« Molly ? fait la petite voix de Rose à côté de moi sur le canapé. Tu m'avais dit que tu me tiendrais informée sur les avancées de tes recherches sur l'agression de Kiran. Non seulement tu ne m'as pas tenue au courant mais, en plus, il semblerait que ce n'est pas la seule à avoir été agressée ! »
Je regarde ma cousine en fronçant les sourcils. Je suis fatiguée. Je n'ai pas la force de me battre contre elle.
« Toutes les pistes que j'avais n'ont mené à rien. Je ne t'ai pas tenue au courant car je n'avais strictement rien.
– Et alors quoi ? Tu restes les bras croisés en attendant que ça vienne ? Molly, je t'ai connue plus ...
– Qu'est-ce que tu veux, Rosie ? soupiré-je. Je n'ai absolument rien trouvé sur Kiran, rien qui n'ait pu empêcher l'agression d'Emeline et de Léon.
– Ce n'est peut-être pas le même agresseur. En soi, rien ne les relie vraiment, hormis le lieu, Poudlard. Peut-être que l'on essaye de nous embrouiller avec plusieurs ...
– Rose, la coupé-je. Je ne sais pas. Je ne sais pas ce qu'il se passe, d'accord ? »
Elle me regarde fixement, sans cligner, l'air contrariée.
« Tu ne sais pas parce que tu n'as pas assez bien cherché ! Avec Jasmine et Kiran, on a interrogé déjà presque la moitié des élèves pour leur demander un alibi. »
Je soupire à nouveau en regardant l'épais parchemin qu'elle tient dans la main précieusement. Elle est déterminée.
« On sait qu'Alistair McFarlan, un Serdaigle de septième année, ne se souvient pas de ce qu'il faisait et aussi un Serpentard, Ethan Vane dit qu'il était certainement à se balader seul dans les couloirs pour rejoindre ses amis à la Bibliothèque mais ça ne colle pas du tout car aucun de ses amis n'était à la Bibliothèque. Alors, qu'est-ce que t'en penses ?
– Je pense que ça ne prouve rien. Qui se souvient de ce qu'il faisait exactement à cette heure-là, il y a deux semaines ? Rose, peut-être qu'Ethan Vane est suspect, en effet, mais peut-être qu'il confond avec le jour d'avant. Ce ne sont pas des preuves matérielles.
– Mais c'est bizarre, quand même, insiste ma cousine en fronçant les sourcils.
– Je sais.
– Et qui sait, peut-être qu'il avait une idylle secrète et passionnelle avec Emeline Lovener et qu'il était jaloux de sa relation avec Léon Wilkes, ce serait pour ça qu'il a agressé les deux. D'abord Emeline parce qu'elle lui a dit qu'elle aimait Léon, puis Léon pour se venger, parce qu'il lui a volé l'amour de sa vie. »
Je secoue la tête en me redressant sur le canapé. Ma cousine a tellement envie d'y croire. J'ai presque de la peine pour elle.
« Et pourquoi aurait-il agressé Kiran ? A moins qu'elle soit impliquée elle aussi dans cette histoire d'idylle improbable peut-être ? Rose, je te promets que j'ai essayé.
– Peut-être que Kiran était sur le chemin, elle aurait pu voir quelque chose de suspect et ...
– Non, Rose. »
Je me lève du canapé de la salle commune en secouant la tête. Non, il n'y a rien à faire. Il n'y a pas d'explication autre que les Salvateurs voulant m'éloigner de Scott, essayant de détourner l'attention sur autre chose. Ce n'est pas rationnel, ce n'était certainement pas contre elle mais bien le hasard. Elle était là au mauvais endroit au mauvais moment. Je frissonne, consciente que ce n'est pas satisfaisant pour Rose, comme pour moi. Mais j'ai autre chose à penser aujourd'hui.
Il faut que je retourne voir Léon. Il doit me donner les informations qu'il avait l'intention de me livrer après le match. Ces informations qui lui ont peut-être déjà coûté si cher. Ça ne peut pas être en vain. Il voulait parler de « F », ça devait me faire avancer dans mes recherches, me faire comprendre quel est le lien entre un des Aurors, les trafics de Zabini et Victoire. Tout se tourne et se retourne dans ma tête. Je n'arrive pas à trouver de sens à tout ça.
Rose me fait la tête. L'ambiance de la Tour de Gryffondor est morne et même James Potter a rangé ses lunettes de soleil et sa douce voix. Il gît sur le tapis en se faisant lécher les doigts par le chat d'Hugo. Je soupire avant de me lever pour tenter une excursion vers l'Infirmerie.
