Assise en face de James au petit déjeuner, je ne peux m'empêcher de le dévisager. Il m'ignore un peu. Je suis suspicieuse, persuadée que ses questionnements de la dernière fois étaient bien plus profonds qu'il ne voulait le laisser paraître. Il boit son jus de citrouille en faisant semblant de lire la Gazette du Sorcier que Jeanne, la préfète de Gryffondor, lui avait laissé. Il est à la même page depuis un bon quart d'heure, les yeux fixés toujours sur le même article sur les problèmes financiers de la Ligue de Quidditch.
« Alors, est-ce que le département des Jeux et Sports Magiques est corrompu ? lui demandé-je innocemment.
– C'est la Gazette des Sorciers, pas un journal d'enquête, marmonne James détachant ses yeux du papier.
– Pourquoi tu continues à le lire, alors ? »
Il hausse les épaules, las. Visiblement, il n'a toujours pas retrouvé sa joie de vivre. Mais qu'est-ce qui le tourmente ainsi ?
« Il faut bien garder un œil sur la politique du gouvernement, non ? De toute façon, depuis que Mandy Brocklehurst est à la tête du journal, ce n'est plus que des louanges pour les actions du Ministre de la Magie. »
Il replie le journal et le regarde avec un once de dégoût dans les yeux. Sa mère avait travaillé longtemps dans la section sport de la Gazette mais, en désaccord avec la nouvelle ligne éditoriale, elle avait démissionné. Elle avait retrouvé sans mal un poste de consultante à Balai-magazine mais ce n'était pas aussi prestigieux.
James n'est pas vraiment le plus grand fan du gouvernement actuel qui se donne beaucoup de mal pour décrédibiliser ses parents. Sûrement parce les Potter sont très populaires. Lovener et les autres doivent se sentir menacés sur leur route vers le pouvoir.
L'arrivée de David Parker et Franck Londubat me coupe dans mes pensées. James leur adresse un grand sourire, comme si tout allait bien. Fronçant les sourcils, je me lève et les laisse entre amis. Au loin, à la table des Serdaigle, j'aperçois Louis et sa nouvelle copine, cette fameuse Aurélie. Mon regard glisse à nouveau vers James. Il m'ignore et je ne sais plus quoi en penser.
Je remonte vers la salle commune de Gryffondor rapidement pour chercher mes affaires de Botanique. Je croise Lysander dans les escaliers. Il plisse les yeux en m'apercevant et fait mine de ne pas s'arrêter pour me saluer.
« Hé, Scamander ! l'appelé-je en me retournant. Tu ne dis plus bonjour ?
– Oh pardon, s'excuse-t-il avec un sourire mauvais. Je ne t'avais pas vue.
– Qu'est-ce qu'il se passe ? lui demandé-je, surprise par sa réaction.
– Mais rien, tout va bien. Je te laisse juste tranquille. »
Je soupire en levant les yeux au plafond. Est-ce qu'il m'en veut vraiment parce que j'ai refusé son aide l'autre jour ? D'accord, je n'ai pas été la plus aimable du monde mais ce n'est pas grand-chose non plus.
« Arrête, j'étais juste fatiguée, m'expliqué-je. Tu vas pas m'en vouloir pour ça quand même ? »
Il me regarde fixement et hausse les épaules.
« Je sais pas. On avait dit qu'on était ami maintenant et tu ne me dis plus rien. Tu te rends compte quand même que c'est par Côme Selwyn que je sais que tu es redevenue préfète-en-chef et que tu vas voir Léon en douce. Est-ce que les Serpentard sont devenus tes meilleurs amis ? »
J'essaye de réprimer le rire qui me vient aux lèvres. Il a l'air sérieux mais c'est tellement absurde. Je secoue la tête.
« Merlin, Lysander. Tu es jaloux. C'est adorable, articulé-je en le voyant grimacer. En revanche, pour quelqu'un qui passait son temps à traîner avec ces mêmes Serpentard l'année dernière, je te trouve bien moralisateur. »
Il fronce les sourcils et hésite quelques secondes avant de s'avouer vaincu.
« Certes, mais moi je ne leur crachais pas dessus il y a deux semaines.
– Te fréquenter a dû me rendre plus tolérante à la bêtise humaine, répliqué-je avec un petit sourire.
– Je ne vois pas le rapport de cause à effet ... Mais peu importe, soupire-t-il, tu as eu des nouvelles de Léon alors ?
– Il a encore très mal mais il va récupérer doucement. »
Lysander hoche la tête, pensif. Je me décale pour laisser passer un groupe de quatrième année que l'on gêne à stationner en plein milieu des escaliers. Le Serdaigle reprend à voix basse :
« Et tu penses toujours que les Aurors sont derrière cette attaque ?
