Je commence à regretter la promesse que j'ai faite à Scott. Un, parce qu'il serait capable d'être suffisamment habile pour tourner cette histoire contre moi, n'oublions pas que les Poufsouffle ne sont pas toujours aussi adorable que l'on ne le pense. Deux, parce que je ne sais pas vraiment comment faire pour me cacher et arriver à survivre à cette soirée. Trois, parce que j'ai beau essayer de batailler pour convaincre Léon de changer à nouveau le tour de garde, il n'a pas l'air réceptif. Je m'en mords les doigts, littéralement. Mes ongles n'ont jamais été parfaitement droits, polis et vernis mais là, je saccage tous mes efforts pour les tenir en forme.
« Wilkes, écoute-moi quand je te parle. Ce n'est pas dramatique si on change juste ce petit tour de garde. Il suffit de demander à McGonagall, elle est toujours d'accord. Allez, s'il te plaît ! »
On est dans le couloir, en train de faire un point sur le Quiz de vendredi, pour voir si les équipes formées par les préfets sont complètes. Il nous manque encore celle de Gryffondor, je ne sais pas ce que font Evan et Jeanne. Mais Léon est en train de ruiner tous mes espoirs. Merlin, à la fin, il m'énerve à ne pas vouloir être coopératif. Je voulais appuyer sur la corde sensible des soirées mais il me coupe la parole avant même que je n'aie pu donner tous les arguments :
« Bon, Weasley, tu n'as pas compris que je ne voulais pas ?
– Mais quelle raison est-ce que tu as pour refuser ? essayé-je tant bien que mal.
– Déjà, la dernière fois que tu m'as demandé ça, tu as fini en pleurs et je ne tiens pas à ce que ça recommence. Ensuite, tu me parais trop suspecte pour faire ça innocemment et sans intention derrière. Tu mijotes forcément quelque chose et je n'ai pas envie que ça finisse mal. Alors, on garde notre tour de garde samedi pour cette fois.
– Merlin, Léon, tu pourrais faire un effort pour m'aider ! J'ai quelque chose de prévu samedi ... »
J'ai fait des yeux de chien battu en espérant de tout mon cœur qu'il gobe mon mensonge et qu'il arrête de voir clair dans mon jeu. Je ne supporte pas ça, les gens perspicaces juste quand ça les arrange. Je suis un peu capricieuse sur les bords. Pourtant, ça ne vient pas de mon enfance, je n'étais pas gâtée à outrance et j'acceptais volontiers de partager ma part de gâteau avec Roxanne ou Lucy. Je pense que c'est mon petit côté autoritaire qui ressort de temps en temps et qui ne supporte pas qu'on me résiste.
« Tu n'avais qu'à pas prévoir des trucs le samedi. Et concentre-toi parce que McGonagall attend de nous que ce soit parfait vendredi.
– Je sais ! Tout est presque prêt d'ailleurs, je ne vois même pas pourquoi tu t'en inquiètes, il n'y a pas besoin de stresser, tout va bien.
– Je te rappelle que c'est l'équipe de ta maison qu'il nous manque. Si tu allais les embêter eux plutôt que moi ? »
Je souffle bruyamment en remontant mon sac sur mon épaule et je pars, vexée, en tapant du pied. Je sens qu'il se marre derrière moi mais je ne lui donne pas la satisfaction de me retourner pour qu'il voie qu'il a réussi à me mettre en rogne. Si c'est comme ça, je vais aller passer ma frustration sur mes lionceaux et ça va chauffer. Ils vont regretter d'avoir mis tant de temps à rendre cette foutue liste. C'est à peine si je ne jappe le mot de passe à la Grosse Dame qui s'en offusque et commence à m'expliquer qu'il faut être polie. Au bout d'un moment, elle considère qu'elle m'a suffisamment énervée et elle me laisse passer en soupirant. Je pénètre dans la salle commune avec ce regard noir caractéristique de ma colère. Je fais fuir un première année qui se faufile pour remonter dans son dortoir en voyant qu'il est sur mon chemin. Soudain, Evan surgit devant moi, tout à fait paniqué :
« Par les chaussettes de Dumbledore ! Molly, tu es la personne de la situation. Il n'y a pas assez de volontaire pour le Quiz et avec Jeanne, ça fait plus d'une heure qu'on essaye de les convaincre, ils ne veulent pas se bouger. Je ne sais plus quoi faire ...
