Les Cendres d'un Rêve [Termin...

By ValentinMilan

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Un futur de division nous guette. Il sera partagé entre exploits technologiques et misère moyenâgeuse, entre... More

Une petite présentation !
Prologue : La Glorieuse Fédération Terrienne
ARC I : Une journée comme les autres...
Chapitre 1 : Dans les Terres Désolées (1/3)
Chapitre 1 : Dans les Terres Désolées (2/3)
Chapitre 1 : Dans les Terres Désolées (3/3)
Chapitre 2 : Créatures de sang et monstres de métal (1/3)
Chapitre 2 : Créatures de sang et monstres de métal (2/3)
Chapitre 2 : Créatures de sang et monstres de métal (3/3)
Chapitre 3 : Entre plomb et mots (1/2)
Chapitre 3 : Entre plomb et mots (2/2)
ARC II : Un oiseau de feu
Chapitre 4 : L'attaque des aigles (1/2)
Chapitre 4 : L'attaque des aigles (2/2)
Chapitre 5 : Enmyo (1/3)
Chapitre 5 : Enmyo (2/3)
Chapitre 5 : Enmyo (3/3)
Chapitre 6 : Sur le fil de la toile (1/2)
Chapitre 6 : Sur le fil de la toile (2/2)
Chapitre 7 : Funèbre annonce
ARC III : Traîtres
Chapitre 8 : De bien grosses loutres
Chapitre 9 : Trahir ou mourir (1/2)
Chapitre 9 : Trahir ou mourir (2/2)
Chapitre 10 : Et les gorges hurlèrent (1/2)
Chapitre 10 : Et les gorges hurlèrent (2/2)
Chapitre 11 : Trois pour le prix d'une
Chapitre 12 : À chacun sa place (1/2)
ARC IV : La naissance d'une légende
Chapitre 13 : Une famille
Chapitre 14 : Bienvenue et adieux (1/2)
Chapitre 14 : Bienvenue et adieux (2/2)
Chapitre 15 : La meute (1/2)
Chapitre 15 : La meute (2/2)
Chapitre 16 : La mort aux trousses (1/2)
Chapitre 16 : La mort aux trousses (2/2)
ARC V : Les semeurs de vents
Chapitre 17 : Quand les mots deviennent des armes
Chapitre 18 : De l'importance des symboles (1/2)
Chapitre 18 : De l'importance des symboles (2/2)
Chapitre 19 : Sur le Styx
Chapitre 20 : Cerberus (1/2)
Chapitre 20 : Cerberus (2/2)
Chapitre 21 : Purgatoire
Chapitre 22 : Réssurection (1/2)
Chapitre 22 : Réssurection (2/2)
Chapitre 23 : La cellule de Pandore
ARC VI : L'éclosion des tempêtes
Chapitre 24 : Jeu de dominos
Chapitre 25 : Dans les flammes
Chapitre 26 : Concorde brisée (1/2)
Chapitre 26 : Concorde brisée (2/2)
Chapitre 27 : Les échos de la meute
ARC VII : La chute
Chapitre 28 : Toile de lumière
Chapitre 29 : Le voile des illusions
Chapitre 30 : L'ultime combat
Chapitre 31 : La vallée des morts (1/2)
Chapitre 31 : La valée des morts (2/2)
Chapitre 32 : Entre le marteau et l'enclume (1/2)
Chapitre 32 : Entre le marteau et l'enclume (2/2)
Chapitre 33 : Goliath (1/2)
Chapitre 33 : Goliath (2/2)
Chapitre 34 : De l'éthique d'un président... ou de son absence
Chapitre 35 : Baroud d'honneur
ARC VIII : L'envol des phœnix
Chapitre 36 : Entre la vie et la mort
Chapitre 37 : Le chant des Phœnix
Chapitre 38 : Retour à la case départ
Chapitre 39 : La créature de kevlar (1/2)
Chapitre 39 : La créature de kevlar (2/2)
Chapitre 40 : L'envol
Chapitre 41 : Le temps des adieux (1/2)
Chapitre 41 : Le temps des adieux (2/2)
Chapitre 42 : Un si long chemin (1/2)
Chapitre 42 : Un si long chemin (2/2)
Chapitre 43 : Le taudis des uns est le foyer des autres
ARC IX : Tsunami
Chapitre 44 : Excavation temporelle (1/2)
Chapitre 44 : Excavation temporelle (2/2)
Chapitre 45 : Un sabre pour tous (1/2)
Chapitre 45 : Un sabre pour tous (2/2)
Chapitre 46 : Les eaux deviennent violence
Chapitre 47 : Après la pluie, le beau temps (1/2)
Chapitre 47 : Après la pluie, le beau temps (2/2)
ARC X : Astres de sang
Chapitre 48 : Intrusion surprise (1/2)
Chapitre 48 : Intrusion surprise (2/2)
Chapitre 49 : De brume et de sang (1/3)
Chapitre 49 : De brume et de sang (2/3)
Chapitre 49 : De brume et de sang (3/3)
Épilogue

