Chapitre 12

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Une semaine est passée depuis ma méga crise d'hypo. Il m'aura fallut trois jours pour m'en remettre complètement. Et pendant ce temps, j'ai eu le droit à une Cassandre version thermo-nucléaire. Les cris, les reproches, les larmes et même le silence, j'ai tout eu. Elle ne m'a rien épargné et ne m'épargne toujours pas. Là en ce moment, elle est chez moi, elle me scrute, comme si elle était à la recherche du moindre signe de rechute. Cette situation me pèse vraiment. J'ai conscience que j'ai échapper de peu à une hospitalisation, voir à un coma diabétique. Cass ne s'est pas gênée et ne se gêne pas pour me le rappeler à la moindre occasion.

En fait, je crois que je lui ai vraiment foutu les boules et qu'elle s'en veut peut-être aussi de ne pas avoir sut repérer les signes avant coureurs d'une hypo. C'est con, mais beaucoup de gens pensent, que parce que l'on est diabétique, que l'on peut prévoir, ou que l'on sent quand une hypo arrive. La réalité est tout autre. L'hypoglycémie est une vicelarde, bien que l'on puisse la sentir s'installer, cette dernière arrive souvent à nous jouer un sale tour. L'entourage du diabétique arrive quasiment à chaque fois à reconnaître les prémices d'une hypo bien avant le malade lui-même.

C'est ce qui m'est arrivé de façon assez violente à la première soirée de l'exposition de Blake Donovan. Je ne l'ai senti venir, que lorsqu'il était déjà trop tard. Cass se sent coupable de ça, je pense. Elle n'a vu elle aussi que trop tard, que j'étais en crise. Cela ne m'étais pas arrivé depuis quasiment deux ans. Avant, j'en faisais régulièrement et mon amie avait appris à en reconnaître les signes. Heureusement qu'elle était présente, sa rapidité d'action m'a évité de justesse de finir à l'hôpital. C'est du moins, ce qu'a dit le médecin qui est venu à la demande de Brent. Le glucagon a une fois de plus été mon sauveur.

Oh-là, je vous vois venir, le glucagon n'est pas mon seul sauveur, hein ! Je le sais, vous l'avez compris, et Cass le sait. Je crois même que je dois aussi remercier Brent, pour sa patience, et pas seulement envers moi. Ma Cassie peut-être particulièrement insupportable en cas de crise. Alors se retrouver à dormir sur un canapé, pour ne pas laisser sa chérie seule, avec sa pote diabétique et comateuse, moi je dis respect !

Dans l'immédiat, la chieuse, c'est moi qui me la farcit en ce moment. Son silence me rend dingue. En fait, je crois qu'elle attend que j'explose. D'une certaine façon, c'est notre mode de fonctionnement post crise. Seulement, je n'ai pas envie de cette explosion, je ne m'en sens pas la force. Cette dernière hypo m'a fait peur à moi aussi. Mais pas pour la même raison.

Il y a quelques années en arrière, je provoquais volontairement certaines de ces crises. C'est ce que l'on faisait avec elle, après cet été là à la colo pour diabétique. Au début c'était une sorte de rébellion envers nos familles, puis c'est devenu un jeu, une mauvaise habitude. Nous tentions de repousser nos limites. Elle, c'était mon amie, ma meilleure amie, ma sur en quelque sorte, même si beaucoup de choses nous différenciaient, le diabète lui nous rapprochait. Puis, est arrivée la fois de trop, celle qui m'a poussé à devenir celle que je suis aujourd'hui. Celle qui a besoin de garder un certain contrôle. C'est sûrement à cause de cette perte de contrôle, que je ne me sens pas de m'en prendre à mon amie et que je casse ce schéma qui était devenu le notre.

Vous vous demandez, qui peut bien être cette personne, cette fille derrière le « Elle » que j'emploie. Un jour, je vous le confierai, ce jour arrivera peut-être vite, ou pas d'ailleurs. Pour l'heure, il faut que je parvienne à rompre ce silence pesant entre Cassandre et moi. Que je botte le cul à cette faiblesse passagère, et que j'analyse pourquoi cette garce d'hypo s'est pointée me faire son coup de pute.

