Blake
Mais, qu'est-ce que ? Qu'est-ce qu'il se passe au juste ? L'entourloupe est trop grosse pour passer inaperçue. J'ai senti l'arnaque à l'instant où j'ai vu Blondie sur le pas de ma porte. J'étais en train de préparer ma valise en maudissant Brent de m'envoyer si loin.
Ce mec est un pro dans son boulot, et quand il s'investit dans quelque chose, en l'occurrence dans le développement de ma carrière artistique, il ne le fait pas quà moitié. Sauf qu'en ce moment, je n'ai aucune envie de partir aussi loin et aussi longtemps ! Seulement, c'est là une opportunité à ne pas manquer. Et comme si, ce n'était pas suffisant, il a torpillé ma soirée.
Dîner en sa compagnie et Blondie est une chose, me faire véhiculer par cette folle furieuse, une autre. La cerise sur le gâteau, ma rouquine en compagnie de mon pote. Je ne le sens pas, mais alors pas du tout.
Je suis la blonde sans quitter Carotte des yeux un seul instant. J'entends à notre passage des exclamations de clients qui doivent me reconnaître . Le Vernick est un restaurant chic et pas mal de gens pleins aux as viennent y manger. Avec mon air renfrogné, je dois passer pour un mec hautain. Je m'en cogne à un point ! Je fulmine et je dois me contenir, seule la perspective de finir la soirée avec Sibylle me permet de ne pas faire demi-tour.
Je dois lui parler de mon départ à venir, mais rien ne me détournera d'elle et de ces instants que nous passons. En attendant, je vais devoir faire comme si Carotte minsupporte toujours. Quand, nous ne sommes plus quà quelques pas de notre table, je vois le regard de Sibylle changer, passant de la surprise à la découverte. J' esquisserai bien un sourire pour la rassurer, mais le regard de Brent est lui aussi posé sur nous.
Aller, c'est parti pour la comédie ! Alors que, Blondie salue ma rouquine qui boude, je laisse Brent s'occuper de sa nana et de lui tirer une chaise. Je n'ai que faire de son bien-être, et de la galanterie. Je prends la dernière chaise libre et me retrouve à côté de Sibylle. Je la salue rapidement d'un « Carotte » et attend le début des hostilités.
De ma place, j'ai une vue parfaite sur chacun de mes voisins, effet table ronde garanti. Cassandre a l'air nerveuse, Carotte affiche un air impassible, même si je la sens nerveuse et Brent, ça reste Brent. Je n'ai jamais su lire le fond de ses pensées, il domine la tablée. Que ce soit dans sa vie pro ou perso, il est celui qui dégage une autorité naturelle.
Très rapidement, un serveur vient prendre commande de nos boissons. Sibylle est déjà servie et n'a pas l'air de toucher à son verre. De là où je suis, je ne peux pas la toucher pour m'assurer que ça va. Seul l'effluve de son parfum me parvient.
L'ambiance à table est tendue, alors que tout autour de nous, les commentaires sur mon arrivée vont bon train. Carotte est superbe ce soir, bien que sa manie de ne porter que du noir m'intrigue .
Le restaurant est bondé ce soir, il y règne un brouhaha constant qui tranche avec le silence qui entoure notre table, où chacun observe lautre. Notre quatuor silencieux dénote dans cette cacophonie assourdie. Face à moi, Brent reste impassible, il a ce regard que je lui ai déjà vu, celui qui dit, que Maître B est dans la place. À ses côtés, je vois Blondie se trémousser, jouer nerveusement avec ses mains. Tout le contraire de mon pote qui affiche un air impénétrable. Quelque chose me dit, que Blondie va en prendre pour son grade cette nuit, à moins qu'il s'agisse d'autre chose.
Si moi, je vois clair dans le jeu de mon agent, j'ignore si Carotte est au parfum concernant le type de relation qu'entretient son amie avec Brent. Des frissons parcourent le bas de mon dos, quand je pense à ce que j'aurais fait à sa peau si claire, quelques années en arrière.
Avec Sibylle, j'ai de plus en plus de mal à refouler les pulsions qui me viennent. Elle fait renaître, ces envies que je refoule au plus profond de mon être. Je chasse toutes ces pensées quand le serveur vient déposer notre commande devant nous. Jusqu'à présent, personne n'a osé briser ce silence qui nous entoure. L'ambiance est si pesante, que chacun se réfugie derrière son verre, enfin presque tout le monde. Un petit sourire naît sur mes lèvres quand j'entends cette voix qui brise le silence à sa façon. Je reconnais bien là ma rouquine et manque de recracher le contenu de mon verre.
-Bon, c'est bien beau de masturber ces pauvres verres, mais je ne suis pas certaine que nous prendrons notre pied avec !
- Sibylle ! la rappelle à l'ordre la blonde.
- Cassie !!!