Chapitre 12 : À chacun sa place (2/2)

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By ValentinMilan

— Mes fidèles soldats !

La voix traînante de l'ancien général fédéré s'insinua profondément dans la roche et le béton, jusqu'à vibrer dans les boyaux souterrains. Elle restait parfaitement audible dans une vaste salle de contrôle reconvertie en mess. Les rebelles mangeaient sur les postes informatiques encroûtés de poussière, au milieu des gravats, des toiles d'araignées et avec des lampes frontales en guise d'éclairage. La cuillère de Kyle, comme celles de tous les autres, resta suspendue au-dessus de son brouet dans l'attente de la suite.

— Moi, votre général, vous donne l'ordre de déposer les armes et de vous dévêtir. Obéissez-moi, soldats, sans le moindre remord, sans le moindre déshonneur et sans le moindre doute. Comprenez que cette reddition n'en est pas une, c'est en réalité une renaissance. La Fédération Terrienne que nous avons juré de servir et protéger est lentement enterrée par les bureaucrates et les politiciens. L'une des dernières pelletées de terre devait être jetée ici même, pour recouvrir nos cadavres, pour nous plonger dans l'oubli, nous, les derniers défenseurs de Notre Grande Fédération Terrienne, la seule et unique, qui ne survit que dans nos doux souvenirs ! Alors, soldats, tant que nous vivrons, elle subsistera ! Je vous le promets, des profondeurs de ce tombeau, nous surgirons ! Et dans notre sillage, Notre Glorieuse Nation se redressera !

Le phœnix qui avait aidé Kyle à descendre le promontoire, et qui répondait au nom de Vitali Anvariovitch Dratchev (la présence de deux patronymes le désignant comme un natif des Terres Désolées), lui donna un coup de coude.

— Tu crois qu'ils vont gober ça ?

— Pfff... fit leur voisine adossée contre un pan de mur effondré. J'te mise la prochaine ration qu'au moins cinq de ces tarés s'font sauter le caisson !

— Seulement cinq ? Je monte à dix moi !

— Mais fermez là ! aboya leur chef, véritable bouledogue emprisonné dans un corps de femme. On n'entend plus rien avec vos conneries ! C'est Enmyo qui parle là !

Les deux rebelles se turent,mais seulement après avoir entériné leur pari macabre d'une tape dans la main. Effectivement, la voix de harpe relaya les octaves graves et traînantes dans la salle :

— ... transmission l'informant de votre mort. Officiellement, les phœnix et votre bataillon n'existent plus. Officieusement, il n'appartient qu'à vous d'unir nos forces. Si pour l'heure, je n'ai à vous offrir qu'une cellule, cela est toujours mieux que le cercueil prévu par votre Fédération. Lors de cette détention, j'ose espérer que vous saurez ouvrir les verrous de votre esprit pour combattre à nos côtés, épaule contre épaule, tous animés par la même flamme.

