Bonjour tout le monde ! Malheureusement je ne vous annonce pas une bonne nouvelle... Je vais devoir reprendre le rythme d'un chapitre toutes les deux semaines j'en suis désolée... Je vous expliquerai tout en temps et en heure, mais pour l'instant je ne peux pas faire autrement. J'espère que vous continuerez à me suivre malgré tout, et surtout que la suite vous plaira !
Bonne lecture !
---------
Aïkida fut frappée de plein fouet par le passé, par le souvenir du Grand Combat, par sa silhouette provocatrice et son regard glaçant.
Le Masque Noir.
Malgré la terrible révélation de Conrad, les quatre amis avaient tout de même pris la décision de reprendre leur trajet. Après trois heures de vol, ils avaient finalement atterri à la lisière d'une forêt, de façon à ce que les dragons puissent se poser sans difficulté, mais qu'ils puissent tout de même se camoufler sous les arbres. Bien qu'ils sachent que leur traqueur ne se contenterait pas d'une partie de cache-cache.
La nuit était tombée, et ils étaient tous assis autour d'un feu que Tarek avait allumé avec sa magie. Il était rare que le jeune brun propose de lui-même d'utiliser sa magie, mais ce soir-là, son regard était sombre, et il n'avait plus l'air de se soucier de quoi que ce soit. Les crépitements des flammes comblaient le silence qui les encerclait tandis que les animaux nocturnes semblaient être absents, les plongeant dans une atmosphère qui ne les rassura pas.
La neige avait quitté les terres depuis quelques semaines, mais le sol n'en était pas moins froid, alors les quatre amis appréciaient la chaleur de leurs vêtements épais, du feu, et de la présence des dragons autour d'eux.
— Je prends le premier tour de garde, annonça Tarek.
Personne n'y trouva rien à redire à, ce qui replongea le petit groupe dans le silence.
Aïkida avait le regard perdu dans les flammes, éblouie par leurs couleurs chaudes et leurs mouvements tantôt gracieux, tantôt agressifs. Elle ne pensait à rien. Elle était vide de toute émotions, de toute réflexion, de toute réaction. Elle ne faisait qu'acte de présence, mais son enveloppe corporelle ne renfermait plus rien. C'était comme si la Fille Gelée n'était qu'un personnage ayant perdu son interprète, un conte ayant perdu son conteur. Un corps ayant perdu son âme. Elle avait l'impression d'errer. Elle ne vivait plus, elle subissait la vie. Bien qu'entourée de ses amis les plus proches et de son dragon, elle se sentait terriblement seule. Seule, perdue, inutile et vide de sens.
Après cinq mois d'attente, cinq mois d'espoir, sa sœur avait été enlevée. Aïkida allait devoir se battre pour elle, continuer à garder espoir, à rester une guerrière. Mais la révélation de l'après-midi avait tout remis en question. En était-elle encore capable ? Conrad parlait d'yeux miroirs. Le Masque Noir n'avait-il pas été défait ? Elle avait pourtant tout donné. Tout. Et elle avait perdu beaucoup. Mais malgré cela, ça n'avait pas suffi. Était-elle capable de donner plus encore ?
— Tu en es capable Kida. J'ai confiance en toi, en nous. On va sauver ta sœur, pour de bon, et à jamais. Ne doute pas de toi, tu es plus puissante qu'avant, tu serais capable de battre n'importe qui. Et tu n'es plus seule à présent. Leeroy et Tarek sont forts, et ils seront à tes côtés, tout comme Luaj et moi.
Une larme roula sur la joue de la jeune femme qui s'empressa de l'essuyer d'un revers de manche.
— Conrad, apostropha Tarek.
Le concerné releva sa tête d'entre ses bras, les yeux rougis alors qu'il serrait ses genoux contre sa poitrine.
— Je pense qu'il est temps que tu nous explique certaines choses, déclara le jeune brun d'un regard qui ne laissait pas vraiment de place à un compromis.
