La journée commençait si bien. Le professeur de métamorphose avait sûrement quelque chose de plus important à faire que son métier, une réunion avec les autres professeurs de métamorphose du monde à propos des nouvelles avancées en matière de Sortilèges de Transfert. C'est bien beau qu'il soit réputé et talentueux mais il pourrait nous en faire profiter plus. C'est l'avis d'Effie qui commence à râler à côté de moi car son cours préféré est annulé. J'esquisse un sourire amusé. Dormir une heure de plus ne me dérange pas beaucoup et si elle veut mon avis, elle aurait mieux fait de se reposer plutôt que de crier au scandale dans mon tympan. Roxanne, n'en pouvant plus au bout d'un moment, lui envoie un coussin dans la tête.
« Bon sang, Effie, tais-toi un peu ! Si tu aimes tant que ça la métamorphose, va à Uagadou ou demande à Monsieur Bloom de t'emmener avec lui la prochaine fois. Te voir trépigner comme ça fatigue tout le monde et tu vas finir par rendre Fred jaloux. »
Elle jette un coup d'œil à son frère qui essayait de se concentrer sur sa partie d'échec avec Evan mais qui n'écoutait que d'une oreille les cris de sa petite-amie et de sa sœur. Je soupire en me levant du canapé où j'étais installée. Roxanne me lance un regard interrogateur qui me fait hausser les épaules :
« J'y vais, j'ai dit à Eugénie que je viendrais un peu avant le cours de Potion pour revoir avec elle les propriétés du bézoard. »
Roxanne hausse un sourcil et soupire, observant les autres, avachis sur les canapés ou en train de faire tout à fait autre chose. Elle se lève aussi, se remettant d'un bond sur ses pieds et se rapproche de moi en disant :
« Je viens avec toi, ça me fera autant de bien de réviser que de rester à écouter Effie se plaindre.
- Je vous entends, crie cette dernière en fronçant les sourcils.
- Bien, j'espère que tu l'entends aussi quand je dis que tu m'énerves, fait Roxanne en agitant les bras.
- Roxanne, l'appelé-je calmement. Viens, tu es énervante toi aussi parfois. »
Je lui prends le bras pour l'éloigner du groupe et l'emmener dans le couloir pour nous rendre aux cachots. Je lui fais remarquer :
« Même si elle t'énerve parfois, tu n'as pas besoin d'être désagréable avec Effie. En fait, on a certainement pas besoin de ça du tout.
- Elle est insupportable, elle n'a fait que parler du prof de métamorphose depuis le réveil. Depuis des heures, je l'entends dire à quel point elle est triste qu'il ne soit pas là. Elle n'est pas si triste quand Fred n'est pas là. »
Je la regarde attentivement, presque un sourire en coin et je lui ébouriffe les cheveux en m'exclamant :
« C'est extraordinaire, on dirait que tu es jalouse à la place de Fred ! Mais enfin, ça n'a aucun sens, il a l'air de ne pas s'inquiéter du tout.
- Il devrait peut-être, marmonne-t-elle.
- Arrête un peu, Roxanne. Effie est notre amie, elle n'a jamais rien fait de mal.
- Tu veux dire à part fantasmer sur Monsieur Bloom ?
- Ce n'est pas une faute non plus et il faut avouer qu'il est pas mal, dis-je avec un air malicieux.
- Tu ne vas pas t'y mettre toi aussi ! »
Elle lève les yeux au plafond, ce qui me fait lâcher un rire. Elle est incroyable mais parfois, j'ai du mal à la comprendre. Soudain, je sens comme une présence derrière nous, quelqu'un demande :
« Qui est pas mal ? »
Je sursaute presque en me retournant et découvre Scott qui nous regardait avec un petit sourire gentil, presque angélique. Roxanne essaye de se retenir d'éclater de rire mais dans ses yeux, je vois toutes les mauvaises idées qui lui passent par la tête. Je lui jette un coup de coude dans les côtes qui la fait hoqueter et je lui lance un regard de reproche. Elle n'a pas intérêt à faire le moindre commentaire. La situation est assez difficile comme ça. Je retourne mon attention sur Scott et lui fais un sourire que j'essaye d'avoir l'air le moins gênée possible mais je sens tout de même le rouge monter légèrement jusqu'à mes joues. Il est hors de question de dire que c'est le Professeur Bloom qui est pas mal.
