« Quel ingrédient permettrait à cette potion d'être moins toxique ? Weasley, répondez !
– Quoi, mais je n'ai rien fait, madame !
– Non, Fred, pas vous. Molly, crie Madame Griffith avec agacement, Molly Weasley ! Réveillez-vous ! »
Je suis arrivée à un point où je m'endors en cours. J'essaye tant bien que mal de me faire discrète, je me fais toute petite parce que juste en face de moi, il y a Scott Reeve et pas loin derrière, il y a Lorcan. J'ai l'impression que c'est le pire cours de toute ma vie. Je dois être toute rouge quand je relève la tête de ma table. Le regard noir de Madame Griffith me fixe avec reproche, je réponds tout doucement :
« Il faut mettre de la poudre de scarabées mélangée auparavant avec de la bile de tatou.
– En effet. Maintenant, faites-le au lieu de dormir. Vous pouvez faire votre mélange et l'essayer sur un peu de votre potion que vous mettrez dans un bol. »
Je soupire en baissant la tête vers ma potion, je n'ai pas envie de croiser le regard de Scott. Je sais pourtant qu'il me regarde avec beaucoup d'espoir mais je fais mine d'être très concentrée sur ma mixture. Eugénie me demande à voix basse si tout va bien. Je hausse les épaules, comment veut-elle que j'aille ? Je n'ai pas pu me remettre de mes aventures de vendredi que déjà une nouvelle tornade renversait tout sur son passage. Lorcan, la fin d'une amitié de longue date. La fin de nos moments de partage, la fin de toute certitude concernant le futur de notre relation, la fin d'échanges de sourires et de regards. Je soupire à nouveau, la gorge nouée. Je ne regarde pas dans sa direction, je n'ai pas envie de voir ses yeux déçus, en colère ou simplement qui se tournent dès qu'ils me voient. Ça me fait mal.
Le Poufsouffle en face de moi, celui que j'ai malencontreusement embrassé l'autre jour et à qui je n'ai pas parlé depuis la révélation à la soirée Quiz, me retient à la fin du cours. Je sursaute presque tant je suis nerveuse en le sentant à quelques centimètres de moi. Il me regarde, un peu inquiet et chuchote presque pour me demander :
« Tu vas bien ?
– Oui, je ... Je ne ... »
J'allais répondre que je n'avais pas envie de lui parler mais ce serait vexant pour lui, j'imagine. Il aurait pu comprendre mon langage corporel qui me faisait clairement reculer mais il est resté là, devant moi, alors que je rangeais mes outils et ma planche à découper.
« J'ai cru comprendre que tu ne voulais pas parler de ce qu'il s'est passé à la soirée de vendredi, dit-il dans un souffle, mais je pense que c'est assez important. »
Ma respiration se bloque. Non, je n'ai pas envie en effet de parler de vendredi, ni du jour d'avant à vrai dire. Je le regarde avec des yeux un peu sombres alors qu'il ajoute :
« Je crois qu'il ne faut pas laisser l'avantage à Léon. Il a assez profité de la situation pour t'attaquer. »
Surprise, j'arrête de m'agiter pour rassembler mes affaires et je le regarde en plissant les yeux. Il veut se venger. Douce vengeance. Il le mériterait bien mais je ne suis pas sûre de faire confiance à Scott pour ce genre de chose. La sortie dans la nuit à Pré-au-lard ne m'a pas convaincue de son innocence complète. Il n'est certainement pas dans ce groupe illégal par envie mais ça ne l'empêche pas d'y être. Je hoche cependant la tête :
« C'est vrai. Tu aurais un plan pour le contrer ? Sachant qu'il sait où on était jeudi, j'ai un peu peur de ne pas pouvoir faire grand-chose contre lui.
– Il sait ? Comment ça se fait, je croyais qu'on avait été discret ? C'est pour ça qu'il ... Oh non.
– C'est quelqu'un de particulièrement mauvais. On ne peut pas lui faire confiance, dis-je presque avec fatalité.