Le garçon le comprit et avala sa salive avant d'annoncer :
— Je me souviens pas de tout, je sais juste que j'ai toujours fais partie des rodeurs. Mais je n'étais pas traité comme les autres. J'étais son préféré je crois, alors d'un côté c'était pas si mal, il ne m'a jamais menacé de mort comme les autres, il ne m'a presque jamais touché. Mais par contre, les autres rodeurs étaient jaloux, alors dès qu'il avait le dos tourné, ils me frappaient et...
Mais sa voix s'étrangla et il baissa les yeux alors qu'il se remettait à pleurer en silence.
Leeroy qui était à côté de lui, passa un bras autour de ses épaules et l'attira contre lui en frottant doucement son dos. Puis, d'une voix calme, il lui demanda :
— Tu sais comment il s'appelle ? Ce fameux « il », celui dont tu étais le protégé ?
La petite tête rousse fit un mouvement positif, et tous les regards étaient posés sur elle, attendant une réponse.
Mais elle ne vint pas.
— Tu peux nous le dire ? le pressa Tarek avec une pointe d'agacement dans la voix. Il se faisait appeler comment ? Le Masque Noir ?
Cette fois-ci, ce fut un signe négatif qu'ils reçurent comme réponse.
Leeroy ajouta alors :
— Son nom importe peu, dans ce milieu, chacun à plusieurs pseudonymes. Il aurait très bien pu se faire appeler autrement pour cacher le fait qu'il était toujours en vie. Le plus important, dit-il en se tournant vers le rouquin, c'est de savoir où il est. Tu te souviens d'un nom de ville ? Une plaine ? N'importe quoi ?
— Non, répondit le garçonnet. Je ne sortais presque jamais de la grotte, il ne voulait pas, il avait peur que je me perde. Et il ne parlait jamais de ce qu'il faisait devant moi.
— Une grotte ? souligna Tarek.
Ceci plongea l'équipe dans un nouveau silence, chacun réfléchissant où pouvaient se trouver des grottes assez isolées pour servir de repère. Le problème, c'était qu'il y en avait beaucoup, et partout.
Aïkida soupira.
— Je vais me coucher, réveillez-moi pour mon tour de garde.
Elle joignit le geste à la parole en étendant ses jambes et en dépliant sa couverture, mais Leeroy répondit :
— On s'occupe de la garde avec Tarek, repose-toi.
En d'autres circonstances, la jeune femme aurait protesté, mais elle n'en n'avait pas la force, et puis elle avait besoin de sommeil. Elle se contenta alors d'approuver d'un signe de tête avant de leur tourner le dos et de s'allonger, face à Athkor qui lui souhaita une bonne nuit.
— Tu devrais dormir toi aussi, conseilla le jeune blond au petit garçon.
Lui aussi, en temps normal, aurait protesté, mais ce jour-là, lui non plus n'en n'avait pas la force. Il saisit sa couverture et s'allongea sur les peaux de bêtes qu'il avait disposées par terre, tandis que Leeroy se levait pour se rassoir de l'autre côté du feu, à côté de son frère d'arme.
Ces deux-derniers attendirent de longues minutes dans le silence, le temps que les deux autres se soient profondément endormis, avant que Leeroy ne questionne Tarek à voix basse :
— Tu crois que c'est le Masque Noir ?
Il hocha les épaules en signe d'ignorance.
— Qui d'autre sinon ?
Aucun des deux ne répondit à cette question ouverte.
— Pourquoi Conrad s'est-il évanoui aussi ? demanda Tarek dans sa barbe.
Leurs regards se tournèrent vers le concerné. Son visage était détendu, il semblait calme et paisible, en totale contradiction avec son état d'éveil. Le seul indice qui témoignait de ses récentes pleurs était l'humidité de ses joues recouvertes de taches de rousseur.
— Ça ne m'étonnerait pas que tous les rôdeurs aient un lien avec la magie noire.
Tarek fronça les sourcils et regarda son frère d'arme avec étonnement.
— Comment ça ?
Leeroy semblait réfléchir. Ses sourcils à lui aussi étaient froncés, formant de petites rides au milieu de son front, tandis qu'il se pinçait l'arête du nez, les yeux fermés, plongé dans ses souvenirs.
