Chapitre 27

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Mon effondrement aurait pu être dans les larmes, mais ce ne fut pas le cas. Trouver Blake sur le pas de ma porte a soulevé en moi un tourbillon démotions, toutes plus violentes les unes que les autres.

Quand, je vous dis que j'ai complètement craqué, ce n'est pas un euphémisme. Le pauvre Blake m'a carrément rattrapé avant que je ne tombe sous ses yeux. Tout ce que je sais, c'est que je me suis retrouvée soulevée dans ses bras, et que la chaleur de son torse contre ma joue a été comme un baume sur mon corps et mon cur meurtri.

Quant à ses grognements et jurons face à la difficulté de récupérer mes clefs et d'ouvrir la porte de l'appartement sans me lâcher, je préfère fermer les yeux dessus et faire comme s'ils n'avaient jamais été prononcés.

Toujours est-il que je suis à présent installée sur le canapé et que des bras puissants me serrent contre un torse tout aussi massif. N'importe qui dans cette situation essaierait de me tirer les vers du nez, mais pas lui. Cest comme s'il savait, comme s'il lisait en moi. J'ai compris, il y a un moment que Sexy Connard est tout sauf, quelqu'un d'ordinaire. Une fois encore, il me le prouve et ça me laisse un sentiment de sécurité.

Ce moment de silence et de sollicitude finit tout de même par s'interrompre, quand Blake me repousse doucement sur le canapé et qu'il me recouvre d'un plaid avant de s'installer face à moi. Son air est sérieux et j'ai comme l'impression qu'il va aller droit au but. Je sens son regard peser sur moi avec autorité.

– Alors, voilà comment ça va se passer, Carotte. Je vais nous préparer de quoi grignoter, tu dois reprendre des forces ! Ensuite, nous parlerons. De ce qui t'as mis dans cet état et d'autre chose. En attendant, tu ne bouges pas, je m'occupe de tout.

Il n'a pourtant pas parlé fort, mais la tonalité de sa voix en donne pourtant l'impression. Me pelotonnant plus encore dans le plaid, je l'entends s'afférer et jurer dans la cuisine. Il fait un tel raffut qu'il est impossible de l'ignorer et surtout de réfléchir à ce que je pourrais bien lui dire. C'est privé, ce qu'il attend que je lui dise, ça ne le concerne pas. Les seules personnes à tout connaître de mon histoire sont à deux heures d'ici et elles y sont très bien.

Blake revient trop vite à mon gout, un plateau est posé sur un coin de la table, lui juste à côté qui se saisit d'une tasse fumante qu'il me tend. Le fumet qui s'en dégage me donne une vague indication sur ce qu'il contient. L'odeur caractéristique du rhum et de celle du miel, c'est doux à mes narines. Si je n'avais pas conscience que c'est dans un but de me faire parler, je l'accepterais volontiers. Levant la main, je lui fais signe que je n'en veux pas. Ce dernier pousse un soupir, me prend la main et y pose d'office la tasse.

– Bois, mordonne-t-il.

– Non, lui dis-je.

Sybille, je ne suis pas d'humeur ! Je ne te demande pas d'accepter cette tasse, mais de la boire ! Je n'ai pas envie de te voir faire un malaise !

Sa réplique me coupe le sifflet. Son regard me dit que je ne devrais pas trop le pousser. Au fond de moi, je sens une flamme qui s'allume. Sa présence, ce qu'il dégage sont comme un baume sur mon état de faiblesse. Je sens une énergie venue de nulle part pointer en moi. Une forte envie de relever la tête, de montrer que je suis plus résistante quil n'y parait. Seulement, cette envie est vite balayée par la déficience de mon corps, qui lui me rappelle ce que j'ai vécu aujourdhui. Cédant à l'autorité qui émane de Blake, je porte à deux mains la tasse à mes lèvres, tout en le regardant.