– J'en suis persuadée, oui. Ils sont beaucoup trop louches pour être innocents, développé-je à voix basse. Mais je t'en prie, ne montre pas que tu te méfies d'eux. Je crois qu'ils m'ont déjà dans le viseur et je ne voudrais pas qu'ils s'en prennent à toi en plus.
– Ils t'ont déjà menacé ? »
Alarmé, il devient soudain beaucoup plus inquiet. Je tente de balayer sa question d'un revers de main mais il n'a pas l'air d'être tout à fait dupe.
« Non, pas vraiment, marmonné-je. Disons que j'ai un peu l'impression d'être surveillée et d'avoir attiré leur attention. Comme tu étais avec moi après le match, je n'ai pas envie qu'ils pensent que tu es contre eux...
– Mais je suis contre eux, Molly. Parfois tu n'es pas très fiable mais je fais plutôt confiance à ton jugement là-dessus. »
Je ne peux pas m'empêcher de sourire. Ça me fait du bien de voir qu'il est de mon côté. C'est rassurant. Lysander n'est pas toujours fiable non plus mais je le connais suffisamment bien pour savoir quand il est sérieux. Un autre groupe passe à côté de nous. Je regarde ma montre.
« Il faut que j'y aille, le cours de Botanique est bientôt.
– Bien sûr, file. On se retrouve en cours.
– Merci, Scamander. »
Il esquisse un sourire et ébouriffe mes cheveux avant de dévaler les escaliers en courant. Décoiffée, je soupire et cours vers ma salle commune.
J'ai l'impression parfois d'être seule mais j'ai peut-être plus d'alliés que je ne l'imagine. Il est temps maintenant de voir ce qu'il en est avec Victoire. Est-ce qu'elle va pouvoir m'aider à éclaircir l'affaire Fulmer ? Je l'espère grandement. J'ai comme l'impression que c'est une des clés de la grande énigme sous toute cette affaire. D'une manière ou d'une autre, il y a un lien avec les Salvateurs, j'en suis persuadée. L'Étude des Moldus est le dernier cours de cette longue journée d'attente. Ma cousine Victoire devrait avoir quelques minutes à m'accorder après une heure d'exposé sur les évolutions de la technologie électronique moldue. Je n'y comprends pas grand-chose à leur « data » et autres « microprocesseurs ».
Alors que tout le monde quitte la salle, je m'approche d'elle. Elle m'adresse un sourire rayonnant alors qu'elle range ses engins moldus sur la petite étagère de la salle.
« Tout va bien, Molly ? Tu as des questions sur le cours ?
– J'ai bien des questions mais ça ne concerne pas vraiment le cours. »
Elle tourne ses doux yeux bleus vers moi avec intérêt puis elle me fait signe de la suivre vers son petit bureau. D'un coup de baguette sur la théière, elle fait chauffer de l'eau et voler quelques herbes à l'intérieur. Elle me sort une de ses tasses fleuries.
« Qu'est-ce qu'il y a ? me demande-t-elle en me tendant une boîte avec des biscuits à l'intérieur.
– Tu connais un certain Fulmer ? »
Ma cousine se fige en entendant ce nom. Alors Léon ne s'était pas trompé. C'est bien lui le fameux « F », ça ne fait aucun doute. Victoire me regarde avec des yeux ronds presque effrayés. Mais que s'est-il passé ? Elle semble se reprendre et me sert une tasse de thé sans trembler mais ses gestes sont secs. Elle s'assoit sur un des fauteuils et croise les jambes.
« Pourquoi est-ce que tu me parles de ça ? En quoi ça t'intéresse de savoir si je le connais ? »
J'hésite un instant à lui dire la vérité, que j'ai fouiné pour en savoir plus sur les Aurors et que je suis tombé là-dessus. Le sujet a l'air assez délicat à aborder avec elle. Je me mords nerveusement la lèvre inférieure avant de répondre :
« J'étais à trier des dossiers pendant ma retenue avec le Professeur McGonagall quand je suis tombée sur des feuilles qui parlaient de lui. Il n'y avait pas de détail mais il y avait une petite note qui le reliait à l'affaire de Zabini l'an dernier. Alors je me demandais si tu n'en savais pas plus, comme il était à Poudlard presque en même temps que toi. »
Elle sirote son thé sans dire un mot. Je ne sais pas ce qu'elle en pense. Elle a l'air un peu froide. J'aurais peut-être dû trouver un autre angle pour aborder le sujet. C'est trop tard pour tout refaire de toute façon. Elle repose sa tasse en silence et hausse les épaules.
« Luke Fulmer était un idiot de première. Il a été renvoyé de Poudlard quand il était en dernière année. C'est à peu près tout ce que je sais. »
Je plisse les yeux en faisant une petite moue. Je suis sûre qu'elle en sait plus que ça. Son nom aussi était dans le rapport. Mais je hoche doucement la tête avant de tenter :
« Et tu n'as pas une idée de pourquoi il a été renvoyé ? Ce genre de chose se sait généralement.