— Lorsque je jouais sur les deux tableaux, quand j'étais le bras droit du Masque Noir, j'ai appris sans le savoir que tous ses soldats étaient sous son contrôle. Il leur avait injecté sa magie noire, et pouvait leur faire faire ce qu'il voulait quand il voulait. Au début je ne m'en suis pas rendu compte, mais à la fin du Grand Combat, quand Aïkida l'a tué, enfin... quand on pensait qu'elle l'avait tué, tous ses soldats sont morts avec lui, tués par la magie noire qui les consumait. Le Masque Noir réservait le même sort à toute personne qui travaillait pour lui.
— Pourquoi pas toi alors ? demanda Tarek.
— Il connaissait ton attirance pour la magie noire, qui n'est que génétique, murmura-t-il en poursuivant son hypothèse. Et selon lui, je devais endormir votre vigilance. S'il m'avait injecté sa magie noire, tu l'aurais immédiatement sentie.
Le jeune brun acquiesça, les yeux dans le vide, en pleine réflexion.
— Donc, continua Leeroy. Il n'y a pas de raison que le Masque Noir ne réitère pas. Il a certainement fait la même chose pour les rôdeurs, et donc pour Conrad qui était parmi eux. Cela expliquerait qu'il se soit évanoui de la même manière que toi. N'oublions pas que les rôdeurs sont les espions du Masque Noir.
Tarek fit claquer sa langue contre son palais, se grattant la barbe.
— Il y a quelque chose qui cloche, annonça-t-il.
Le regard interrogateur du jeune blond l'incita à poursuivre.
— Si les rôdeurs possèdent de la magie noire, c'est que le Masque Noir ne leur en a donné qu'après sa fausse mort, sinon ils auraient tous été tués comme les soldats pendant le Grand Combat. Et pourquoi sont-ils morts d'ailleurs si le Masque Noir est vivant aujourd'hui ? Pourquoi je ne l'ai pas senti ? Et pourquoi il n'est pas intervenu plus tôt ? Les derniers rôdeurs nous ont aperçus il y a plus de cinq mois, pourquoi aurait-il attendu autant de temps avant de se manifester, et de vouloir localiser Conrad ? Je me suis évanoui certes, mais je ne suis qu'un dommage collatéral, ce n'était pas moi qu'il cherchait en priorité, sinon j'aurais vu la même chose que Conrad, or je n'ai eu aucune vision. Pourquoi le Masque Noir aurait-il attendu tout ce temps pour chercher son petit protégé ? Et puis, si c'est bien lui qui a enlevé Emelï, pourquoi ne pas avoir attaqué Aïkida à ce moment-là, et pourquoi ne pas avoir récupéré Conrad non plus par la même occasion ? Et pourquoi il ne t'a jamais parlé d'un petit garçon ? Tu aurais certainement dû en entendre parler puisque Conrad dit qu'il a été avec les rôdeurs d'aussi loin qu'il s'en souvienne.
Leeroy sembla se creuser la tête, et resta un moment silencieux, constatant toutes les vérités, mais surtout toutes les interrogations que lui rappelait son frère de combat.
— Nous étions dans le dôme, résuma-t-il. Sa magie n'est sûrement pas assez puissante pour voyager à travers les différents mondes pour trouver Conrad. Et puis, il n'aurait pas eu de raison de nous chercher ailleurs que dans ce monde-là. C'est peut-être pour ça qu'il ne s'est pas manifesté avant. Il lançait alors des recherches régulièrement, et quand nous sommes revenus ici, il a enfin pu repérer Conrad. Cette hypothèse implique que le Masque Noir ne soit donc pas concerné par l'enlèvement d'Emelï. Mais pour le reste, tu as raison, c'est bizarre que je n'aie pas été au courant qu'il détenait un petit garçon, mais il était tout de même méfiant et aurait très bien pu me le cacher par manque de confiance. Il y a aussi une autre question : pourquoi le Masque Noir voudrait-il d'abord localiser Conrad et pas Aïkida qui est celle qui l'a tué ? Ou alors il savait que Conrad était avec nous, et comme il n'a pas vraiment de lien avec Aïkida, il s'est servi de celui avec Conrad pour la repérer.