Un duel de regards est lancé. À côté de moi, la bombe rousse jubile d'avoir mis mal à laise la blonde. Cette femme n'a pas froid aux yeux et ça m'excite de savoir qu'elle finira au lit avec moi cette nuit. Ça me fait chier de devoir partir, bordel, alors que je me sens revivre grâce à elle. Avec un soupir, j'entends Brent qui finit par mettre fin à la joute verbale qui se joue devant nous, avant que tout le restaurant ne se retourne vers nous.
-Stop, lance-t-il à nos compagnes.
Son intonation et la façon dont il regarde Cassandre l'arrête net. Sibylle sur sa lancée ne percute pas tout de suite que le silence règne. J'hésite un instant à la faire taire au risque de nous dévoiler. Cette dernière, cependant est vive et se rend compte très vite que Cass s'est tue et que cette dernière reprend son manège de tout à l'heure .
La situation m'amuse , je dois dire. Je sens que finalement le repas va être divertissant, même si je ne sais toujours pas, ce qui nous vaut d'être là. Ma rouquine à côté de moi bouillonne. Si personne ne met fin à cette tension, je ne donne pas cher de la suite.
Sibylle est comme ça, et j'adore voir son tempérament de feu remonter en surface. La Sibylle fragile et la Sibylle crachant le feu mintriguent et enflamment mes sens. Je suis à ce point perdu dans mes pensées que je ne percute même pas que le silence s'est fait à notre table et que tous me regardent attendant que je réagisse.
-Quoi ? Je leur demande ?
Ces derniers me regardent tous avec un air différent, mais cest celui de ma cracheuse de flamme que je retiens et son air qui ne présage rien de bon. Merde, se peut-il que Brent ait annoncé que je me barre pour presque un mois, dès demain ? Putain, je sens que ça va être compliqué tout à l'heure. Pourquoi ai-je ce sentiment, que quoi que je réponde, ça ne conviendra pas. Je me sens con d'avoir laissé mon attirance pour Carotte, méloigner de l'instant présent
-Quelquun peut-il m'éclairer , s'il il vous plaît ?
-Brent, nous parlait du Japon et de cette incroyable opportunité pour vous deux. M'éclaire Blondie.
-Oui, c'est vrai, c'est inattendu, dis-je.
-Laisse tomber, la coupe ma rouquine avec dédain, avant que je ne reprenne la parole. Il doit déjà être en train de penser à ses futures conquêtes nippones.
-Voyons Sib, s'insurge la blonde, c'est une chance incroyable.
-Merci, réponds-je à Cassandre. J'en suis conscient
Heureusement pour nous, et surtout pour moi, le serveur revient avec la carte des plats. Cette interruption arrive à point nommé, alors que je sens sur moi, le regard de Carotte que je sens hostile malgré ce sourire narquois qu'elle m'adresse . Brent aussi ne me lâche pas du regard, et je pressens qu'il va chercher à comprendre mon moment d'absence . Sa faculté à lire dans les pensées des gens est vraiment dérangeante. Surtout quand, il l'exerce sur moi. Je ne suis pas un soumis et encore moins le sien. J'apprécie que modérément d'en faire les frais.
Alors que nous poursuivons la soirée autour de nos plats, je remarque que Sibylle participe aux conversations que rarement. Je l'observe discrètement et la vois jouer avec ses plats qu'elle touche à peine. Pire, je trouve ses gestes malhabiles. Est-ce l'annonce de mon départ ? Dois-je croire que la nouvelle ne lui plaît pas ?
Je ne peux pas m'attarder là-dessus sans prendre le risque de nous griller. Le repas continue ainsi, jusquà ce que le serveur revienne avec la carte des desserts. Les filles commandent et s'excusent auprès de nous en sortant de table. Je profite que Brent soit occupé à demander quelque chose au serveur, pour reluquer Sibylle. Je souris en la voyant peu sûre sur ses chaussures. Ses talons sont hauts et mettent valeur le galbe de ses jambes et son cul bombé. Mon sourire se fige quand je la vois manquer de rentrer dans un serveur. Quelque chose m'intrigue dans sa façon de marcher. Je sais qu'elle nest pas ivre. J'ai surveillé du coin de l'oeil sa consommation. Depuis que je sais qu'elle souffre de diabète, je retiens certains détails la concernant et j'ai fait quelques recherches. J'ai encore en mémoire, le malaise qu'elle a eu lors de notre première rencontre.
Pendant que ces dames se repoudrent le nez, je suis de mon côté passé à la moulinette par mon pote. Ce dernier ne m'a pas lâché du regard depuis que nous sommes arrivés. Son regard est une tombe et il m'est impossible de savoir ce qu'il se cache derrière. Il a revêtu son masque de dominant, celui qui ne présage rien de bon quand cela me concerne.
-Il se passe quoi, entre toi et Sibylle ?
-Que voudrais-tu qu'il se passe avec elle, tu l'as vu ? Lui dis-je en répondant par une autre question.