Une fois ma tasse vidée, je sens une douce langueur détendre mes muscles crispés. Comme s'il n'attendait que ça, Sexy connard me retire des mains la tasse et vient se réinstaller avec moi sur le canapé. Le grog, aussi léger qu'il lai fait, me rend malléable dans ses bras. Je ne suis plus qu'une poupée de chiffon. Je n'ai pas l'habitude que l'on s'occupe de moi ainsi, que je ne songe même pas sur l'instant à savoir pourquoi il est là. Enfin, si j'en ai bien une petite idée, mais j'ai comme dans l'idée que lui demander va me conduire irrémédiablement vers cette conversation, que je ne souhaite pas avoir.

– Ça va, tu es bien là ? Me demande-t-il en me frottant le bras de sa main libre.

– Humm, lui réponds-je tout en me laissant aller dans ses bras.

– Bien. J'aimerai que l'on parle de ce qu'il s'est passé tout à l'heure. Quest-ce qui t'as mis dans cet état ?

Blake, je...Je n'ai pas envie d'en parler, laisse tomber s'il te plait, lui réponds-je sans le regarder dans les yeux.

Je sens ce dernier se tendre sous moi et soupirer fortement. La tension qui émane de lui est impressionnante et soudaine. Je sais que ma réponse ne lui plaît pas, et que cela doit le mettre en colère. Pourtant, c'est avec une grande douceur, que de sa main libre, il pose un doigt sous mon menton qu'il lève, afin que nos regards se croisent. La maîtrise dont il fait preuve me touche. Lorsque j'essaie de détourner le regard, sa prise se fait plus ferme et le contact visuel est maintenu.

– Non, regarde-moi, il n'est pas question que tu gardes ça en toi. J'ignore ce qui t'a fait souffrir à ce point, mais tu ne peux pas garder ça en toi, ça sera pire.

– Blake ? Comment, sais-tu qu'il ne m'est rien arrivé ?

– J'étais déjà là, quand tu es arrivée, et puis ton employé a un peu parlé, il m'a dit que tu avais réservé une voiture avec chauffeur.

– Grrrr, il va m'entendre.

– Laisse couler, au moins, je sais que ce qui t'a mis dans cet état nest pas dû à une violence quelconque.

- Je.

– Ecoutes, quand tu es arrivée, tu avais le même air que lorsque je tai vu dans le parc, voir tu étais dans un état pire.

– Blake.

– Laisse-moi, finir Carotte. Je sais que j'ai déconné avec toi l'autre fois. Je m'en veux, je me suis excusé, je t'ai laissé du temps pour j'espère que tu arrives à me pardonner. Quand tu n'as pas répondu à mes excuses, que tu es restée silencieuse, ça m'a un peu vexé. En fait, ce n'était pas ça. Je ne sais pas comment te dire ça, comment t'expliquer. Je me sens nul, putain ! Ce que nous avions me manque, tu me manques. Je crois que je me suis emporté, parce que, parce que tu me fais éprouver des choses, que je n'ai pas ressenti depuis un moment. C'est pour ça, que je suis venu ce soir.

Ce que me dis Blake me retourne, je ne m'attendais pas à une telle déclaration et encore moins à cette chaleur que ces mots ont fait naitre. Pour la première fois depuis une éternité, je me suis sentie en confiance. Je finis par faire sauter une partie du barrage que je dresse entre les gens et moi depuis des années. Je lui raconte même des choses que je n'ai pas avouées à Cassandre. Quand je suis sur le point de flancher, et je le suis souvent, je sens ses bras me serrer plus fort contre son torse et je me repais de son odeur masculine, si réconfortante.

Me confier à Blake me fait l'effet qu'on m'arrache un membre et qu'on me le greffe à nouveau. C'est comme si une grande partie de ma souffrance s'envolait. En tout cas, ça me vide et je me sens lourde, comme après un bon footing.

Blake me cale un peu plus contre lui et se penche pour attraper le plateau qu'il pose à côté de nous. Je n'ai pas faim, je pourrais très bien me passer de manger et aller me coucher, mais c'est sans compter sur l'obstination de ce dernier. Je le laisse alors porter les cubes des fromages et les olives à ma bouche, avant de m'endormir repue dans ses bras.

Through their shadowsWhere stories live. Discover now