— Mais comment se fait-il qu'on l'ai tous vu mourir, lui et son armée, tués par Aïkida justement, et qu'il soit de nouveau en vie, avec une puissance assez grande pour l'étendre sur des rôdeurs, et sur des kilomètres pour rechercher Conrad, et du coup Aïkida ? Si leur duel ne l'a pas tué, nous avons tous vus dans quel état il était dans sa supposée mort. On ne se remet pas d'un combat comme celui-là en aussi peu de temps. Mais admettons. Admettons qu'il ait retrouvé toute sa puissance, et admettons également qu'il ait un lien avec la disparition d'Emelï car nous n'avons pas d'autre piste pour le moment. Nous ne savons pas comment il a pu être au courant que nous étions dans l'un des Dômes, ni comment il a pu y pénétrer sans passer par le portail. De plus, comme tu dis, Conrad a expliqué que le Masque Noir le cherchait lui, mais aussi l'Ilewite, donc Aïkida. S'il avait vraiment passé le Dôme, pourquoi aurait-il prit la peine de s'encombrer d'une petite fille instable alors qu'il aurait très bien pu atteindre sa sœur directement, et récupérer Conrad par la même occasion ?
Leeroy réfléchissait à toute allure, tentant de chercher un lien logique entre toutes ces questions. Mais il manquait des pièces au puzzle.
Il soupira alors en haussant les épaules :
— Malheureusement, je crains que nous n'ayons pas plus de réponse avant une confrontation.
Le jeune brun soupira à son tour en acquiesçant :
— Tu as raison. Essaye de dormir un peu, je te réveillerai pour la relève.
Mais alors que les deux frères d'armes se donnaient une poignée de main, Leeroy écarquilla les yeux, les souvenirs émergeant soudainement à la surface de son esprit.
Tarek fronça les sourcils et interrogea son ami du regard en arquant un sourcil.
— Ce n'est pas le Masque Noir, souffla le jeune blond.
Il ne laissa pas le temps à son frère de combat de répliquer avant de poursuivre :
— Nous avons oublié une information capitale. Lorsque nous avons été aperçus par les rôdeurs, et que je suis resté avec eux pour tenter d'en savoir plus, je me suis fait passer par l'ex bras droit du Masque Noir. Et c'est ce qui m'a trahi. Je pensais au contraire que cela allait être ma porte de sortie, mais c'est ce qui m'a enfoncé. L'un d'eux m'a très clairement fait comprendre que leur « maître » haïssait le Masque Noir, et que par conséquent, j'étais un ennemi.
Cette nouvelle eut l'effet d'une gifle chez les deux amis.
— Ce n'est pas possible... murmura le jeune brun.
Leeroy plongea un regard grave dans celui de Tarek, avant de déclarer sombrement :
— Le Masque Noir est bien mort, ce qui explique pourquoi tous ses soldats sont morts pendant le Grand Combat mais pas les rôdeurs. D'ailleurs, nous les appelons comme ça, mais nous ne savons pas qui ils sont, puisqu'ils ne sont pas au service du Masque Noir. Ça explique aussi pourquoi je n'étais pas au courant de son lien avec Conrad, il n'y en a aucun. Le Masque Noir est mort, c'est pour ça que tu n'as rien ressenti concernant la magie noire, mais il semblerait que l'un de ses ennemis ait survécu. Et d'après les dires de Wanda, il est encore plus puissant, ce qui lui a donc permis de projeter sa magie sur des kilomètres pour repérer Conrad après notre sortie du Dôme dans lequel il a pu se rendre pour enlever Emelï.
— Mais pourquoi vouloir s'en prendre à Emelï, à Aïkida ? C'est une trop grosse coïncidence pour que celui qui ait enlevé la petite ne soit pas le même qui cherche Aïkida et Conrad, donc il n'y a bel et bien qu'un seul responsable. Quel est son lien ? Quel est son but ?
Les yeux dans le vide, les deux combattant n'obtinrent que le silence de la nuit comme réponse.