– Je pense qu'on devrait les payer ou les torturer, quelque chose comme ça, soupire Jeanne en se postant à côté d'Evan, presque en sueur à force de vouloir motiver des élèves apparemment sans détermination aucune.
– La torture ... »
Je murmure en savourant ce mot avant de secouer la tête. L'idée donne résolument envie mais McGonagall ne serait pas pour et ça me chagrinerait de me la mettre à dos. Je les regarde, les deux préfets de Gryffondor sont dans un état avancé de lassitude. Je hoche la tête. Ce qu'il faut, c'est un bon petit discours de motivation et surtout de réprimande. Ce n'est pas possible de se dire aussi courageux à longueur de journée et de rester affalés sur des canapés. Prenant une grande inspiration, je monte sur une chaise et commence à exprimer mon mécontentement d'une voix forte :
« Bon, les prétendus braves Gryffondor, ouvrez bien grand vos oreilles ! J'ai le déshonneur de vous annoncer que vous n'êtes qu'une bande de gros incapables et fainéants. Je n'ai jamais vu ça, Godric et tous les héros de notre fière maison s'en retourneraient dans leur tombe... Vous vous rendez compte ce que vous me faites faire ? Vous êtes la seule maison qui n'a pas d'équipe complète pour défendre ses couleurs lors du Quiz de vendredi. Wilkes se vante d'avoir la meilleure de tous les temps et je n'ai rien pour lui répondre. C'est très embarrassant, croyez-moi. Vous vous écrasez, avant même de commencer, devant qui ? Des blaireaux, des vipères et des oiseaux ? Mais vous êtes des Merlin de lions ou pas ? Alors pour sauver l'honneur de notre chère maison, vous allez me faire le plaisir de participer à ce quiz et de battre tout le monde. Maintenant, les volontaires pour redresser l'image lamentable que vous donnez de notre maison, vous pouvez venir me voir. Je vais m'en occuper moi-même de cette équipe ! »
Je crois qu'ils ont compris le message. Je saute du haut de ma chaise en lançant un regard foudroyant à qui oserait faire la moindre remarque et je me suis assise en reprenant le papier où se trouvait inscrit déjà quelques noms. Peu à peu, quelques élèves, pris de remords et un peu honteux, se sont traînés jusqu'à moi. Avec un sourire gentil, j'ai récolté les noms pendant que Jeanne tapait dans ses mains joyeusement, heureuse que j'aie réussi à réveiller un peu les troupes. Elle me dit :
« Molly, tu es une sorte de déesse, je crois que sans toi, la maison ne serait plus rien. Comment on va faire l'année prochaine ?
– Tu prendras exemple sur moi, fais-je en lui souriant avec modestie. Ou alors, ils auront toujours le souvenir cuisant de l'humiliation qu'ils se sont pris. »
Elle éclate de rire et me colle un bisou sur la joue en restant à mes côtés pour voir qui participe. Une fois l'équipe au complet, je me vois même dans l'obligation de refuser quelques personnes, leur reprochant au passage de ne pas avoir réagi plus tôt. Toujours un peu irritée, je retourne voir le préfet-en-chef qui traîne toujours dans le même couloir, en train de compter son nombre de question. Je lui montre avec fierté la liste de mon équipe et je commente d'un ton légèrement satisfait :
« C'est qu'ils étaient trop nombreux, il a fallu faire le tri. »
J'ai un peu menti mais il ne peut pas savoir ce qu'il y a derrière mon petit regard méprisant à son égard. Je suis en colère contre lui, il ne daigne même pas regarder le parchemin que je lui tends. Il soupire simplement et dit d'un ton neutre :
« Tu n'as qu'à le poser avec les autres. À moins que tu ne veuilles que je le fasse moi-même mais au bout d'un moment, Weasley, il est peut-être temps que tu te débrouilles seule.
