Coucou les chouquettes. Voilà un chapitre Aïe ! Ouille ! Aouth ! Ça va faire mal donc préparer le mercurochrome...
Le soleil offrait ses derniers rayons avant de laisser sa place à la lune. Le ciel incendié aurait pu être apprécié si les pensées du professeur n'obscurcissait pas le paysage.
Tout était noir autour de Léo. Les couloirs qu'il parcourait pour ce rendre au parking des profs étaient noirs de lycéens, noirs de bruits, noirs de tout.
Léo se demandait si cet état serait permanent, si ce sentiment de ne plus rien contrôler lui collerait à la peau toute sa vie. Il avait laissé le contrôle à une autre. Et la marionnettiste le délaissait peu à peu au profit d'un autre guignol.
Le prof snobba ses collègues en salle des profs en attrapant son casque dans son casier puis fila directement au parking.
"Pas la peine de faire un semblant de discussion avec eux : _Ça va Léo ? Tu fais une tête bizarre. Un de tes élèves te fait la misère ? _ Exactement, connard. Une putain d'élève me fait la vie dure ! Bref, aucun intérêt de parler de ma vie à ces faux-culs..."
Marmonnant quelques insultes sans vraiment savoir vers qui les diriger, Léo poussa les portes qui délivraient sur le parking. Le soleil bas l'éblouit un instant. Lorsque les étoiles jaunes disparurent de devant ses yeux, le prof trouva un intrus sur sa Triumph. Une intruse.
Le col moltonné de sa veste d'aviateur ressemblait à un tapis de neige dans une forêt de cheveux sombres. Ses boucles brunes virvoltaient au gré d'une brise de Décembre.
Sy lui offra un léger sourire. Presque timide. Le prof observa son élève curieusement discrète. Elle était juste là, assise à califourchon sur sa moto. L'attendait-elle ? Et si oui, depuis combien de temps ? Et dans quel but ?
Le coeur de Léo balançait : Option A, lui demander simplement, sans s'énerver. "Impossible." Option B, rebrousser chemin et rentrer à pied. "Débile." Option C, lui balancer l'épisode Sarah au visage pour décrocher ce sourire de ses lèvres. "Puérile."
Léo parcourut les quelques pas qui le séparaient d'elle. Comment faisait-elle pour être si belle ? Aussi agaçante, aguichante, détestable et désirable ? Comment ?
_Descends de là, dit Léo d'un ton las.
Sy ouvrit un peu plus grand ses yeux vairons et se pencha sur le guidon. Caressant du bout des doigts la poignée d'accélérateur, la jeune fille intimidait son professeur. Mais il tenait bon :
_Descends de là et rentre chez toi, soupira-t-il.
_Tu ne voulais pas parler ?
Sa voix était une mélodie, son corps une drogue. Il voulait lui faire l'amour là, tout de suite, sur ce parking. Mais son orgueil blessé lui interdisait de céder à cette pulsion animale. Le prof se permit juste de poser sa main sur le guidon.
_Je suis fatigué. Descends de la moto, dit-il sans lever ses yeux vers elle.
_Dure journée ?
Léo la considéra enfin. Son ton effronté lui prouvait que cette question rhétorique était une provocation, un rappel à ce qu'il s'était passé à la cafétéria.
_Qu'est-ce que tu cherches en me posant cette question à la con ? Dit-il en fronçant les sourcils.
_Tu voulais parler, non ? C'est ce que je fais.
Le regard de la lycéenne était perçant et malicieux. Elle ne se doutait pas que le sang de Léo frémissait de fierté. Pensait-elle vraiment que le prof passerait l'éponge ? Qu'il oublierait ce baiser provocateur et continuerait à jouer avec elle ?
_Non. Tout ce que tu fais c'est aggraver la situation. Rentres chez toi avant que ça ne dégénère.
Le visage de Sy se fendit en un sourire dont elle seule avait le secret. Elle sourit et porta sa main jusqu'à son professeur. Les yeux sur le visage fermé de Léo, la main baladeuse près de sa ceinture, l'adolescente humidifia ses lèvres :
_Qui te dis que ce n'est pas ce que je veux ? Murmura-t-elle. Te pousser à bout pour voir ce dont tu es ensuite capable au lit ?
_Crois-moi, ça ne te plaira pas. Maintenant vas t'en s'il te plaît.
Léo bouscula sa main qui retomba lourdement contre sa cuisse. Il s'écarta de Sy, pour la laisser descendre, pour ne pas céder au chantage sexuel.
La lycéenne soupira mais finit par descendre de la moto. Une moue boudeuse sur le visage.
"Depuis quand joue-t-elle les enfants capricieuses ?"
Elle caressa un instant le cuir de la selle, réchauffée par ses cuisses. Puis reporta son attention sur son prof d'art. Léo reconnut cette étincelle séduisante et séductrice dans son oeil noisette :
_J'ai encore une heure avant ma soirée. Ça te dirait qu'on...