-Oui, je l'ai vu, justement. Ce n'est pas une proie avec laquelle tu vas jouer avant de la jeter. Me dit-il avec un regard noir.
-Pourquoi voudrais-tu que je joue avec elle. Elle ne me plaît même pas. On ne peut même pas respirer le même air sans quelle ne m'agresse .
-Je ne sais pas B, je ne sais pas. Il y a une tension entre vous très forte. Je ne parle pas d'animosité .
-Ne m'appelle plus comme ça ! Je lui dis quand il m'appelle par mon ancien diminutif. Celui qui allait avec mon statut de dominant. Et si justement, j'avais envie de m'amuser avec elle, lui dis-je pour le provoquer.
-Je te le déconseille Blake. Touche-la et fais ton connard avec qui tu veux mais pas elle.
-Et pourquoi ? je lui demande intriguer.
-Elle n'est pas pour toi, c'est tout.
Nous n'allons pas plus loin car les deux femmes nous rejoignent. Ma rouquine semble s'être reprise. Quand elle me frôle, je sens ce courant qui me traverse chaque fois que nous sommes proches l'un de l'autre . Comme deux gentlemen, Brent et moi nous levons pour aider ces dames à se rasseoir. Les gestes qu'aBrent envers Blondie sont parlants.
J'ai déjà vu ce dernier épris, mais pas comme ça. Si je n'étais pas si obnubilé par ma rouquine, je m'en serais aperçu bien avant. L'arrivée du serveur me tire à nouveau de mes réflexions. Celui-ci pose au milieu de la table un seau à champagne. Le bouchon de la bouteille est retiré avec aisance et quatre coupes se remplissent du liquide d'un or profond. Nos desserts nous sont servis dans la foulée et le serveur s'éclipse à nouveau. Il n'est pas rare de porter un toast lorsque lon boit du champagne, alors quand Brent lève sa coupe, je ne suis pas surpris.
- Je voudrais porter un toast, dit ce dernier.
- On n'avait pas remarqué, marmonne la rouquine qui se prend un regard de tueur par la furie blonde.
- Moi aussi, j'aimerais porter un toast, dis-je hilare. Je lève mon verre à cette soirée mémorable.
La rousse s'esclaffe manquant de s'étouffer dans son verre, ce qui me fait rire franchement La soirée est en effet mémorable en tous points. La vengeance est un plat qui se déguste froid, glacé. Peu importe les regards outrés de Blondie et la mâchoire serrée de Brent, la perche était trop facile à saisir. Cependant, Sibylle et moi redescendons vite. Blondie tire une de ses têtes ! Brent est troublé face au désarroi affiché par sa belle. Merde, je crois que pour une fois, nous aurions fait de nous taire.
- Cass ? Je suis désolée, s'excuse la jeune femme.
- Pardon, c'était petit.
Sibylle et moi, nous regardons comme deux imbéciles. Sans le vouloir, je crois que nous avons poussé le bouchon un peu loin, bousillant la soirée. La réaction de Cassandre, nous le prouve. Je ne me sens pas très glorieux et moins encore, quand je regarde Brent qui se retient de m'en étaler une parce que le connard que je suis n'a pas pu s'empêcher de surenchérir sur les paroles de Sibylle.
Je vois Brent qui murmure des choses à l'oreille de Cassandre, tout en lattirant contre lui. Les épaules de la blonde tressautent, elle pleure et se cache dans ses mains. Je me sens encore plus mal de la voir ainsi. Quand, contre toute attente, ce que je prends pour des pleurs se transforme en un fou rire quasi hystérique. Sibylle est plus vive que moi et ne retiens pas ses mots.
-Putain, ma salope, tu nous as bien eus.
Je comprends que nous venons de nous prendre un bon retour de bâton. Je découvre une facette de Blondie que je ne soupçonnais pas. La tension qui régnait autour de la table finie par retomber. Les filles s'essuient les yeux d'avoir tant ri. C'est alors que l'annonce tombe comme ça, comme un cheveu dans la soupe.
- Au fait, on voulait vous dire avec Cassandre, que nous avons décidé de vivre ensemble, lâche Brent le plus sérieusement du monde.
La voilà, la putain d'anguille ! Cette soirée, toute cette mise en scène, c'était pour ça !
-C'est pour ça tous les travaux que tu as faits chez toi ?
-Euh, ce n'est pas un peu rapide ?
Ma voix et celle de Sibylle s'emmêlent . Nous avons parlé en même temps et leurs réponses fusent. Je suis surpris, mais pas tant que ça. Depuis le temps que je connais Brent, je ne l'ai jamais vu ainsi. Sibylle quant à elle, fulmine. La discussion s'envenime un peu, avant de retomber et que nous décidions de clore ce repas.
Bien que la soirée ait été un désastre, je suis content pour mon pote. Si Cassandre est celle qui lui faut, alors qu'il en soit ainsi. Je n'ai plus quà essuyer les foudres de la rouquine qui va mattendre chez elle de pied ferme.