Kivari #1

By aIexkiz

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Après s'être aventurée dans une forêt interdite, une adolescente développe un étrange pouvoir lié à un peuple... More

1- Prologue
2- La fin de l'été
3- L'appel
4- La fille de la forêt
5- Meori
6- L'étau
7- Le lien
8- Havenly High
9- Ennemie ?
10- Petit meurtre entre amis
11- Résolutions
12- Sans issue
13- L'arbre brisé
14- Kila
15- La proposition
16- Marquée
17- Questions
18- Madame Personne et le chevalier servant
19- Un caractère de chien
20- Collaboration forcée
21- Le jour de Christophe Colomb
22- Equilibrium
23- Un grand honneur
24- Esprit animal
25- Liaison chimique
26- Dans le sous-bois
27- La proie
28- Kivari
29- Embrasée
30- Sous l'écorce
31- La porte secrète
32- Piégée
33- Logan Hoyt
34- Présentations
35- Émoi
36- À l'orée de la forêt
37- Fuis-moi, je ne suis...
38- Le noy'sat
39- L'homme à la couronne de fougères
40- Sur la voie
42- Le Pacte
43- Transition
44- Première lune
45- Le jardin d'Eden
46- Fiévreuse
47- Brûlures
48- La langue morte
49- Entrelacées
50- Improvisation
51- Les Osborn
52- Du sang et des lames
53- L'étoile au bout du monde
54- La rumeur
55- Anonyme
56- Incertitudes
57- Homecoming
58- Axiome
59- Le chat et la souris
60- Un être à part
61- Humain et animal
62- Révélations
63- À l'aube de l'hiver
L E X I Q U E

41- L'eirsha

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By aIexkiz

Je relevai brusquement la tête. Le feu était éteint. Il faisait nuit noire, comme en attestaient les étoiles qui brillaient haut dans le ciel sombre et le froid qui commençait à se manifester. J'avais dû m'endormir... Dans un coin de mon esprit, un vague souvenir de feuilles vertes et d'oignon flottait. La poudre de kriti... J'en avais inhalé les émanations durant la danse étrange du shadan et celles-ci m'avaient probablement embrumé l'esprit, voilà tout. Je tâchai d'étirer mes membres, les uns après les autres. J'avais l'impression de m'éveiller d'un sommeil vieux de trente ans ! Le craquement qu'émirent mes articulations me fit presque craindre que ce fût le cas. Combien de temps avais-je passé à dormir auprès du feu ? Et plus important encore... Je me levai tout en continuant à étirer mes membres douloureux : où étaient passés Kila et Eo'da Seti ?

Ne restaient plus autour de moi que les arbres qui ressemblaient à des pattes géantes munies de griffes prêtes à me déchiqueter à n'importe quel instant. À quelques pas, je reconnus le séquoia qui m'avait tant traumatisée ; il m'évoquait à présent un tombeau de bois fourchu. Je frissonnai à l'idée qu'il avait bien failli être le mien. Un hululement perçant me fit tourner la tête en direction de la forêt. Ce n'était qu'une chouette, mais un léger malaise s'instilla tout de même en moi. Au loin, des insectes émettaient un désagréable crissement continu qui brisait le silence ambiant de la nuit. J'étais seule.

Je décidai de m'éloigner du séquoia. Je n'allais rien trouver en restant ici à ne rien faire et, de toute évidence, le shadan et Kila avaient quitté les lieux. «Je ne bougerai pas d'ici.» Tu parles ! maugréai-je dans ma tête. En marchant, je butai contre la calebasse vide qui roula sur elle-même. Je pris le petit récipient et l'odeur nauséabonde qu'il dégageait raviva mes souvenirs. L'eirsha ! J'étais en train de passer un test, une épreuve cruciale qui me permettrait d'en savoir plus sur mon svarai ainsi que celui de Meori. Je laissai la calebasse près du feu mort et m'engageai aussitôt dans la forêt. Car l'objectif était désormais clair pour moi : les deux kanashs m'avaient abandonnée dans la forêt pour évaluer ma résilience. Le but du jeu était certainement de tester ma capacité à réagir. Eh bien, j'allais leur montrer de quel bois j'étais faite et je retrouverais mon chemin sans aucune aide !