– Pourquoi tu veux absolument savoir ça, Molly ? »
Elle fronce les sourcils et son regard s'assombrit. Et pourquoi ne veut-elle pas me répondre ? Si ce n'était pas important, elle m'en parlerait sans problème. Victoire adore parler des rumeurs, colporter des ragots, raconter les histoires. Pourquoi se bloque-t-elle sur ce sujet ? Ça ne fait que piquer davantage ma curiosité. Elle insiste après avoir finit sa tasse :
« Je ne vois pas pourquoi tu t'intéresses à ça. L'histoire avec Zabini est finie depuis longtemps, non ?
– Je ne sais pas vraiment. C'est peut-être idiot mais si Zabini avait un contact avec ce Fulmer, il pourrait avoir encore des contacts avec quelqu'un dans le château. Ce n'est qu'une supposition bien sûr mais je ne voudrais pas que des élèves soient en danger. »
Victoire frémit à cette idée. Elle soupire.
« C'était quelqu'un de violent et qui faisait des trucs louches. Il n'avait rien à faire ici.
– Et tu sais ce qu'il a fait en sortant de Poudlard ? Ou ce qu'il fait maintenant ?
– Aucune idée. Ce n'est pas le genre de personne avec qui j'ai gardé contact. »
Je hoche la tête, compréhensive. Elle se lève et pose sa tasse dans le petit évier.
« Tu avais d'autres questions ? J'ai un cours à préparer pour demain. »
Elle me vire. Je secoue la tête et finis ma tasse de thé. Je n'ai même pas eu le temps de manger un biscuit, ni d'en apprendre vraiment plus. Tout ce que je sais, c'est que Victoire a visiblement peur de Fulmer. Ça la met mal à l'aise. Elle me cache une partie de l'histoire, sans aucune doute. Mais au moins, ça veut dire que j'avais raison de m'y intéresser. Il y a bien quelque chose à déterrer.
« Non, je te laisse tranquille. Merci pour le thé. »
Elle m'adresse un sourire un peu faux et je sors de son bureau rapidement. Ce n'est pas souvent que Victoire se ferme comme ça. Comment faire maintenant pour en savoir plus ? Je pourrais peut-être essayer de retourner à la Réserve. Avec un peu de chance, la bibliothécaire n'aura pas été mise au courant que ma retenue est annulée. Mais je dois rester prudente. Si les Aurors veulent aussi trouver un moyen d'accéder à la Réserve, ils pourraient bien remarquer ma présence. Minerva m'a bien dit de rester prudente.
Perdue dans mes pensées, je ne remarque qu'au dernier moment le Poufsouffle qui me bloque le passage, au détour d'un couloir.
« Dorian, salut ! Tout va bien ? »
Le préfet de Poufsouffle semble étrangement effrayé par quelque chose. Il regarde tout autour de lui, hagard. Mais qu'est-ce qu'il se passe à Poudlard, Merlin ? Inquiète, je jette un coup d'œil autour de nous, il n'y a personne d'autre.
« Smith, il y a un problème ?
– Il faut que je te parle mais pas ici, chuchote-t-il, toujours agité.
– D'accord, calme-toi. On va trouver un endroit tranquille. »
Il n'a pas l'air d'être dans son état normal. Je frissonne en voyant ses yeux rouler presque dans tous les sens pour surveiller les alentours. Je pose une main délicatement sur son épaule pour le guider vers une salle qui ressemble plus à un placard à balais qu'à autre chose. Là, dans l'ombre de la petite pièce poussiéreuse, le préfet de Poufsouffle semble trembler de peur. Dorian Smith est pourtant un garçon prudent, raisonnable, qui a rarement des problèmes. Sa respiration est rapide.
« Qu'est-ce qu'il se passe, Dorian ? Tu m'inquiètes. Est-ce que je peux faire quelque chose ? »
Il me regarde fixement et se rapproche de moi en vacillant quelque peu. Je pose une main discrètement sur ma baguette. Je n'ai pas envie de tomber dans un piège ou de me rendre compte trop tard que Smith est devenu vraiment fou pendant un moment. Il murmure des choses que je n'arrive pas à comprendre avant de m'annoncer d'une voix étranglée :
« Ils le savent, Molly ! Ils savent que tu vois Wilkes ... Il ne faut pas, ajoute-t-il d'une voix basse. Tu ne peux rien leur cacher, ils découvrent tout un jour ou l'autre... Wilkes est en danger parce qu'il a fait de mauvaises choses. Il ne faut pas qu'il t'emmène dans son chemin ! Molly, reste loin de lui ! »
Je suis comme pétrifiée. Mais de quoi il me parle ? De qui ? Qui sait ça ? Je pense tout de suite aux Salvateurs mais c'est Dorian Smith, il n'est pas censé être au courant. Mon cœur s'accélère comme si je tombais de la Tour d'Astronomie. Il est presque en sueur et son corps est parcouru de tremblements. Il n'est pas dans son état normal.