– Tu prends des risques, Wilkes. »
Agacée, je jette presque ma liste sur les trois autres et je croise les bras, me retenant de l'assommer pour ensuite le forcer à accepter de faire le tour de garde demain soir. Merlin, il ne me facilite pas la vie.
« Tu n'as pas autre chose à faire ? demande-t-il froidement. Des Poufsouffle à torturer avant de se balader presque main dans la main avec ? Des petits à traumatiser ou des gens à qui briser le cœur ? Tu adores faire ce genre de chose, non ?
– Quand je dis « risques », Wilkes, il doit y avoir le sens qui t'échappe.
– Et quand je te dis que je ne veux pas modifier ce maudit tour de garde ? »
Il me défie des yeux. De la fumée est sur le point de sortir de mes oreilles. Je soutiens son regard avec fougue. Il ne veut pas m'aider, tant pis, j'ai plus d'un tour dans mon sac. J'esquisse un léger sourire pour lui faire entendre que j'ai une idée derrière la tête et je tourne les talons en partant loin de lui et de son soupir contrarié. Je me dirige vers la salle commune à nouveau, voyant que pour une fois, il n'y a plus grand monde qui y traîne. Ils ont pris peur, les petits choux. Je repère mon cousin James qui a l'air de travailler à une table. Je m'assois à côté de lui en remarquant :
« Tu deviendrais presque sérieux cette année. C'est étonnant.
– Je sais, tu n'as pas l'habitude de me voir comme ça mais j'y prends goût petit à petit, dit-il avec un petit sourire en coin.
– J'ai un service à te demander. C'est presque vital donc tu n'as pas vraiment le droit de refuser. »
Il me dévisage en fronçant les sourcils et pose sa plume pour me montrer qu'il était tout à mon écoute. Je prends une inspiration avant de chuchoter :
« J'aurai besoin que tu me prêtes ta cape demain.
– Molly, dit-il d'une voix lente remplie de scepticisme, qu'est-ce que tu vas encore faire ? Ce n'est pas que je ne veux pas te la prêter mais si tu comptes l'utiliser pour quelque chose de mauvais, je me sentirais un peu coupable de t'avoir encouragé. Après tout, tu es mon modèle et ça m'autoriserait à faire la même chose ...
– Allez, Jamie ! Ça n'a rien à voir. Je ne compte pas vraiment faire quelque chose d'illégal, il y a juste un petit imbécile qui se balade la nuit dans le château et je veux lui faire un peu peur pour qu'il ne recommence plus. »
Je décèle toute la méfiance qu'il a dans son visage alors qu'il le tord en réfléchissant à ce que je viens de lui servir comme petit mensonge. Il finit par soupirer :
« Du moment que tu ne l'abîmes pas. Tu peux la prendre demain mais tu me la rends juste après, sans faute.
– T'inquiète, cousin, je prendrais soin de ta cape, ne t'en fais pas pour ça. Merci beaucoup.
– Je te sauve la vie, c'est ça ?
– Exactement ! »
Je lui tapote la joue en signe d'affection et je m'éloigne sous ses yeux noirs. Voilà au moins une bonne chose de faite. J'ai de quoi me cacher pour aller à Pré-au-lard. Tant pis pour le tour de garde, je vais être dans la plus totale illégalité mais ce sera clairement de la faute de Wilkes, ça me déculpabilise un peu. Je soupire en montant dans le dortoir pour me reposer un peu l'esprit. Entre la rencontre de Scott avec son groupe bizarre de demain, Léon qui ne m'a jamais autant énervée et le Quiz, la fin de semaine va être sportive.