_Ne fais pas de projets avec moi. Jamais, la coupa sèchement Léo en réutilisant ces mots qui avaient fait tant de mal quelques jours plus tôt.
_C'est quoi ton problème, Léo ?! S'énerva Sy.
_Mon problème ?! Je..
Le prof ne finit pas sa phrase. Il allait dire quelque chose qu'il regretterai. Une limite à ne pas franchir.
Son élève attendait sa réponse. Une raison valable pour agir de la sorte.
La jalousie. La possessivité. Le besoin vital d'avoir une relation exclusive avec elle. L'attachement. Mais tout cela était inavouable. Les règles étaient claires. Et il était préférable de se ronger de l'intérieur plutôt que de la faire fuir. De risquer de la perdre. Il valait mieux ne rien dire du tout.
Une râle profonde s'échappa de sa bouche et Léo fit quelques pas en arrière en se tirant les cheveux. Jusqu'à en faire mal.
"Contiens toi. Retiens toi."
_C'est parce que Mattéo m'a embrassé ?
_Si seulement il ne faisait que t'embrasser... Ricana amèrement Léo.
_Alors c'est parce que tu m'a vu hier soir avec Marco ? S'impatienta Sybille.
_Oh parce qu'il a un nom ? Moi qui pensais qu'avec le nombre impressionnant de mecs qui te passent dessus tu commencerais à les numéroter...
"Coup bas. Mais mieux vaut être mesquin que honnête au point où nous en sommes..."
_Qu'est-ce que tu attends de moi ? Soupira Sy. Que je te présente mes excuses ? Ça n'arrivera pas. Je n'ai pas à justifier mes actes. Tu as accepté de jouer, de suivre mes règles. Je ne m'excuserais pas.
_Je ne te demande rien.
"Bien sûr que si. Un million de choses, même. Mais hors de question de les demander à haute voix."
_Pourquoi tout est si compliqué avec toi, professeur ? Vraiment, je ne vois pas de quoi tu te plains. Avec les autres, ça ferait longtemps que j'aurais laissé tomb...
_J'ai couché avec une autre.
Une simple phrase. Perdue dans cette tirade comparative et insultante. Les mots étaient sortis. Et impossible de les reprendre. La limite était franchie.
Léo se mordit les joues pour se punir d'être aussi con. Le visage de Sy perdit son éclat. L'étincelle séductrice était loin maintenant, cachée derrière ce voile brumeux qui semblait la happer toute entière.
Léo avait lâché la bombe. Et il avait à présent devant lui une Sybille immobile, sans expression, le regard déchirant et l'oeil sec :
_Quand ?
_Quand tu étais occupé avec un autre, dit-il la gorge serrée.
_Vous vous êtes protégé ?
Sa question était froide. Son ton impersonnel. Cette nouvelle ne semblait même pas l'atteindre.
_T'es sérieuse ? S'énerva Léo. Je te dis que j'ai baisé une autre meuf et tout ce qui t'importes c'est de savoir si j'ai mis une putain de capote ?!
_C'est la seule chose à savoir, sourit-elle.
"Elle sourit ? Elle sourit ?! Si c'est sa manière de me montrer comment réagir quand l'autre va voir ailleurs, elle va être déçue. Elle sourit. À croire que ça lui fait plaisir."
_Oui j'en ai mis une, soupira Léo.
_Bien.
Sybille ajusta son sac sur son épaule et prit la direction du sas. Le coeur battant à tout rompre, Léo regarda son élève pousser les portes. Arrachant tout sur son passage, le visage inexpressif de Sy était plus violent qu'un coup de poing.
Léo lâcha son casque sur le béton, quitte à le fendre en deux, et courut la rattraper.
Les bras croisés et la tête baissée, de dos on pouvait presque croire que la bombe lui avait fait mal tout compte fait. Cette pensée réconfortante donna le courage à Léo d'intercepter son élève. Dans le couloir quasi désert, Léo lui attrapa le bras et l'emmena dans une salle de cours laissée miraculeusement ouverte.
Léo claqua la porte et pièga Sy dans le coin du mur :
_Ne t'en va pas comme ça, en pleine conversation, souffla-t-il. Es-tu fâchée ?
_Non.
_Mais tu m'en veux.
_Non.
_Alors pourquoi réagis-tu comme ça ?
Le prof d'art essayait de lire dans son regard. Mais Sy gardait obstinément la tête baissée. Les mains de part et d'autre de son visage, Léo priait pour que sa gaffe soit effacée.
Il voulait rembobiner la cassette jusqu'au moment où Sybille riait sur sa moto. Il aurait alors prolonger leur chevauchée nocturne jusqu'au matin. Les amenant dans un autre endroit, inconnu. Sans lycée, sans Solez, sans Marco. Juste Sy et Léo.
_Sy, supplia Léo.
_Léo, tu n'as rien fait de mal, dit calmement Sy. Tu n'as aucune raison de culpabiliser. C'est moi qui ai fait une erreur.
_Une erreur ?