Plusieurs grognements s'élevèrent dans le mess, s'amplifièrent, s'unirent en un bourdonnement sourd d'essaim en colère.

— Ces enculés de fanatiques ? domina un torrent de fureur parmi les autres. Des frères d'armes ?Plutôt crever !

— Ils vont nous poignarder à la première occasion !

— On devrait tous les cramer, comme ils l'ont fait pour nos voisins et nos amis !

Une poignée d'officiers, dont la bouledogue, intervinrent pour ramener le calme d'une série d'aboiements assassins. Toutefois, le brouhaha diffus qui persistait suffisait à couvrir les paroles d'Enmyo ou d'Ethan. La voisine de Kyle se releva de son monceau de gravats et jeta sa barquette vide sur une table.

— Le dernier gars avait p'têt raison... fit-elle remarquer. Les troufions risquent bien de finir sur un grill. C'est la meute qu'est là-haut, je vous rappelle.

— Du moment que je fais plus partie du comité d'accueil, je m'en contrefous, rétorqua Vitali sans parvenir à réprimer un frisson d'effroi. Par contre... poursuivit-il en fronçant les sourcils, j'espère qu'ils vont pas nous saloper le pari !

— Impossible à dire. Paraît qu'ils ont vraiment la haine contre les piafs.

Son confrère hocha de la tête d'un air maussade.

— C'est quoi cette meute ? ne put s'empêcher de demander Kyle.

— Une escouade pas comme les autres, expliqua Vitali en se grattant la nuque. Il y a que des tarés dedans. Ils se mélangent pas avec nous, ils restent toujours entre eux dans leur quartier. Y en a qui dise que ce sont d'anciens prisonniers, d'autres pensent que ce sont des déserteurs de la Fédération et ceux qui les ont vu combattre... pour eux, ce sont des démons.

Kyle haussa un sourcil.

— Ravale moi ce sourire, mon p'tit gars, intervint sèchement la rebelle. À moins d'une vingtaine, ils ont désossé plus d'une cinquantaine de machines ! C'est des fous furieux ! Rien ne les arrête ! Rien ne leur fait peur ! Ils ont la rage aux tripes, ces mecs ! Toujours prêts à slacker sec ! Dis-toi qu'un seul d'entre eux vaut vingt chiures de bleu-bite comme toi ! Il y a que les meilleurs qui peuvent espérer les rejoindre !

— Ou les déglingués comme toi...

La rebelle lui brandit son plus bel index, ce qui entraîna une succession de piques et d'insultes qui lassèrent très vite Kyle. Il finit son potage, au moins rassuré sur une chose : il ne pourrait jamais envoyer aux rebelles quoi que ce soit de plus infect que cette mixture.


La faucille de la lune planait dans le ciel, baignant Saned de sa clarté blafarde. Ici et là, la lueur d'une bougie éclairait une fenêtre en un carré de lumière tremblante. Les ruelles désertes et le calme absolu procuraient une impression étrange à Kyle, presque irréaliste. Difficile de croire que les fédérés occupaient les lieux moins de deux jours plus tôt. Néanmoins, les preuves de leur présence s'accentuèrent à mesure qu'il approchait de la grande place : les barricades abandonnées, les sillons des pneus et des chenilles, les innombrables traces de bottes et... les impacts de balles sur la façade de la mairie.

En dépit de la nuit déjà bien avancée, un groupe de silhouettes conversait devant l'orphelinat. Ils entendirent certainement le crissement de ses bottes dans la neige, braquèrent leurs torches électriques ou de flamme dans sa direction et, avant même de lui laisser le temps de s'identifier, une voix chevrotante exulta :

Kyle !

Le chignon d'albâtre et la cape élimée de Madame Petersberg apparurent dans les rayons lumineux. La vieille femme se précipita à son encontre, aussi vite que le lui permettaient ses articulations rongées par l'arthrose.