Je pris le chemin que j'avais suivi lors de ma recherche des pousses de kriti. Il était assez facile de m'orienter dans la mesure où j'avais mémorisé plusieurs repères durant mon premier trajet : à partir de l'arbre pourvu de lianes, tourner sur la gauche puis continuer jusqu'à la prochaine fougeraie, la dépasser, arriver en vue des buissons de baies brunes, tourner encore, marcher un peu jusqu'à l'arbre dont les deux premières branches se rencontraient pour former une croix et enfin, la rangée d'arbustes. Je cheminai ainsi jusqu'aux buissons de baies brunes, tournai comme dans mon souvenir et dépassai l'arbre aux branches croisées. J'aperçus l'orée d'une clairière et débouchai sur le feu mort auprès du séquoia. Interdite, je fis volte-face : la forêt restait la même qu'à mon éveil. Des arbres aux ombres qui s'hérissaient dans la nuit, des crissements d'insectes et des étoiles plein le ciel. Près du feu, la petite calebasse gisait, retournée. Étais-je revenue sur mes pas sans m'en rendre compte ? Inquiète, je rebroussai chemin et retraçai à nouveau le trajet dans ma tête tout en marchant : l'arbre à lianes, la fougeraie, les buissons de baies brunes, l'arbre aux branches croisées...

Je refis ainsi le trajet une bonne dizaine de fois. Sans succès. Je revenais inlassablement au séquoia près du feu mort. Excédée, je tentai même d'effectuer un itinéraire spontané, empruntant des directions au hasard, mais peine perdue : je revenais systématiquement au feu éteint près du séquoia. Au bout du trentième voyage, je finis par jeter un coup de pied rageur dans la calebasse qui s'envola plusieurs mètres plus loin. J'en avais ras le bol. Tout ceci ne servait à rien. Je m'épuisais à force de marcher sans but et m'échiner à parcourir la forêt ne donnait aucun résultat. Je me mis à tourner autour du feu dont les braises étaient mortes depuis bien longtemps. Et je n'avais pour lumière que celle que me fournissait la lune ! Une peur panique monta soudain en moi : et si je restais ici pour toujours ?

Je jetai un œil craintif au séquoia. J'avais craint que l'arbre ne devienne mon tombeau, mais la forêt pouvait très bien revêtir ce rôle également. Condamnée à errer dans une forêt morte sans jamais pouvoir en sortir ? Je me mordis furieusement la lèvre. Il devait y avoir un moyen. Je songeai à Kila. La kanash ne se serait probablement pas avouée vaincue si vite. Elle était forte, et elle avait su passer l'eirsha. Je réorganisai promptement ma pensée ; Kila avait su passer l'eirsha parce qu'elle était forte. J'eus un rire amer que seule la forêt entendit. L'eirsha est personnelle ! me dis-je intérieurement tout en réfléchissant à une solution. Un bref espoir naquit en moi lorsque je songeai à ma mère. Elle était inspecteur de police, elle allait forcément lancer un avis de recherche à mon sujet et, connaissant la détermination légendaire de Claire Atwood, elle finirait par me retrouver. Mais je le tuai presque dans l'œuf, car la kanash m'avait prévenue : le temps ne s'écoulait pas de la même manière dans ce monde. J'ignorais donc combien de jours, semaines, ou même mois pouvaient passer avant que quelqu'un ne s'aperçoive de ma disparition. Non. Je devais m'en sortir seule et par mes propres moyens.

Fille des hommes.

La voix résonna comme une onde de choc dans mon esprit, me vrillant le crâne. Je tombai à genoux, les mains compressées sur ma tête douloureuse. Je restai ainsi prostrée sur le sol jusqu'à ce que les vibrations s'estompent. Je connaissais cette voix d'outre-tombe ; je l'avais déjà entendue, la nuit où Meori avait perdu la vie. Inquiète, je cherchai prudemment son origine en scrutant la pénombre. Elle retentit une seconde fois, aussi effrayante et immatérielle qu'au premier soir. Et toute aussi douloureuse.

Approche.

L'injonction vibra comme un tremblement de terre dans ma tête. À moitié sonnée, je relevai la tête pour déterminer son origine. Je réprimai l'envie de prendre mes jambes à mon cou lorsque je réalisai d'où provenait la voix : le séquoia. Je fixai l'obscurité béante qui me donnait l'impression de m'observer avec tout autant d'intensité. Mon esprit agité imagina un œil gigantesque qui me guettait à travers l'énorme fente et je réprimai de nouveau le besoin pressant de m'enfuir. Par où pouvais-je aller de toutes façons ?

Ici. Si tu veux vivre.