Je traverse le château en direction de là où dorment mes réponses. J'évite à tout prix de passer près d'un couloir où j'entends les armures qui le décorent se faire maltraiter par Peeves. Je souris poliment au Moine Gras qui erre en regardant avec attention les tableaux de banquets. Et je vois finalement au bout du couloir, devant la porte de l'Infirmerie, un des Aurors qui semble garder la porte. Merlin. Je sens que ça ne va pas être des informations faciles à avoir après tout. Je m'approche tout de même de lui. Je ne vois pas pourquoi on m'empêcherait d'aller voir un camarade de classe blessé. Je tente de passer la porte sans un regard pour l'Auror à l'allure trapue et au regard toujours aussi effrayant.
« Bonjour, lâché-je sans le regarder.
– Miss Weasley... »
Sa voix glaciale me fait rater un battement. Je déglutis en tournant la tête vers l'homme blond. Il a une cape noire sur les épaules et soudain, c'est comme si la foudre me tombait dessus.
Je le reconnais. Son intonation, sa carrure, son regard, tout semble remonter à la surface. Je sens la sueur perler sur tout mon corps et la peur me lacérer. Je l'ai déjà rencontré, une fois, dans cette grotte où Scott m'avait emmenée. Là où tout avait commencé, où on avait failli se faire prendre, peut-être pire. Il n'y a plus de doute possible. Les souvenirs de cette soirée se sont un peu estompés, comme pour en cacher la gravité mais je peux le revoir dans l'obscurité, menaçant Scott, me cherchant avec un sourire sans pitié.
Les Aurors sont des Salvateurs, les Salvateurs sont parmi les Aurors. Ils sont dangereux et ils sont à Poudlard. Ça me glace le sang.
« Miss Weasley, il y a déjà beaucoup de monde à l'intérieur, je vais devoir vous demander d'attendre un petit peu pour les visites. À moins que ce ne soit pour vous ? »
Je secoue la tête et recule de quelques pas. Je n'ai pas envie de me retrouver à sa portée. Il me regarde avec un léger sourire. Bien sûr, il sait lui aussi. Je croise les bras pour dissimuler les frissons qui me parcourent. Je reste adossée au mur le temps que d'autres gens sortent. C'est n'importe quoi. Depuis quand il y a une limite d'entrée à l'Infirmerie ? Comme si ça pouvait protéger qui que ce soit.
Au bout de longues minutes à éviter le regard de l'Auror, la porte s'ouvre sur la Capitaine de l'équipe de Serpentard. Elle me salue d'un léger signe de tête et s'en va rapidement. J'en profite pour me glisser à l'intérieur et je l'aperçois sur son lit, amoché et endormi. Madame Ewer change l'eau sur sa table de chevet. Côme Selwyn et Garance Froste m'observent, chacun d'un côté du lit. Je souris mais ça ne cache pas mon embarras. Comment ai-je pu penser qu'il pourrait être seul ? Je m'approche doucement d'eux, n'osant rien dire. J'ai un peu envie de repartir, il n'a pas l'air en très bon état et je ne pourrais pas lui parler maintenant des Salvateurs.
« Tu veux t'asseoir ? demande Garance en me regardant avec malice.
– Non, je ... Je ne vais pas rester. Je voulais juste voir comment il allait.
– L'Infirmière nous a dit qu'il ne devrait plus trop souffrir mais il est un peu assommé. Il ne se réveille pas souvent, précise Côme. Si tu restes un peu, tu auras peut-être la chance de le voir ouvrir les yeux. »
Je secoue la tête en haussant les épaules. Garance a un sourire amusé. Je ne m'approche pas du tabouret qu'elle me propose.
« Je ne vais pas plus vous déranger. Il faut le laisser se reposer.
– Il serait content de te voir, je pense, dit-elle en échangeant un regard avec Côme.
– J'ai pas mal de travail à finir, me justifié-je en reculant d'un pas.
– Comme tu veux. »
Garance soupire et me regarde reculer jusqu'à la porte. Je sors rapidement pour éviter le regard effrayant de l'Auror. Mais je jurerais qu'il sourit à pleines dents. Ça me donne des sueurs froides.
« Attends, Molly ! »
C'est Garance qui me court après. Je fronce les sourcils.
« Qu'est-ce qu'il y a, Froste ? Tu vas encore me faire la morale ?
– Pourquoi te ferais-je la morale ? Tu as quelque chose à te reprocher ? »
Je soupire en secouant la tête. On marche jusqu'à la petite cour de l'Horloge où Garance s'arrête pour me regarder fixement. Elle me demande d'un ton las :
« Pourquoi tu fais ça ?
