Toutes ces questions naïves que poserait n'importe quel enfant, auxquelles Caleb était incapable d'apporter des réponses. Il avait simplement regardé sa fille avec un sourire compatissant et lui avait parlé de ce qu'était l'équité, et pourquoi elle n'existait pas. À cause de l'égoïsme d'une poignée, qui font en sorte de monopoliser presque tout pour que les autres n'aient rien.

C'était la première fois qu'elle descendait elle-même. La ville souterraine était connue pour être malfamée, une fille de bonne famille n'avait rien à y faire. Mais depuis qu'elle connaissait Livaï, et qu'elle savait qu'il avait grandi ici, elle avait encore plus envie de leur venir en aide. Lorsqu'elle avait commencé à descendre le grand escalier de pierre menant en enfer, accompagnée de quelques autres soldats, elle avait été choquée de l'immensité de la ville. Vue d'en haut, on ne distinguait qu'une vague étendue de toitures et de ruelles tortueuse plongées dans une semi-pénombre. Toute la cité était parsemée de torches qui éclairaient la vaste voûte rocheuse comme des milliers d'étoiles. D'aussi haut, c'était presque plaisant. 

Et puis en descendant, la beauté apparente laissait place à la laideur. Hannah se demanda comment on pouvait survivre dans ces rues encombrées par la crasse et la maladie. Les odeurs nauséabondes s'élevaient de tous les côtés comme des vapeurs toxiques se diffusant progressivement dans les poumons. La pourriture, la saleté, le sang, la gangrène... en plus des milliers de réfugiés qui s'amassaient dans les rues, il y avait ces pauvres gens. Originaires de cette ville. Ils étaient reconnaissables entre tous. La plupart étaient si blafards qu'ils avaient déjà l'air presque morts. Le manque de lumière naturelle accélérait le vieillissement de leur peau et empêchait la bonne régénération de leurs cellules. C'est comme s'ils mourraient à petit feu. Elle se souvint alors du teint si pâle du Caporal. Lui aussi avait manqué de lumière presque toute sa vie. Elle secoua la tête pour cesser de penser à lui. 

La distribution de nourriture avait été laborieuse. Au départ à l'attention des réfugiés uniquement, les locaux avaient sans grande surprise fini par s'immiscer dans la masse pour espérer obtenir des denrées lors de la distribution. Hannah et les autres avaient dû faire face à de nombreuses émeutes et insultes, tous les jours durant, et elle avait même réussi à se prendre des coups de la part de certains hommes affamés. Lors du huitième jour, la situation devint vraiment tendue. Quand la jeune femme descendit l'escalier le matin, elle trouva des soldats du district d'Orvud qui s'occupait de la ville avec elle. En s'approchant, l'un des officiers, qui s'appelait Henrique, vint à sa rencontre dès qu'elle eut terminé de descendre les interminables marches. 

- Bonjour, Sergent ! fit-il le poing sur le cœur. 

Elle lui répondit par un signe de la main avant de balayer la ville d'un geste vague de la main. 

Ce qui ne nous tue pas - Livaï x OCWhere stories live. Discover now