_J'ai cru que... Je t'ai laissé entrer. Sans barrière, sans sécurité. L'autre nuit sous le pont, j'ai cru que je pouvais te faire confiance. Que je pouvais te croire quand tu me disais que tu ne voyais personne d'autre.
_C'était le cas, s'écria Léo. Avant que je te vois avec ce...
_Ça n'a pas d'importance, sourit-elle. Vraiment aucune. J'ai fait preuve de naïveté, voilà tout.
_Non. Tu comprends pas...
_Au contraire, le message est très bien passé : La seule fois, la seule fois que je déroge à une de mes règles, la loi de Murphy est là pour me rappeler que j'ai raison de ne me fier à personne. Les gens finnissent toujours par piétiner la confiance que tu places en eux.
Mille fourmis grouillaient sous sa peau. Cent aiguilles poignardaient son ventre. Dix massues s'écrasaient sur son crâne. Tout son corps était douloureux. Et Léo ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même. Il avait bafoué sa confiance. Tout ça par vengeance. Même si il essayait de se persuader qu'il avait agit à cause d'elle, il était conscient qu'il s'était mis tout seul dans cette situation.
Ravalant un sanglot de dégoût pour lui-même, Léo huma intensément les épices qui parfumaient ses clavicules :
_Regardes moi, bébé, souffla-t-il.
_Je ne suis qu'une lycéenne. Les lycéennes font ce genre d'erreurs de jugement, marmonna-t-elle avant de lever les yeux.
Elle sonda alors l'âme de son professeur en un battement de cils. Il était au bord des larmes. Ses yeux brillants de culpabilité lui firent presque pitié. Une pierre de la taille d'un poing se bloqua dans sa gorge.
Elle respirait à peine lorsque Léo nicha son visage dans son cou et glissa ses mains dans les siennes :
_Bébé, j'ai fait une connerie. Pardonne moi.
_C'est sans importance... Dit-elle en se libérant de son emprise.
Léo resta dans la même position, face au mur, quelle ironie.
Avant de passer la porte, Sy se retourna une dernière fois sur son professeur :
_Ne m'appelle plus bébé.
Il faisait chaud dans le couloir. Était-ce normal de transpirer en plein mois de Décembre ? Sy fit un détour aux toilettes et passa généreusement de l'eau sur son visage. Elle croisa son reflet dans le miroir mais détourna vite les yeux. Elle savait à quoi elle ressemblait. À une idiote. Une gamine qui avait cru les jolis mots d'un joli prof. Quelle imbécile !
Sybille reprit son chemin vers la sortie. Elle croisa quelques groupes de lycéens mais les ignora royalement.
Malheureusement, cette indifférence ne fut pas réciproque :
_Sy !
"La ferme." L'adolescente inspecta d'un oeil son interlocuteur et continua son chemin. Mais Maxime, qui était dans la même classe qu'elle était plutôt persévérant :
_J'ai appris que toi et Mattéo vous sortiez ensemble. Félicitations.
_Qui t'a dit ça ?
_Tout le monde. Ria-t-il. C'est pas vrai ? S'enquit-il.
_Matt m'a embrassé devant tout le monde. Tout le bahut.
_Donc vous sortez ensemble... Sourit Maxime.
_Parce que, toi, quand t'embrasses quelqu'un, tu sors forcément avec ? Demanda Sy sur la défensive.
_Bah ouais. Gloussa-t-il.
_C'était un baiser sans importance. Soupira Sy en pousant les premières portes du hall.
_Ouais mais quand même. Les autres m'ont dit qu...
Sy n'était vraiment pas d'humeur à entendre les affabulations de son camarade. Elle le plaqua contre la porte battante et cramponna fermement sa veste.
Les nerfs montaient, son coeur s'accélèrait. Il fallait qu'elle se défoule, d'une manière ou d'une autre.
Ravalant l'élan de rage qui compressait ses muscles, Sybille posa ses lèvres sur la bouche bée de Maxime. La pression chaude que ses lèvres exerçaient n'était pas libératrice. Mais désagréable. Pas que Maxime embrassait mal, il se laissait faire plus qu'autre chose. Mais la douloureuse impression d'utiliser ce garçon lui imposa d'arrêter ce baiser sans importance :
_Est-ce qu'on sort ensemble ? Souffla-t-elle contre sa bouche. Non. Parce que c'était sans importance. As-tu compris ou bien faut-il que je répète ?
_Euh... Je veux bien que tu répètes. Dit Maxime avec un sourire idiot fixé aux lèvres.
_T'es chou. Sourit finalement la jeune fille avant de traverser le parvis de l'école et disparaitre dans les rues Nantaises.
Voilou. Un chap carrément long. Merci d'avoir lu jusqu'au bout. 😙 Alors votre petit coeur n'a pas trop de bobos ? La Team Léo doit se sentir mal... Lol. Allez, on se mettra du baume au coeur dès le week-end pro avec le chap 56...
Bisouilles les crevettes vertes.