– Qu'est-ce que je fais ?
– Tu fais semblant de ne pas l'aimer. Tu as le droit pourtant. Il est célibataire. De toute évidence, il t'apprécie. Et pourtant, rien ne se passe.
– Il est inconscient, Garance, je ne sais pas si tu as remarqué. »
Elle lève les yeux au ciel.
« Et tu ne t'es pas dit qu'il préférerait te voir toi plutôt que l'autre folle à son réveil ?
– Je ne vais pas passer mon temps à son chevet non plus, commencé-je avant de m'interrompre. Quoi ?
– Tu es insupportable, tranche-t-elle. Franchement, je sais que tu es une fille bien, Weasley, mais ouvre les yeux, s'il te plaît. Parce que là, on dirait juste que tu as peur de voir la vérité en face.
– Je ne t'ai pas demandé ton avis, rétorqué-je en plissant les yeux. Ne te sens pas obligée de t'en mêler.
– Si je ne le fais pas, qui le fera ? Molly, admets-le. Tu l'aimes bien et il t'aime bien mais vous êtes comme deux nigauds à faire comme si de rien n'était.
– Je te répète qu'il est à l'Infirmerie, dans un piètre état et que je ne peux strictement rien faire. Je verrai quand il pourra tenir une conversation, d'accord ? »
Elle n'a pas l'air d'y croire. Je ne sais même pas si j'y crois moi même. Est-ce que j'ai vraiment envie d'y croire ? Est-ce que je peux prendre le risque ? Emeline m'a bien fait comprendre que c'était de ma faute, qu'elle avait essayé de me prévenir et que ça n'avait servi à rien. Je peux prendre le risque si c'est moi qui suis menacée mais pas si c'est quelqu'un d'autre, pas si c'est lui. Ma conscience ne tiendrait pas. Garance, toujours aussi déçue et fatiguée de nos histoires, soupire et dit :
« Tu as intérêt à ne pas le laisser tomber, Weasley. »
Je hausse les épaules avec un peu de retenue et elle me laisse tranquille, repartant en direction de l'Infirmerie. Me voilà bien avancée. Je ne sais toujours pas ce qu'il voulait me dire et il est gardé par un homme qui ne voudra certainement pas que je le sache.
Il faut que j'aille à ma retenue avec Minerva, c'est l'heure. J'étais presque pressée d'y retourner pour me replonger dans les dossiers. Mais elle m'attend devant la porte.
« Bonjour, Miss Weasley. Si cela ne vous dérange, j'aimerais que vous emmeniez les dossiers déjà triés à la Réserve. Je préfère les savoir là-bas. Pouvez-vous vous en occuper ? Je vous donne un mot à l'adresse de la Bibliothécaire.
– Bien sûr. »
Elle me fait monter dans son bureau et je me saisis des cartons où se trouvent les dossiers les plus anciens. Je ne peux en prendre qu'un à la fois, ils sont trop lourds. Je traverse le château en direction de la Bibliothèque, faisant très attention à ne rien faire tomber. Je n'ai pas fait tout ça pour devoir les trier à nouveau. Heureusement, je ne croise pas Peeves. J'atteins la Bibliothèque et pose quelques instants mon chargement pour me détendre les bras.
« Alors, ça bosse dur ? »
Je soupire en me retournant vers la voix de Lysander que je reconnais.
« Arrête de rire, Scamander. Je sens que ça t'amuse de traîner dans mes pattes alors que j'essaye de me rendre utile et ça m'épuise déjà.
– Tu te rends utile ? C'est donc pour te rendre utile que tu t'es battue avec Lovener, tout s'explique...
– Tu veux pas juste cesser de parler ? »
Il me regarde en souriant et secoue la tête.
« Besoin d'aide ?
– Pas vraiment. Je faisais juste une pause, tu vois, je suis largement capable de porter un carton jusqu'à la réserve.
– Pardon, je ne voulais pas t'offenser, Mollynette. »
Je le dévisage un instant avant de secouer la tête. Il a l'air un rien déçu de mon énervement. C'est vrai, il est juste gentil à vouloir m'aider mais entre le visage de l'Auror qui me hante, ce que m'a dit Garance et tout le reste qui tourne dans ma tête, j'ai du mal à contrôler mes nerfs.
« Désolée, je ne suis juste pas d'humeur ...