— Kyle !... répéta-t-elle, essoufflée par sa brève course. Dieu merci, vous allez bien ! Mais comment se fait-il que vous soyez seul ? Car... vous êtes bien seul, n'est-ce pas ? s'enquit-elle en scrutant les ruelles infestées de ténèbres. Dois-je en déduire que ces maudits fédérés vous ont relâché ?

— Pas exactement.

— Vous vous êtes échappé ?! s'étrangla Petersberg avant de reprendre dans un murmure précipité : Et vous restez bêtement là, au bout milieu de la place ! Allons, mon garçon, vite ! Suivez-moi !

Elle entreprit de le traîner par le bras avec une force étonnante pour son âge tandis que le groupe armé de torches s'approchait avec prudence. Des formes fantomatiques apparurent aux fenêtres.

— Il n'y a rien à craindre, tenta de la tranquilliser Kyle. Les fédérés sont...

— Au contraire, l'interrompit-elle en redoublant d'énergie pour le faire bouger, il y a tout à craindre ! Ces monstres abjects doivent être à votre poursuite ! Vite, Kyle ! Il faut vous cacher ! Bon sang, ils vous tueront s'ils vous trouvent !

Les cris de la vieille femme extirpèrent Saned des limbes du sommeil, ameutant de plus en plus de villageois sur les pavés enneigés de la place. Une carrure imposante jaillit de l'attroupement pour leur barrer la route. Les ombres de son visage vibraient de haine, ses yeux brillaient d'un intense éclat de fureur.

— Qu'est-ce tu comptes faire, Godraon ? grogna Alfred Spencer. Tu reviens ici en espérant que quelqu'un se fasse buter à ta place ? Tu veux te servir d'nous comme de bouclier humain, hein ? Comme tu sais si bien l'faire ! Comme tu l'as si bien fait !

Les mots frappèrent Kyle avec la force d'un coup de poing.

— Alfred... J'aurai sauvé Alexandra si...

— NE PRONONCE PAS SON NOM, SALE FILS DE PUTE ! ELLE EST MORTE À CAUSE DE TOI ! TU FERAIS MIEUX D'FERMER TA GUEULE ET DE DÉGAGER ! PERSONNE SE SACRIFIERA POUR TA SALE TROGNE, CETTE FOIS ! VA CREVER DANS UN TROU, SEUL ET LOIN DE NOUS !

— Non !

La foule se tourna vers la silhouette gracile de Mona Sveltilskaïa.

— On ne peut pas se contenter de le bannir ! Imaginez que les fédérés reviennent à sa recherche ! Ils penseront à coups sûr que nous mentons et le dissimulons ! Ce que nous devons faire...

Son regard s'accrocha à celui de Kyle. Le doute fractura la glace bleutée de ses iris, mais une féroce résolution combla aussitôt les fêlures. Elle s'avança à hauteur de Spencer pour s'adresser à la foule.

— Ce que nous devons faire, reprit-elle avec plus de froideur que le vent sibérien, c'est le capturer et le livrer.

Un silence de plomb s'abattit sur la place du village.

— Êtes-vous folle ? souffla en un murmure Petersberg. Comment pouvez-vous oser suggérer cette idée ! Après avoir vu dans quel état ont fini ces rebelles ?

— Elle a raison ! renchérit Jim Lane en rejoignant Kyle et la vieille femme pour faire face à leurs côtés. Le livrer, c'est encore pire que le condamner à mort !

— Et alors ?

Les babines de Spencer s'étirèrent en un rictus torve.

— C'est tout c'qu'il mérite, c'bâtard !

Des cris approuvèrent, d'autres s'insurgèrent. Les faisceaux des lampes et les flaques des torches dessinèrent dans la nuit des visages révulsés, des mâchoires pendantes d'indécision ou des poings de fureur. La masse d'ombres s'agita, s'entrechoqua, se polarisa autour de Kyle, Jim Lane et Magdalena Petersberg ou d'Alfred Spencer et Mona Sveltilskaïa. Jacob Shepard s'interposa au bout milieu de cette tension électrique.

— Allons, allons, mes amis ! Que sommes-nous en train de devenir ?

