Je n'arrive plus à me souvenir si je t'ai dis à quel point tu es belle.
Je ne me souviens plus des derniers mots que tu as prononcé.
Je ne me rappelle pas de ton dernier sourire.
La seule chose que j'ai en mémoire, c'est ton visage. Ton doux visage, sur lequel s'étire un sourire que j'aime plus que tout au monde. Celui qui hante chacune de mes nuits depuis que tu es partie. Tes yeux mordorés qui pétillent d'intelligence et de bonheur. Ce regard dans lequel j'aime me perdre. Le rouge sur tes joues, alors que tu ne supportes pas qu'on te fasse des compliments, alors que j'aimerai passer ma vie entière à te faire des compliments. C'est ton visage, mais en cet instant, le seul que je vois, c'est celui que j'ai sous les yeux.
Ton visage pâle, tes paupières closes et ces larmes de sang sur tes joues.
Qu'est-ce que cela faisait de sentir ton corps près du mien ?
De sentir la chaleur qui se dégageait de toi ?
D'entendre ton rire résonné à mes oreilles ?
De t'entendre me dire combien je suis casse-pieds mais combien tu m'aimes ?
Je ne sais pas.
Je ne sais plus.
Mon cerveau refuse de se souvenir.
Mon cœur hurle de douleur à l'idée d'oublier toutes ces si belles sensations.
Les souvenirs sont là, enfouis quelque part au plus profond de moi, mais je n'arrive pas à les faire remonter à la surface. Il y en a des milliers, des beaux comme des moins beaux. Il y en a à la pèle. Il y en a tellement qu'une vie entière ne suffirait pas à tous me les repasser en mémoire. Pour me souvenir de toi, de ton sourire, de ta joie, de ton amour.
J'essaie de toutes mes forces, mais je n'en suis pas capable.
Sans toi, je n'arrive à rien.
Et ça me terrifie.
Hermione, j'ai tant besoin de toi.
Je t'en prie, il faut que tu te réveilles.
Allez, ouvre les yeux.
Je t'en supplie !
Un sanglot me serre le torse alors que tes paupières restent obstinément closes. Ta poitrine se soulève si doucement que j'ai parfois l'impression que tu ne respires plus.
Je voudrais tant sentir ton souffle dans mon cou alors que je te serre contre moi. Sentir ta chaleur, les battements précipités de ton cœur, ton odeur si sucrée. Les chatouillis de tes cheveux contre ma joue, tes bras frêles qui me serrent contre toi.
Allez, chérie, ouvre les yeux !
Tu sais, une semaine, c'est long.
C'est terriblement long.
Je n'ai pas réussi à quitter ton chevet depuis que tu es arrivée à l'hôpital, une semaine et dix heures auparavant. Sept jours et cent soixante-dix huit heures.
Mes parents s'inquiètent de mon état, mais l'idée de te perdre à tout jamais les terrifie autant que moi.
Tu entends, Hermione, tu n'as pas le droit de mourir !
Il est hors de question que tu m'abandonnes de nouveau.
Je ne supporterai pas de vivre sans toi.
Ne me demandes pas ça, je t'en prie...
Putain !
Un gémissement t'échappe, identique à ceux que tu as déjà eu ces derniers jours et je me relève d'un bond, le cœur battant la chamade, renversant ma chaise.
George ouvre brusquement la porte et tout le monde entre dans la chambre.
Je retiens mon souffle et mon regard ne parvient pas à se détacher de ton visage.
Allez, chérie.
Allez.
Allez !
Un médecin fait soudainement irruption dans la pièce et c'est seulement à cet instant que je remarque le sang qui coule de ton nez et de tes oreilles.
Quelqu'un me tire en arrière.
On me force à reculer pour laisser la place aux soignants.
Non, Hermione.
Non, je t'en supplie.
Ne me fais pas ça...
Je les vois s'activer autour de toi, agiter leurs baguettes au-dessus de ta tête.
Ils prononcent des paroles que mes oreilles bourdonnantes ne comprennent pas.
Je n'entends pas les pleurs de ma mère.
Je ne vois pas Ginny s'effondrer dans les bras de Harry.
La seule chose que je vois, c'est toi.
Chérie, c'est toi.
C'est cet avenir dont j'ai si souvent rêvé ces derniers mois. C'est cette vie future que je n'imagine qu'à tes côtés. C'est nous deux, devant un prêtre, entourés pour notre famille, en ce jour si important. C'est toi, âgée de quelques années de plus, ton ventre légèrement rebondi et tu souris, tu souris de ce sourire dont je suis tombé amoureux, alors que tout le monde te félicite. C'est toi, sur le quai de King's Cross, alors que nous observons, main dans la main, le Poudlard Express qui s'éloigne de nous. C'est toi, si heureuse et si fière de ce que tu es devenue, de ce chemin que tu as parcouru depuis la mort de tes parents. C'est toi, assise sur un rocking-chair, lisant un livre. Tu te mordilles la lèvre sous la concentration et moi, je souris. Je souris, parce que je suis incapable de faire autre chose que sourire lorsque je suis à tes côtés. C'est toi, les cheveux grisonnants, détaillant avec amour les générations futures qui nous auraient succédées.
Mais toi, tu ne me vois pas.
Et ça me bouffe de l'intérieur.
Ne plus jamais voir tes yeux ?
Non, ce serait trop me demander.
Allez, chérie.
Allez...
Au bout d'un temps qui me parait infiniment long, les médecins cessent de bouger. Je ne comprends pas pourquoi.
Tes paupières sont toujours closes, alors pourquoi ne font-ils pas le nécessaire ? Pourquoi ont-ils arrêtés de bouger ? Pourquoi personne ne leur demande de continuer, qu'il faut te sauver, car je ne peux pas vivre sans toi. L'idée même de passer le restant de mes jours sans toi me terrifie plus que tout au monde. Sans toi ? Non, j'en serai incapable. Je ne peux pas. Non, je t'en prie. Il faut faire quelque chose... Il faut...
Je sens une main glisser sur mon épaule, mais je me dégage vivement et attrape le premier soignant par le col, lui hurlant de continuer.
Qu'il faut impérativement que tu ouvres les yeux, que tu ne peux pas mourir, pas ici, pas maintenant, pas à cet âge. Nous avons encore toute la vie devant nous, chérie. Et cette vie, je ne la veux qu'avec toi à mes côtés.
Tu n'as pas le droit de m'abandonner ! Tu entends, Hermione ?
Pas une fois de plus.
Le soignant reste stoïque alors je le secoue plus fort.
Deux mains fermes me tirent en arrière et George me force à le regarder dans les yeux.
Il pleure.
Pourquoi ?
Je souffle qu'il faut que les médecins continuent.
Je vois ses lèvres remuer, mais ce n'est pas eux qu'il regarde, c'est moi.
Pourquoi ?
Je tourne la tête et je remarque que tout le monde pleure.
Pourquoi ?
Hein, Hermione, pourquoi ?
Mon univers tout entier implose à la seconde où je réalise pourquoi. Où je comprends. Que tu es partie. Que tu m'as laissé. Que tu as préféré t'endormir à tout jamais que de continuer à te battre pour rester près de moi. Que tu as retrouvé tes parents, dans ce monde dans lequel je ne peux pas te rejoindre. Que tu es morte, et qu'à présent, il ne reste plus que moi.
Mon cœur se brise au creux de ma poitrine et je m'effondre dans les bras de mon frère lorsque je comprends que tu es partie.
Tu es partie, Hermione.
Tu m'as abandonné.
Pourquoi ?
Putain, pourquoi ?