Chapitre 3

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- Ne te ferme pas s'il te plaît ! Parle-moi Sib !

Cassandre insiste, mais je ne l'écoute pas. Je tente désespérément de ne pas sombrer. Je manque d'air. Je dois en garder pour ce qui m'attend tout à l'heure. Regardant par la fenêtre, je m'enfonce un peu plus dans le marasme. Ce soleil insolent qui agresse mes rétines à travers mes verres foncés, n'améliore pas mon humeur. Qu'il me foute la paix aussi celui-là.

Soupirant, mon amie démarre son tacot et nous traversons la ville dans un silence pesant. Maintenant que me voilà débarrassée de cette tâche matinale, je suis plus riche de plusieurs millions. La prochaine étape arrive, je vais devoir me pencher sur cet avenir qui se dessine. Avenir pour lequel je ne fais que retarder l'échéance.

Au fond de mon sac, un bout de papier froissé attend que je le sorte une fois de plus. Il me brûle de le toucher, de laisser mes doigts glisser dessus. Ce qui y est inscrit, je le connais par coeur. C'est cette liste que j'ai écrite, il y a neuf ans lors de mon arrivée ici. Chaque étape de cette dernière a été réalisé. Enfin pas tout à fait, une me reste à faire sauf que cela ne m'intéresse plus. Depuis cette toute première liste d'autres ont été faîtes en prévision de ce jour qui se rapproche de plus en plus. Penser que je vais devoir les ressortir, les mettre en place, me glace d'effroi.

Me concentrer, je dois me concentrer pour ne pas laisser la terreur me gagner. Je ne dois pas perdre le contrôle de mes émotions. Personne, pas même ma Cassie, ne doit savoir à quel point j'ai peur. Jamais plus je ne dois être cette fille complètement apeurée, celle que j'étais avant. Vivre et contrôler tout ce qui m'entoure, voilà ce dont j'ai besoin.

Alors pourquoi, plus nous nous rapprochons du point de mon second rendez-vous, plus je sens l'angoisse monter ? Une petite voix me souffle de vivre pour moi, de me lâcher, d'arrêter de me cacher derrière ce contrôle que je m'impose. Pourquoi maintenant ? Rien qu'à cette idée mon corps se crispe. Mon chauffeur doit le sentir, parce que je la sens se préparer à me dire quelque chose. Prendre des gants avec moi, ce qui n'est pas dans ses habitudes.

- Tu... Tu sais que je serais là quoi qu'il se passe, ma belle. Je ne te lâche pas.

- Je sais...

Je n'en dis pas plus. Je sais qu'elle sera là, mais est-ce que j'arriverai à l'accepter. Je l'aime comme la soeur que je n'ai jamais eu. Est-ce que ça sera suffisant pour que je lui lâche une part de ce contrôle que je m'efforce à garder ? Rien n'est plus incertain qu'aujourd'hui. Gueule de bois et déprime, quel beau mélange !

La voiture ralentit à l'abord de mon point de chute. Il faut bien dix minutes à mon amie pour trouver une place, et facilement dix de plus pour se garer. Le moteur coupé Cassandre se tourne vers moi. Elle cherche à capter mon regard, je la sens qui s'énerve. Elle n'aime pas me voir porter ces lunettes. Les verres sont si foncés qu'elle ne peut pas lire dans mes yeux, ce que je ne peux lui cacher.

Arrivant à me surprendre cette dernière m'arrache mes verres et me scrute. La lumière brute de cette journée ensoleillée de printemps me fait mal aux yeux, des halos se forment aussitôt accompagnés d'espèces formes blanches qui bougent, comme des petits vers blancs. Mes réflexes ne me sont d'aucuns secours dans mon état et je peste dans ma barbe. Cassandre sait pourtant à quel point cela peut me faire mal mais elle le fait quand même.

- J'ai besoin de te voir, me dit-elle de son air qui veut tout dire.

- Tu me vois, non ? Je suis à côté de toi je te signale ! Rends-moi mes lunettes !

- Tu sais très bien ce que je veux dire ! Tu te caches derrière ces verres ! Tes yeux parlent pour toi.

- Mais putain, files-moi mes lunettes, je lui hurle furieuse, en essayant de les récupérer.

- Sibylle !

Je suis en colère, elle sait à quel point ces verres sont mon option de survie. Fébrilement je cherche ma paire de secours dans mon sac, avec à côté de moi, une Cassandre tout aussi furieuse qui recommence son sermon du matin. J'ai beau cherché, je ne les trouve pas. Mes mains tremblent et je me sens perdre le peu de contrôle qu'il me reste.

- Qu'est-ce que tu veux que je te dise, bordel ! Que je ne te vois pas sans ! Putain rends-les moi ! Dis-je en lui tirant sur le bras

Mon amie reste coite suite à mon explosion. Je ne me fâche que rarement. En fait non, c'est faux, je râle souvent et pour beaucoup de choses. J'ai un tempérament volcanique. Cependant, je ne m'emporte jamais avec autant de violence.

- C'est à ce point là ? C'est pour ça ta nouvelle garde robe !

Ce n'est plus une question, mais une constatation. La pression redescend quand elle me redonne mes lunettes. Je ne les remets pas de suite, la lumière dans l'habitacle de la voiture est moins forte que dehors. Je lève la tête et croise le regard emplis de compassion de mon amie.

- Oui.

- C'est pour ça que tu voulais que je te conduise aujourd'hui ?

- Oui. Je...J'ai faillit provoquer un accident l'autre jour.

- Le rendez-vous de ce matin, c'était pourquoi au juste ?

- Je. On peut en parler plus tard s'il te plaît ?

- Sibylle...

- Non, s'il te plaît, je t'en parlerais promis, mais pas aujourd'hui, lui dis-je en la coupant.

- Ok, je te laisse tranquille. Je te préviens, tu n'as pas intérêt à te défiler. Me défie-elle.

- Je sais. Faut que j'y aille maintenant.

- Ca va aller ?

- Oui, t'inquiète, je suis une grande fille, je lui dis tout en sortant de la voiture. Merci ma poule.

Traverser le parking me demande beaucoup d'énergie. Entrer dans le grand bâtiment médical aussi. Je sais plus ou moins ce qu'il m'attend. Les nouvelles ne seront pas bonnes, elles ne le sont jamais vraiment à chaque fois que j'en franchis le seuil.

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Alors ce cabinet médical ? Quel praticien Sibylle va t'elle voir ? Je pense que ce chapitre vous donne un bon indice de ce que Damoclès va apporter à Sibylle.

Mais pourquoi, ce besoin de contrôle? Des hypothèses? Sibylle est-elle une vraie control freak où ce contrôle sert juste de béquille? A travers ce chapitre la seconde hypothèse est la bonne. Seulement, la miss reste bien mystérieuse sur son passé. Et si finalement, c'était plus profond que ça.

On oublie pas la petite étoile si vous avez aimé, et si vous vous sentez motivé, un petit commentaire fait toujours plaisir.

@ toute

Through their shadowsWhere stories live. Discover now