– Et tu n'as rien qui pourrait jouer dans la balance ? »
Je dévisage le Poufsouffle. Il sourit à moitié, comme s'il avait vraiment envie de m'aider à me venger, comme si ça le satisferait beaucoup. Je réfléchis quelques instants avant de soupirer :
« Je sais qu'il est sorti avec Emeline cet été sans lui dire qu'il sortait avec Brittany en même temps. Mais franchement, je ne pense pas qu'il faille partir dans ce genre de chose. Si on balance quelque chose contre lui, il n'hésitera pas à nous attaquer en retour et on y perdrait au change. Non, je pense qu'on devrait juste arrêter de le considérer comme quelqu'un d'intéressant et l'ignorer pour le reste de l'année. »
Scott hausse les épaules. Il m'aide à ranger les dernières choses restantes sur ma table et m'accompagne dehors. Tous les autres sont déjà partis. J'ai Arithmancie, je ne dois pas trop traîner. Reeve me regarde avec un sourire et dit :
« Je comprends, c'est plus sage. Mais si jamais il t'embête trop, dis-moi, je pourrais peut-être faire quelque chose. »
Il s'en va avant même que je puisse avoir le temps de lui répondre que je peux me débrouiller aussi toute seule pour régler mes problèmes. J'ai l'impression que certaines personnes ont la manie de vouloir m'aider alors que je suis tout à fait capable de trouver de quoi me venger toute seule. En fait, concernant Léon, j'ai une petite idée derrière la tête. Et apparemment, Minerva McGonagall aussi. Je la croise dans les couloirs, un peu plus tard, elle et ses yeux de chats inquisiteurs, elle bondit presque sur moi :
« Weasley ! Dans mon bureau, tout de suite. »
Comme rien de pourra la dissuader, car les regards de chiens battus ne fonctionnent pas sur les chats, aussi magnanimes soient-ils, je la suis docilement. J'ai le sentiment que cette convocation brusque est de mauvaise augure. J'aperçois Léon qui nous attend devant la porte du bureau. L'envie me prend de faire demi-tour mais je préfère l'ignorer et continuer à marcher derrière la directrice. Elle s'assoit dans son grand fauteuil en nous invitant à nous installer en face d'elle. Je sens que Wilkes hésite avant de m'imiter en posant son derrière sur la chaise. Je soupire, restant de marbre.
« Miss Weasley, Monsieur Wilkes. La soirée de vendredi a été un succès, commence-t-elle alors que je grimace. Cependant, Léon, vous avez pris des libertés qui n'étaient pas nécessaires. »
Quel bel euphémisme. Des libertés ? Il a carrément fait tout ce qui était en son pouvoir pour me ridiculiser. Je lui lance finalement un regard très noir qui le fait soupirer. J'espère juste qu'il ne va pas en profiter pour dire les raisons pour lesquelles il l'a fait. Il hausse les épaules mais ne dit rien, l'air piteux à chercher la compassion.
« J'aimerais que vous vous excusiez auprès de Miss Weasley, reprend Minerva me faisant esquisser un sourire satisfait.
– Je suis désolé. »
Je hausse un sourcil. Aucune sincérité dans la voix, il évite mes yeux, je me retiens de lui envoyer un coup de pied dans son tibia. McGonagall n'a pas l'air de trouver ça suffisant non plus. Elle ajoute :
« Votre comportement était déplacé, Monsieur Wilkes.
– Ce n'était pas méchant ..., tente-t-il mais ça ne passe pas.
– C'était malveillant au plus haut point, répliqué-je.
– Ne fais pas comme si tu étais totalement innocente dans l'histoire, Weasley. »
Il me dévisage avec colère alors que je me refroidis, il ne faut pas qu'il insinue de telles choses devant Minerva, elle risque de se douter de quelque chose. Cependant, elle ne rebondit pas sur ses menaces dissimulées mais aborde un autre sujet, tout à fait sérieusement :
« Il me semble que pour prouver que vous êtes capables de travailler ensemble sans faire d'éclats, vous devriez organiser un autre événement. »
Elle nous a regardé par dessus ses lunettes, comme pour nous prévenir qu'on avait grand intérêt à faire ce qu'elle nous disait très précisément. Merlin, elle sait très bien qu'on ne s'entend pas, pourquoi veut-elle absolument que nous soyons obligés de faire à nouveau des réunions, des discussions sur l'organisation et tout simplement être dans la même pièce ? Je soupire en croisant les bras. Le Serpentard demande :
« Vous attendez quel genre d'événement exactement ?
– Soyez inventifs, répondit-elle laconiquement.
– D'accord, ai-je murmuré. Allons-y alors. Bonne journée, Professeur. »
Je me suis levée et Léon a fait de même, j'ai essayé de partir le plus vite possible pour ne pas avoir à parler avec lui à la sortie. Mais mon homologue m'a regardé de travers avant de dire, une fois dans le couloir :
« On n'a qu'à faire une petite fête. »
Mes yeux circonspects se sont posés sur lui. J'ai secoué lentement la tête, j'en reviens à peine. Il essaye encore de me convaincre. Je ne lui laisse aucun espoir :
« Tu sais quoi, Wilkes ? Va crever, sincèrement, décède loin de ma vue avant que je ne m'en occupe moi-même.
– Je me suis excusé, me fait-il remarquer.
– Tu veux quoi ? Des applaudissements ? Que je te remercie ? Mais ce matin, il y a encore un troisième année de Serpentard qui est venu me voir pour me poser toujours la même question. Qui j'ai embrassé. Tu as pointé sur moi un projecteur qui n'était pas nécessaire du tout, pour ça, et pour les dégâts que ça a eu sur ma vie privée, je te déteste, d'accord ?
– Comment ça ? Scott ne voulait plus sortir avec toi en apprenant que tu embrassais tout le monde le même jour ?