Les mots explosaient les uns à la suite des autres dans mon esprit, m'assommant un peu plus à chaque fois. Il me fallut plusieurs minutes pour reprendre conscience de la terre sous mes pieds : la voix éthérée résonnait puissamment en moi et, sans défense face à cette entité, j'en subissais chaque manifestation. Les tempes battantes, je réalisai que l'entité me répondait à travers mon propre esprit ! Se pouvait-il qu'elle entende mes pensées ? Et d'abord, qui était elle ? Je pris mon courage à deux mains.

— Qui es-tu ? demandai-je d'une voix que je voulais forte mais qui sonna comme un coassement à mes oreilles.

J'eus l'impression que l'ouverture ténébreuse cherchait à m'aspirer et je ne pus m'empêcher de camper solidement sur mes deux pieds pour m'ancrer au sol. Était-ce un effet de mon imagination ? J'attendis quelques instants, mais aucune réponse ne me parvint. Le séquoia ne réagissait pas. Je commençais à craindre d'avoir atteint le stade de la folie quand quelque chose vibra dans l'obscurité. Le souffle court, je scrutai néanmoins les ténèbres du creux : si la mort venait me frapper, autant la regarder en face. Un chat blanc émergea des profondeurs de l'arbre. L'animal s'avança de quelques pas, puis s'accroupit tranquillement dans l'herbe. Il était tout petit, au point où je me demandai même si je n'avais pas plutôt affaire à un chaton. Il était plutôt fin, voire maigre, et doté d'un pelage d'une blancheur extrême. Mais ses prunelles étaient ce qui me déconcertait le plus : d'un bleu anormal, elles me rappelaient étrangement celles de Kila. Le chat blanc m'observa avec un profond désintérêt, et j'eus la désagréable impression que le petit félin me jugeait.

Voyant que je ne bougeais pas, il se lécha la patte avant, puis fit mine de faire demi-tour. Allait-il retourner d'où il était venu ? Le petit chat blanc s'arrêta juste devant le creux, puis me fixa intensément de ses prunelles azurées. Comme le lynx. Le petit chat blanc m'indiquait le chemin comme le lynx avant lui. Et je compris alors la nature de mon eirsha : je devais affronter ma peur du séquoia — non, du noy'sat — si je voulais quitter la forêt. Je sentis plus que je n'entendis le rire grinçant qui émana de l'arbre. L'entité savait. J'étais l'objet de sa moquerie. Elle riait et me pensait incapable de m'en sortir ? Je serrai les dents. Je n'avais aucune intention de mourir ici. Je sortirais de cette forêt, et j'en sortirais par n'importe quel moyen. Les poings serrés, je me dirigeai vers la cavité béante qui m'attendait. Le petit chat blanc me jeta un regard à la limite du dédain, puis il plongea dans l'obscurité du noy'sat. J'eus un instant d'hésitation à la vue des ténèbres inquiétantes qui tournoyaient à l'intérieur du noysat. Puis je me repris : si un chaton s'y risquait, je pouvais bien y aller aussi ?

Poussée davantage par une obscure fierté plutôt qu'un courage à toute épreuve, je pénétrai à la suite du petit félin. Presque instantanément, la sensation d'engourdissement désormais familière m'envahit. J'eus la même impression d'évoluer dans une mélasse invisible. Lorsque les racines vinrent m'enlacer de leur déplaisante étreinte, je me laissai faire. Tâchant de dominer mon angoisse, je me détendis autant que possible afin de percevoir le flot d'énergie qui circulait dans l'arbre, comme Kila me l'avait enseigné. J'espérais ainsi que les racines se dénouent d'elles-mêmes, comme ce fut le cas la première fois. Mais elles ne se désentrelacèrent pas.

Je me raidis davantage alors que les racines s'enroulaient toujours plus autour de mes membres. L'éventualité de me noyer dans les profondeurs du noy'sat se forma peu à peu dans ma tête. Mon esprit imagina des mains humaines à la place des racines qui m'attiraient vers les ténèbres, et j'eus soudain l'horrible certitude de mourir ensevelie dans le noy'sat : je n'avais aucun moyen de combattre l'entité. Les entrailles serrées, je fermai les yeux. Je descendais si profondément... À ce rythme, je ne regagnerais jamais plus la surface. Je m'enfonçais toujours, sans espoir de remonter : le noy'sat m'aspirait davantage lorsque je me débattais. Impuissante, je finis par ne plus bouger. Et par attendre. Je ne songeai même pas à appeler le chat blanc ou qui que ce soit à mon secours. Je devinais que le petit félin avait disparu depuis bien longtemps. Personne ne m'entendrait ici bas. J'étais seule pour l'éternité.

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