« Salut, dis-je simplement en ne répondant pas à sa question.
- Salut Molly, dit-il en regardant plus Roxanne que moi, tu vas bien ? »
Ma cousine glousse légèrement et finit par reculer, décidant de nous laisser tranquille en articulant qu'elle va retrouver Eugénie. Je ne la regarde qu'à peine, embarrassée. Scott fait un sourire amusé comme pour me dire qu'il s'en fichait. Je hausse les épaules en disant :
« Je vais bien, en tout cas, j'essaye. Et toi ? »
J'ai l'impression d'être face à la conversation la plus gênante du monde, il continue à afficher un air joyeux, comme s'il n'en avait pas conscience. J'aimerais tellement faire comme lui.
« Ça va, répond-il, j'aime bien les cours de Potion. »
Je croirais entendre la fin de sa phrase qu'il garde pour lui. J'aime bien les cours de Potion parce qu'on est à la même table. Je ferme un instant les yeux, comme pour me détendre et je soupire en les rouvrant. Je hoche la tête.
« J'aime bien aussi les cours de Potion.
- Tu sais, Molly, commence-t-il, je comprends très bien que tu ne sois pas à l'aise avec moi, après ce qu'il s'est passé l'autre soir et avec ces histoires avec Léon. Je ne veux pas que tu me parles ou que tu prennes de ton temps pour moi parce que tu as pitié de moi. Tu as beaucoup mieux à faire.
- Qu'est-ce que tu racontes ?
- Je ne sais pas, tu n'es pas le genre de fille à être avec un Poufsouffle insignifiant comme moi.
- Merlin, pourquoi les Poufsouffle n'affirment pas à quel point ils peuvent être intéressants ? »
Son visage semble s'éclairer. J'avance d'un pas vers lui, jetant un rapide coup d'œil autour de nous pour vérifier que Roxanne est réellement partie. J'ai l'impression d'avoir le cœur qui accélère de plus en plus et un léger mal de crâne. Il murmure :
« Tu me trouves vraiment intéressant ?
- Non, bien sûr que non, dis-je en levant les yeux au ciel. Je parlais des Poufsouffle en général. Je ne vois pas pourquoi tu te sens visé à chaque fois.
- Je me disais bien que ça ne pouvait pas être réel.
- C'était trop beau pour être vrai, c'est ça ? demandé-je en laissant sortir un petit rire amusé.
- J'aurais beaucoup aimé pourtant. Et j'ai essayé de me rendre intéressant, je t'ai fait faire un petit tour à Pré-au-lard, tu as rencontré mes amis, tu as failli mourir ... »
Il en parle comme si c'était si simple, comme si c'était une histoire terminée alors qu'on n'en a qu'à peine reparlé depuis. On n'en a pas vraiment eu le temps et j'ai eu tendance à le fuir. Je secoue doucement la tête en souriant et je sens avec étonnement sa main frôler la mienne. Je le regarde fixement alors qu'il semble me poser une question silencieuse. Je lui donne une petite tape sur la main en riant, comme pour lui montrer que ce n'était pas le moment. Il fait un petit sourire en croisant finalement les bras et en disant :
« J'aurais espéré que tu la prennes, pas que tu la frappes.
- Ne dit-on pas que l'espoir fait vivre ? Allez, le cours de Potion va bientôt commencer et je doute que Madame Griffith soit fan si elle nous voit arriver en retard.
- Je t'avoue que je ne sais pas si le problème est la Professeur ou le fait que ta cousine va poser des questions embarrassantes ensuite. »
Sa remarque m'arrache un petit rire. Il est clairvoyant, c'est quelque chose qu'on ne peut pas lui enlever. Je hoche la tête avec fatalité. Bien sûr, Roxanne va y aller de son petit commentaire, elle en aura certainement déjà parlé avec Eugénie et Lysander et la moitié des personnes qu'elle aura croisé. Je fais signe à Scott de me suivre. J'aurais pu lui demander de marcher à une dizaine de mètres de moi pour qu'on ne soit pas vus ensemble mais ça me paraît peu correct. J'aperçois Roxanne qui discute en effet avec Eugénie et Lysander et qui, dès qu'elle nous voit arriver, se tait pour me regarder avec l'envie presque insurmontable de faire une remarque et de se moquer. Mais elle résiste, échangeant tout de même un regard amusé avec Lysander qui me fait un clin d'œil. Scott me glisse à l'oreille qu'il me laisse, il a une question à poser à Dorian. J'allais lui répondre mais il est déjà parti et Roxanne me fonce dessus, me prenant dans ses bras, comme si ça faisait des années que je ne l'avais pas vu.