Une idée se forme dans ma tête à la vitesse de l'éclair. Je pense que ça la fera sortir de ses gonds à une vitesse folle, enfin je le souhaite. Un verre, deux, une assiette de crakers, voilà déjà de quoi, lui faire lever les yeux. Bingo, ça marche ! J'ouvre le placard derrière-moi, celui où je range les bouteilles d'alcool forts. Je farfouille un peu et en sort une bouteille de vodka, que je pose bien en évidence sur le plan de travail. Puis je sors un bol et me dirige vers mon réfrigérateur pour prendre quelques glaçons et sortir deux bouteilles. Qu'elles sont froides ! Je farfouille encore quelques instants dans les placards et récupère ce qu'il me faut.

Cassandre me fusille du regard mais ne prononce toujours aucun mot. Dans un pur esprit de bravade, je soutiens son regard meurtrier et me sers un fond de vodka que j'avale cul sec. L'alcool me brûle l'oesophage avant d'attaquer mon estomac quasi à jeun. La vodka, c'est bon mais que dans cocktail selon moi. Je ne comprends pas comment certains arrivent à la boire pure.

– Fruits rouges ou Bloody Mary ? Je lui demande en indiquant de la tête la bouteille d'alcool.

Pas de réponse. Elle commence à m'emmerder de faire la gueule tout en me surveillant comme une mère poule. Rageusement, je me prépare un Bloody Mary bien corsé, histoire de faire passé la pilule. Puis dans un ultime geste, je tends la main vers mon kit de survie, prête à le balancer, quand une main se pose sur la mienne.

– Je sais ce que tu essaies de faire, ça ne marchera pas, me dit-elle.

– Ah bon ? Je lui réponds en jubilant intérieurement.

– Arrête, ne fais pas ton innocente ! Tu ne me hurles pas dessus, tu ne réagis pas et pourtant je viens de passer la semaine à te pourrir l'existence.

– Ça, c'est bien vrai !

– Qu'est-ce qu'il ne va pas Sib ?

– Rien, dis-je sachant pertinemment que je lui mens.

– A d'autres Martin !

– Cassandre, il n'y a rien, je t'assure !

– Tu me déçois, Sibylle.

– Cassie, je te jure...

– Non ! Pas cette fois. Je te connais plus que tu ne le penses Sibylle. Tu sais que je suis ton amie, que je te tiens à toi. Alors, bordel parles-moi ! Merde.

Je me sens mal. C'est la première fois, que j'entends mon amie employer ces mots envers moi. Nous avons eu bien des prises de têtes, mais jamais elle ne m'a reproché de lui cacher des choses (même si c'est bien le cas) et surtout elle ne m'a jamais dit que je la décevait. Ce constat rouvre une plaie au plus profond de moi, que je pensais alors refermée.

Son explosion, son cri, m'atteint tellement que je ressens le besoin de me retenir à quelque chose. Les épaules affaissées, la tête rentrée dans ces dernières, je laisse le rideau que forme ma chevelure recouvrir mon visage. Je me cache du regard de Cassandre. Je ne mens pas vraiment à cette dernière. J'omets juste de lui déballer certains faits. Ce n'est pas mentir hein ? Même à moi, je n'arrive pas à me mentir. Finalement, faire l'autruche ce n'est pas si facile que ça, la réalité me rattrape trop vite et fait bien plus mal encore.

– J'ai eu peur Cass. J'ai peur de la suite. J'ai perdu le contrôle la semaine dernière.

– Ma chérie,..

– Non, laisse-moi continuer. Tu as raison, je ne t'ai pas tout dit.

Et là pendant ce qu'il me semble des heures, je lui déballe un à un, tout ce que je ne lui ai pas dit. Je lui raconte pourquoi, cette dernière hypoglycémie m'a fichu la trouille. Ces rendez-vous que j'ai eu. Je déballe tout, y compris que ma vue baisse plus vite que prévu, que l'idée de finir dans le noir m'effraye. Que j'ai besoin de me raccrocher à ce que je peux contrôler. Que je sais que je ne pourrais pas tenir cette promesse que j'ai faîte, il y a longtemps.

A la fin du Hashtag « je déballe tout sur ma vie et mes états d'âme », je suis épuisée. Cassandre a les larmes aux yeux, elle ne dit rien sauf cette phrase qui me rassure « je serais toujours là, tu le sais hein? ». Nous finissons par changer de sujet et par nous servir à boire, Bloody Mary pour moi et vodka – fruits rouges pour elle.

Through their shadowsDonde viven las historias. Descúbrelo ahora