Il agita un ridicule index en direction de Mona et Alfred.

— La survie dans les Terres Désolées n'est possible que par l'entraide, peu importe l'adversité et les dangers ! Je me refuse, pour ma part, à devenir l'un de ces pantins que nous avons tous fuis, prompts à dénoncer, calomnier et condamner au nom de la sécurité collective ! Nous ne succomberons pas à la terreur ! Nous protégerons Kyle, comme il nous a toujours protégés !

Puis il fit volte-face vers le défenseur de Saned, les mains sur les hanches.

— Toutefois, j'admets qu'aucun d'entre nous ne devrait sciemment placer notre communauté en danger. Ce devoir de protection, il va falloir nous aider à l'honorer. Que diriez-vous de vous cacher dans les montagnes, le temps que passe l'orage ?

— Cela revient au même que l'exil, Shepard ! siffla Mona, excédée. N'avez-vous pas entendu ce que...

Un cri noya le reste de la phrase. Au fond de la place, une silhouette, mains sur la poitrine, donnait l'impression que son cœur cavalait à tambour battant, l'obligeant à le retenir à sa place. En vain. Entraînée à sa suite, elle accourut vers le cœur de l'attroupement et l'objet de son cœur. Les torches illuminèrent une peau diaphane, une cascade vaporeuse de jais et des émeraudes envahies de larmes. Elle franchit le mur de villageois en trombe, prête à se jeter dans les bras grands ouverts de Kyle.

— Les retrouvailles vont être de courte durée ! grailla Spencer.

Il agrippa Sophie au vol et la rejeta violemment en arrière, s'opposant à l'attraction des deux amants.

— Ce qui te sert de bonhomme, on va le vendre aux fédérés, tout comme il a vendu ces foutus rebelles ! Alors regarde le bien, une dernière fois, avant qu'ils le transforment en viande hachée !

— Q-Quoi ? glapit Sophie. Qu'est-ce que tu racontes, Alfred !

Elle tenta de passer. La grosse poigne de l'homme se referma sur son poignet pour la retenir.

— Spencer...

Le murmure de Kyle, qui aurait dû tout juste être audible, résonna pourtant avec puissance. Une sombre, très sombre puissance.

— Relâche-la. Et ne la touche plus jamais.

— Pas tant qu'tu seras rentré dans une cage !

La grimace vicieuse de Spencer éclata en même temps que ses lèvres sous un coup de poing. Le visage en sang, il bascula en arrière sur ses fesses. Kyle faillit se jeter sur lui pour s'assurer qu'il ne pourrait plus jamais déverser sa haine, mais, heureusement, Sophie se pendit à son cou. Son contact dissipa le bourdonnement furieux qui lui vrillait les tympans. Il enserra contre lui le corps tremblant et pleurant de joie.

— Est-ce que... balbutia-t-elle d'une voix tremblante, est-ce que Spencer a raison ?

Il était plus que temps de dévoiler la vérité.

— Non, répondit Kyle en essuyant une perle sur la joue de Sophie. Je ne me suis pas échappé. Les fédérés ne risquent pas plus d'être à ma poursuite. Ils sont en ce moment même enfermés dans les prisons rebelles. Le généralEthan lui-même est derrière les barreaux. Les Phœnix sont parvenus...

— Menzonches ! cracha Spencer en une pluie de salive et de sang. Les féférés ont éhé rafellé four s'occufer hé herrorize !

Malgré l'élocution altérée, la tirade reçut nombre d'approbations dans la peuplade d'ombres.

— Ce n'était qu'un leurre, rétorqua Kyle en les balayant du regard. Les troupes de réserve sont tombées à peu de choses près dans le même piège que celle de l'assaut. Les Phœnix ont remporté la victoire, sans la moindre perte.

— É hu fenzes kon va gofer za ?

— Vous n'avez qu'à choisir ce que vous souhaitez gober. Qu'est-ce qui est le plus improbable, selon vous ? Qu'un homme seul, sans arme, sans véhicule, que vous avez tous vu partir les poignets menottés, ait pu échapper à toute une escadre ? Ou alors que les phœnix avaient soigneusement préparé leur embuscade ?