– Oui, ça se voit, Weasley, ne t'inquiète pas. Je te laisse tranquille. »
Il s'en va en calant ses poings au fond de ses poches, visiblement un peu vexé. Je me mords la lèvre. Il me pardonnera. Je récupère mon carton et le soulève pour l'emmener jusqu'à la Bibliothécaire. Elle me laisse aller à la réserve et me montre du doigt une petite pièce pour les Archives. J'y entre et entreprend de sortir les dossiers du carton pour les mettre dans les casiers qui s'ouvrent quand j'en approche ma main. C'est alors que je remarque des dossiers un poil plus anciens. J'hésite un peu après avoir déposé tous mes papiers à terre. Je vois les dates. Les années 70. Je frémis. Je suis seule. Qui pourrait me reprocher de rouvrir quelques vieux dossiers ? Sans un bruit, je m'approche du casier et je passe mon doigt sur les dates poussiéreuses. 1971, l'année de naissance de ma mère. En retenant ma respiration, je cherche du regard son nom, Audrey Mead.
Les mains tremblantes, j'ouvre le dossier et je découvre son visage joyeux à onze ans. Elle me regarde en m'adressant un large sourire. Ça me fait un coup au cœur. J'ai tellement entendu parler de son sourire. Papa dit souvent que c'est le plus beau sourire du monde. Je passe mon doigt sur la petite photo et doucement, je la décolle du dossier. Ce n'est pas très bien de faire ça mais je ne peux pas m'empêcher de la garder le plus près possible de moi. Je me laisse tomber au sol pour m'asseoir au milieu des cartons et des archives et parcourir des yeux son dossier.
Tout y est élogieux. Audrey est une élève patiente et travailleuse. Elle cherche toujours à approfondir ses connaissances ce qui ne peut que lui être profitable. Même Madame Pince avait l'air d'apprécier son investissement dans le Club de lecture de la bibliothèque. McGonagall appuie sur le fait qu'elle est un élément précieux de la Maison Gryffondor. Je ne peux m'empêcher de sourire en voyant tous ces compliments. Ses notes étaient excellentes. Elle semblait heureuse, épanouie. Elle avait été quelques fois en retenue pour bavardage intempestif avec son camarade Laurel Rosebury par Rogue et une autre fois pour sortie nocturne illégale avec William Weasley, Robert Parker et Bella Farley. Je les imagine se faufiler la nuit dans les couloirs, explorer le château en catimini, essayer de ne pas rire trop fort et se faire surprendre par Rusard. Dans toutes ces images que je me crée, elle a toujours son large sourire et ses cheveux bruns au vent. Elle est si belle, innocente. Rien ne la destinait à disparaître de la surface de la terre.
Plus loin, son dossier précise qu'elle avait pour projet de poursuivre des recherches en Histoire de la Magie après ses Aspics et de faire une thèse pour étudier l'évolution de la littérature sorcière britannique à travers les âges. Je n'en avais aucune idée. Elle était brillante, débordait de vie et d'envies. C'est tellement injuste.
Mes larmes s'écrasent sur son dossier. J'aurais tellement aimé être là avec elle, qu'elle me raconte les détails sa jeunesse au lieu de les découvrir dans un dossier poussiéreux. Elle m'aurait adressé un sourire réconfortant et aurait posé ses lèvres mon front, comme quand elle m'embrassait en me mettant au lit, petite. Je serre contre moi sa petite photo, fermant les yeux pour essayer d'endiguer le flot de mes larmes.
Tout repasse dans ma tête, ses milliers de sourires se mélangent aux événements des derniers jours, aux yeux glaçants de ses ravisseurs. Je tremble comme une feuille en automne quand je referme à contre cœur le dossier. Sur sa vieille photo, elle continue à sourire. Je ferais tout pour le revoir un jour pour de vrai.
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Je sais, ce ne fut pas un retour très rapide. D'ailleurs, je publie ce chapitre sans savoir quand je parviendrais à finir le prochain. Je m'y remets doucement. Mais ce début d'année scolaire n'a pas été simple, j'ai beaucoup travaillé, j'ai eu mes partiels, j'ai écrit un peu d'autres choses ...
Enfin voilà, c'est la vie vous savez.
Si vous ne vous souvenez plus des événements précédents (parce que ça date mine de rien), je vous invite à voir les Suppléments, il y a un résumé des mois de Septembre et Octobre ^^
D'ailleurs, je me demandais si ça pourrait vous intéresser ou vous être utile d'avoir une liste plus ou moins complète des personnages (en tout cas, ceux qui sont cités pour le moment). Dites-moi ce que vous en pensez !
J'espère malgré tout que vous avez apprécié revoir Molly (même si c'est pas le chapitre le plus marrant haha). N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, comme d'habitude.
Je vous embrasse à distance, à bientôt ^^