« Roxanne, je t'ai laissé cinq minutes et je te manque déjà ? Je savais que tu tenais à moi mais à ce point ... »
Je jette un regard interrogateur à mes deux amis de Serdaigle qui semblent s'en amuser. Ma cousine se détache de moi, prend mon visage entre ses mains et me dit avec gravité :
« C'est bien toi, Molly Weasley ? Tu es en vie, tu n'as rien, tu n'es pas malade ?
- Je préférai autant quand tu t'énervais contre Effie, dis-je en reculant de quelques pas.
- Vous vous êtes dit quoi avec le Scotch ? A-t-il un quelconque espoir de réussir à te toucher au cœur ?
- Tu es lourde. »
Elle fait de grands yeux étonnés comme si j'avais dit une énormité alors que je me dirige vers Eugénie et Lysander qui affichent toujours un petit sourire.
« Vous ne savez pas comment vous pouvez avoir de la chance de ne pas la côtoyer vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
- Elle a raison, toi et Scott, vous êtes de plus en plus proches, non ?
- On a juste discuté quelques minutes ..., soupiré-je.
- De quoi ? a demandé Lysander avec des yeux suspicieux.
- Il ne me semble pas que ça vous concerne réellement », réponds-je avec un pointe de colère dans la voix.
Eugénie évite mon regard en se plongeant dans son livre de potion, lisant attentivement un paragraphe sur les bézoards en milieu naturel. Lysander continue d'afficher, fidèle à lui-même, un sourire particulièrement pénible et Roxanne rit toujours bassement. Je croise les bras, un poil sur les nerfs et finalement, l'arrivée de Madame Griffith est comme une libération. L'espace de deux minutes seulement puisque je me rends compte que je prends place en face de Scott Reeve et que ça ne fait qu'empirer le sourire moqueur de Roxanne. Pourquoi fait-elle ça ? Pourquoi ne me laisse-t-elle pas vivre ma vie comme je l'entends ? Eugénie ne fait aucun commentaire à côté de moi, elle discute un peu avec Shanna, l'autre Serdaigle à table. J'échange un regard avec Scott, il a l'air de me plaindre profondément, je hoche la tête, approuvant que ma vie n'est pas toujours simple.
En allant chercher des pousses de Bubobulb dans l'armoire, je me retrouve juste à côté de Scott, il me glisse à l'oreille :
« Je suis désolé, je voulais pas te mettre dans une telle situation.
- Ce n'est pas de ta faute si mes amis sont idiots. Ni de la mienne d'ailleurs, je ne sais pas ce que j'ai mérité pour ça. »
Il me fait un sourire, attrape ce qu'il cherchait et s'éloigne de moi. J'ai soupiré, ne trouvant pas où étaient les Bubobulbs, puisqu'ils n'étaient pas où ils auraient dû se trouver.
« C'est ça que tu cherches, demande la voix d'un Scamander. J'avais pris le paquet juste deux minutes, tiens. »
Je cligne les yeux quelques fois avant de prendre le paquet que me tendait Lorcan. Il a l'air de serrer les dents, je hoche la tête comme pour le remercier. Ses lèvres ont l'air d'hésiter entre un sourire et une grimace. Je lâche un merci chuchoté et je file vers ma table.
Ce qui m'a semblé être un cours de Potion affreusement long s'est enfin terminé. J'ai pu passer le reste de ma journée à éviter les remarques insupportables de Roxanne, puis de Fred qui avait été clairement contaminé. Et le terrible sentiment de vouloir faire quelque chose que je vais regretter s'est immiscé en moi. J'avoue que je ne sais plus quoi faire.