« Dorian, soufflé-je avec fébrilité, qu'est-ce que tu racontes ? Est-ce que quelqu'un t'a demandé de me dire ça ?
– Molly, il ne faut pas que tu retournes le voir ! Tu m'écoutes ? Sinon, il va arriver de mauvaises choses ... De très mauvaises choses ... Ils le savent, tu sais. Ils savent tout et ils n'aiment pas ça. »
Sidérée, je le vois s'approcher encore un peu de moi. Il ne ressemble plus tellement à Dorian. Comment est-ce que ça pourrait être vraiment lui ? Je dégaine ma baguette en reculant mais les balais et autres seaux se bousculent derrière moi.
« Dorian ? tenté-je d'une voix mal assurée. De qui tu parles ? Qui sait tout ? Explique-moi ...
– Tu le sais très bien, Molly. Tu avais déjà été prévenue, poursuit-il d'une voix distante. N'oublie pas, cette fois... »
Ses paroles me glacent. J'ai l'impression d'entendre à nouveau Scott Reeve me menacer. Je me sens terriblement mal. Je ne comprends plus rien. Les yeux de Dorian Smith s'accrochent aux miens. Il n'a rien du gentil garçon toujours prêt à rendre service et aider ses amis. Qui lui a fait ça ? Il a un regard vide, sombre, qui n'annonce rien de bon. Mais alors que je pensais qu'il allait proférer des menaces encore et encore, il se recule de quelques pas et il disparaît, sortant de la petite salle. Je reste bouche-bée dans le placard entre les balais. Mes mains tremblent, des larmes coulent sur mes joues. Je ne contrôle plus rien, ni mon corps, ni les événements. Mais ai-je déjà véritablement contrôlé quelque chose ?
Je sors de ce placard poussiéreux après de longues minutes à reprendre mes esprits, à chercher un sens à tout ça. Je ne peux pas croire que Dorian soit impliqué dans cette affaire. Est-ce que j'ai pu me faire tromper pendant si longtemps ? Est-ce qu'il aurait pu mentir à ce point ? Protéger Scott, puis me faire penser qu'il s'en méfiait pour me manipuler ? J'en ai des sueurs froides. J'ai l'impression que tout s'effondre. Je m'arrête au beau milieu d'un couloir pour m'adosser au mur et essayer de respirer correctement.
Pourquoi menacent-ils encore Léon ? Il n'a pas assez souffert comme ça ? Qu'est-ce qu'il a bien pu faire ? Merlin, qu'est-ce qu'il se passe ?
Je suis tellement impuissante. Je n'en peux plus. Je veux tout arrêter.
« Molly, ça va ? Tu as pleuré ? »
Une voix me sort de ma torpeur. C'est Fred. Je me jette dans les bras de mon cousin, sans un mot, encore terrifiée. Il n'hésite pas et me serre doucement contre lui, une main passant dans mon dos.
« Respire, Molly, chuchote-t-il. Respire, ça va aller. Est-ce que tu veux en parler ?
– C'est Dorian, bafouillé-je en laissant mes larmes imbiber sa cape. Il ... Je sais pas ce qu'il s'est passé... J'ai juste besoin de ...
– Dorian Smith ? s'étonne Fred en me redressant un peu pour mieux me regarder. Quand ça ?
– Juste là, je sais pas ... Il disait des choses bizarres et ...
– Mais, Molly, il était juste à côté de moi à la bibliothèque. Tu es sûre de toi ? »
Mes yeux s'écarquillent avec effroi. Je me recroqueville à nouveau dans les bras de Fred. Si ce n'était pas Dorian, alors qui vient de me menacer ?
***
Encore un chapitre un peu éprouvant pour Molly, me direz-vous ... Je suis bien cruelle. Mais j'espère qu'il vous aura tout de même plu ! On n'est pas au bout de nos peines, je le crains ...
Tenez-vous prêts, on arrive vers la fin de la première grande partie (bon, on a encore du temps hein, mais je suis déjà contente d'avoir fixé et ficelé le plan complet ^^)
N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez et si ça vous intéresse aussi, j'ai mis la liste complète des personnages dans les Suppléments (ça peut servir si vous êtes perdus dans les noms !)
A bientôt !
PS : J'ai aussi sorti le début d'une fanfiction étonnante qui s'appelle Bavbouleur un jour en collaboration avec ma soeur. N'hésitez pas à y jeter un coup d'oeil, c'est rigolo et ça me ferait très plaisir !