La vague de doute qui éclaboussa la place du village emporta avec elle toute fureur et toute peur.

— Je vous remercie pour cette petite scène, poursuivit Kyle avec une ironie cinglante. Elle a été fort instructive. Beaucoup ont révélé leur vrai visage.

— Ne soyez pas aussi sévère, intervint le maire de Saned en ouvrant les bras, paumes vers le ciel. Beaucoup ont agi à chaud. Et il ne...

— Ne vous inquiétez pas, Shepard, l'interrompit brusquement Kyle. Je n'ai pas oublié vos beaux principes : je m'en vais m'exiler chez moi le temps que passe l'orage. Que diriez-vous de m'accompagner, madame Petersberg ? Et vous, Jim Lane ? Nous pourrions débattre de la notion de solidarité autour d'une tasse de thé, qu'en pensez-vous ?

— Qu'ils ont certainement compris la leçon, répondit le jeune rebelle avec un sourire nerveux. Mais je ne dis jamais non à un petit thé.

Petersberg approuva d'un signe de tête.

— Pour moi, la conversation suffira amplement. Mon vieux cœur a suffisamment été excitée pour cette nuit !

Elle accepta avec un sourire le bras que lui offrit Jim pour l'aider à marcher. Spencer, se relevant difficilement sur ses jambes, brandit un index sur le petit groupe qui s'éloignait déjà dans la pénombre.

— Herzonne ne va l'arrêher ? Vous l'avez houz vu ! Il m'a fraffé, le zalaud !

— Mais il va se taire, la triple buse ? grommela Basil Morozov en faisant claquer sa canne contre un pavé. J'en viens presque à regretter les fédérés ! Au moins, les corniauds comme toi osaient pas ouvrir leur grande gueule !

Avant de disparaître à l'angle d'une rue, Kyle observa une dernière fois les lueurs flottant sur la place du village. Il y vit la honte et le remord de Mona. La jeune femme était certainement tout aussi surprise que lui par sa réaction extrême. Shepard, comme à son habitude, avait adopté les pathétiques réflexes de politicien dépassé par les événements : élever l'art du compromis en fumisterie, cherchant à plaire à tout le monde pour au final ne contenter personne. Puis il y avait Spencer...

Sa véhémence avait profondément perturbé Kyle. Un désir de meurtre émanait de l'homme. La colère du deuil, cathartique et nécessaire pour un temps, le séquestrait peu à peu dans une prison de folie. Il s'attachait à la douleur de la perte, au point de ne faire plus qu'un avec elle, de peur que les souvenirs de sa fille ne s'évanouissent. Souffrance et fureur, en une sombre synergie, s'alimentaient l'un l'autre, le vidaient de toute sa substance, se substituaient à ses os, sa chair, son sang et parvenaient même à vicier l'air de ses poumons.

Kyle n'aurait pas dû le frapper... Tout comme le feu alimente le feu, la violence alimente la violence. Après cette nuit, Spencer s'enfoncera un peu plus profondément dans sa geôle de démence.

Enfin, il y avait le cercle de villageois. Certains avaient tenté de prendre parti, en totale ignorance, succombant aux stéréotypes, aux on-dit et à leurs valeurs déconnectées de toute réalité, pendant que l'écrasante majorité s'en était abstenue, se réfugiant dans une catatonie émotionnelle, douce camisole psychique qui permettait d'être témoin des pires horreurs sans le moindre dommage et d'éviter que les mémoires ne se souillent de toute culpabilité d'inaction.

Que leur fallait-il pour réagir ? songea tristement Kyle. Quand cette masse d'ombres anonymes parviendra-t-elle enfin à déchirer ses propres entraves ? À oser faire entendre le son de sa voix, à faire sentir le poids de son corps, à réactiver ses synapses ? À vivre plutôt que subir et suivre ?

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