Roxanne monte dans le dortoir et me regarde avec un grand sourire. Elle annonce, amusée :
« Il y a quelqu'un devant la porte de la salle commune qui te cherche. Il a l'air d'avoir besoin de toi. Un peu comme si tu lui manquais beaucoup. Il demandait à quiconque passait par là où tu étais. Je crois qu'il commence un peu trop à s'attacher à toi. »
Je bats des cils, ne comprenant pas de qui elle parle. Elle éclaircit son propos en commençant à imiter la poule. Perplexe, je l'observe faire et ça fait son chemin dans ma tête, je soupire :
« Merlin, Roxanne, tu n'es pas mature du tout.
– Scot-cot, je trouve ça hilarant ! Tu n'as pas d'humour, c'est tout. Bon, va rejoindre ton Poufsouffle d'amour, ça t'empêchera peut-être d'être rabat-joie.
– C'est bon, mange de la crème canari au lieu d'être constamment idiote !
– Cot cot cot ! »
Elle recommence à mimer le gallinacé alors que je me relève, énervée en l'esquivant. Elle allait me foncer dessus pour me picorer. Je descends les escaliers à toute vitesse et je traverse la salle commune pour passer le portrait de la Grosse Dame. J'aperçois Scott qui avait l'air un peu perdu, il regardait dans la mauvaise direction, espérant me voir arriver par les escaliers. Je me glisse derrière lui et je ne peux m'empêcher de lui chuchoter à l'oreille :
« Coucou. Il paraît que tu me cherches, continué-je en le voyant sursauter en se tournant vers moi.
– Oui, soupire-t-il de soulagement en me reconnaissant. Je me demandais si c'était encore bon pour demain. »
Il a l'air un peu angoissé. Essayant d'être rassurante, je hoche la tête avec un sourire. Il se mordille la lèvre en levant les yeux au ciel, comme réconforté. Son sourire paraît étincelant, qu'est-ce qu'il croyait ? Que j'allais le lâcher si rapidement ? J'aurais pu le faire mais ce n'est pas mon genre. Je n'abandonne pas au premier obstacle. Rasséréné, il me remercie plusieurs fois de suite. Je secoue la tête en le regardant :
« C'est bon, c'est rien. J'adore me mettre dans des situations improbables. Une de plus, une de moins, ça ne me fait pas peur.
– Tu perpétues la tradition familiale, c'est ça ? dit-il en riant doucement.
– Eh bien, ça dépend de quelle famille tu parles. Mon père n'est pas trop de ce genre là mais je pense que mes oncles et tantes m'ont un peu influencée.
– C'est vrai que ton père n'a pas la réputation la plus resplendissante du monde magique. Mais il a au moins le mérite d'avoir essayé. »
Mon regard s'assombrit légèrement. Est-ce qu'il est en train de parler de son échec aux élections ? Il a certes perdu mais ce n'était pas lamentable non plus. Je soupire et, n'ayant pas envie de m'énerver contre lui, je laisse passer sans commenter. Je suis juste un peu sèche en lui disant :
« Demain, on se retrouve à vingt-deux heures devant la statue de la Sorcière Borgne. »
J'attends qu'il approuve avant de rentrer dans la salle commune, un peu contrariée par sa remarque sur mon père et sa réputation. Il n'a pas à dire ce genre de chose. Il a eu le mérite d'essayer ... Scott ne doit pas se rendre compte du mal que ça lui a fait. Je grimace légèrement et soudain je vois Roxanne arriver vers moi avec le regard de quelqu'un qui a une mauvaise idée derrière la tête. J'essaye autant que possible de l'éviter pour ne pas subir ses petites remarques. Je n'ai pas la tête à ça. Elle est gentille mais là, j'aurais trop envie de la frapper, ce n'est pas bon pour elle.