– Merlin, la ferme, Wilkes. »
Rouge de rage, je me tourne pour partir loin de lui, m'éloigner avant de me sentir obligée de le frapper. Je l'aurais fait si on n'avait pas été juste devant le bureau de McGonagall. Il n'essaye pas de me rattraper mais sort de sa bouche un rire affreux, moqueur et qui me met hors de moi. Je poursuis ma route aussi rapidement que possible.
J'arrive dans un couloir qui est vide, je le reconnais instantanément. Le troisième étage, le statue de la Sorcière Borgne, l'endroit où mes lèvres se sont posées sur celles de Scott. Je soupire, sentant mon cœur qui n'a de cesse de battre fort dans ma poitrine. Je m'avance lentement vers la statue, passant une main sur les détails, me remémorant cette soirée folle, dangereuse et qui me donne encore des sueurs froides. J'ai été inconsciente, on aurait pu se faire tuer, se faire kidnapper par les deux gars encapuchonnés. Je ferme les yeux, essayant de me rappeler le moindre fait qui pourraient peut-être me mettre sur une voie pour retrouver ma mère. Si elle a été enlevée par eux, je dois me rapprocher encore de Scott pour en apprendre plus. Je ne peux pas rester dans l'ignorance.
« Molly, qu'est-ce que tu fais là ? »
Je rouvre les yeux pour les tourner vers Albus qui me regarde en fronçant les sourcils. J'esquisse un sourire en enlevant mes doigts de la statue et les passant dans mes cheveux, un peu embarrassée, perdue au milieu de mes pensées.
« Salut Al, je rêvassais. La septième année est sportive, il me faut un peu de temps de solitude pour décompresser. Tu verras dans quelques années, tu comprendras.
– Je ne vois pas pourquoi tu t'en fais, tu es presque la meilleure de ton année. »
Je ris silencieusement, je serais certainement la meilleure si je n'avais pas d'autres choses en tête. Il regarde autour de nous et dit en souriant :
« Tu veux que je te laisse tranquille ?
– Non, dis-je en secouant la tête, maintenant que tu es là, discutons. Cette quatrième année commence bien pour toi ?
– Elle ne peut pas être pire que la dernière, soupire-t-il. Avec toute cette histoire avec Scorpius ... Je préfère largement ces dernières semaines. »
Je fronce les sourcils en m'asseyant sur le rebord de la statue et en l'invitant à faire de même. Je prends rarement de temps d'écouter chacune des personnes de ma famille, d'abord parce qu'il y en a beaucoup trop et ensuite parce que je suis toujours occupée à autre chose. Je me tiens au courant par Lucy en général. Mais je ne veux pas être accusée de ne pas m'intéresser à eux. Il s'assoit à côté de moi en soupirant, un peu mélancolique. Je lui demande :
« Tu n'as pas reparlé à ce Malefoy, depuis la rentrée ?
– Non, il n'a pas non plus essayé d'établir le dialogue. Tant mieux, en fin de compte, je ne sais pas ce qu'on a encore à se dire.
– Mais vous étiez amis, non ? Je n'ai jamais compris ce qu'il s'est passé pour que tout s'arrête d'un coup. D'autant plus qu'il n'est pas méchant, vous aviez l'air proche et il ne doit pas être du genre à faire de coups bas. »
Il garde les yeux dans le vide un instant alors que j'essaye de faire sortir des petites étoiles de ma baguette et de les faire tourner sur elles mêmes pour former des constellations. Il soupire et finit par sauter sur ses pieds en concluant :
« C'est vrai qu'il n'est pas méchant. Au fond, c'est peut-être ça le problème. »
Je regarde se triturer les mains un peu gêné et je me relève, laissant mes étoiles s'effacer en tombant sur le sol avec légèreté. Je passe mon bras par dessus son épaule et avec un sourire amusé, je lui chuchote :
« Le problème, c'est Rose, hein ? Tu as peur qu'ils sortent ensemble, mais elle est suffisamment grande pour décider toute seule, tu ne crois pas ?
– Je savais que je n'aurais pas dû te parler de ça, tu vas me faire culpabiliser avec tes idées moralisatrices. »
Il soupire en me laissant quand même lui coller un bisou sur la joue en signe d'affection. Je secoue la tête en riant alors qu'il grimace et je lui demande, un sourire en coin :
« Et toi, tu as quelqu'un en vue, ces derniers temps ?
– Molly, dit-il en se détachant de moi, s'il te plaît, ne me fais pas subir ton interrogatoire. »
Un rire m'échappe, je lève les yeux au ciel en ajoutant :
« Je ne dirais rien à personne, promis !
– De toute façon, je ne suis pas sûr d'intéresser grand monde ...
– Tu es défaitiste, mon chou ! Mais ne t'inquiète pas pour ça, de toute façon, ça paraît sympa comme ça, mais ça n'apporte que du malheur. »
Il me regarde avec des yeux un peu étonnés, comme si je venais de dire une énormité. Il ne m'est jamais rien arrivé de pire que quand j'ai embrassé quelqu'un, est-ce une coïncidence ? Je ne suis pas certaine. L'amour est un concept dangereux qu'il ne faudrait pas mettre entre toutes les mains.