Fugace

Por elonaballon

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« Dans chaque cœur résonne l'amour de la liberté. » Aislinn, membre d'un comité culturel, est prise en otage... Más

Fugace
Avant-goût
Chapitre un
Chapitre deux
Chapitre trois
Chapitre quatre
Suspension
Chapitre cinq
Chapitre six
Chapitre sept
Chapitre huit
Chapitre neuf
Chapitre dix
Chapitre onze
Chapitre douze
Chapitre treize
Chapitre quatorze
Chapitre quinze
Chapitre seize
Chapitre dix-sept
Chapitre dix-huit
Chapitre dix-neuf
Chapitre vingt
Chapitre vingt-et-un
Chapitre vingt-deux
Trêve du cadran
Chapitre vingt-trois
Chapitre vingt-quatre
Chapitre vingt-six
Chapitre vingt-sept
Chapitre vingt-huit
Chapitre vingt-neuf
Bulle
Aparté
Chapitre trente
Chapitre trente-et-un
Épilogue
Un mot pour la fin ?

Chapitre vingt-cinq

167 32 112
Por elonaballon

Aislinn

Angleterre, lendemain de la libération – 11 mars 2018

— Cours !

Les cordes de mon baudrier traînaient sur le sol, freinant ma course. Sourcils froncés, je restai incertaine face au manoir qui me surplombait de toute sa hauteur. N'étions-nous pas retenus ailleurs ?

Souviens-toi.

Hosana et moi fuyions le ravisseur à nos trousses. Une otage s'était sacrifiée afin de le retenir dans la tour. Il réussirait à nous capturer de nouveau, mon sixième sens le clamait.

Nous contournâmes les ruines qui bordaient l'édifice, le cœur et un cri de terreur retenu au bord des lèvres. Hosana agrippa brutalement mon bras. Elle me tira sous un véhicule parmi ceux garés en contre-bas. J'étais pourtant certaine de n'avoir pas remarqué la moindre circulation dans le coin...

Souviens-toi.

Je me hissai au-dessous du compartiment, les mains jointes contre ma poitrine. Je tentai de vaincre le sentiment d'oppression qui grimpait en moi.

Un homme dont je ne distinguai que les jambes traversa l'arrière-cour. Je manquai de hurler à cette vue. Quand il s'immobilisa à nos pieds, je cessai de respirer. Vassilis ?

L'homme disposa quelque chose sur le capot de la voiture. Il se sépara de sa veste, puis approcha du perron de la forteresse. Au bout de plusieurs minutes, il rebroussa chemin en sifflotant un air déstabilisant. Je regardai Hosana sans bouger. Elle semblait tout aussi craintive que moi.

Dès que ses chaussures cirées disparurent de ma ligne de mire, j'expirai profondément. J'entendis une sorte de compte à rebours, alors je compris. D'un coup de pied, je nous dégageai de notre planque. Je trainai Hosana le plus loin possible dans une hâte difficilement contrôlable.

— Putain, mais qu'est-ce que tu fais ? s'écria la jeune femme.

Je n'eus pas l'occasion de lui répondre qu'un groupe d'officiers nous encercla de leurs boucliers. Une onde de choc nous propulsa tous dans l'air. La gravité reprit ses droits et je palliai la douleur de la chute, genoux en avant.

Je recouvris mes esprits. Sous mes yeux ébahis, le lieu à l'atmosphère fantomatique dans lequel nous avions été séquestrés des jours durant, se voyait ravagé par un incendie de taille. Aux ruines s'accumulaient les cendres. Cette vision me donna des sueurs froides.

Glacée jusqu'au sang, je perçus ses hurlements d'agonie.

Ceux de Vittoria Cadbury.

— Non ! m'époumonai-je.

Je me redressai dans la pénombre, le front suant. Les larmes inondaient mes joues. Le sang afflua au niveau de mon visage et je m'évanouis.

*

J'émergeai avec difficulté, me remémorant le cauchemar qui avait fait de ma nuit dernière un véritable enfer. Le médecin de garde, une femme d'une cinquantaine d'années, se tenait penché au-dessus de mon corps affaibli.

— Tu te rappelles de moi, Aislinn ?

Je restai muette comme une tombe, essuyant d'un revers de main la sueur qui perlait sur mon front. Je grattai les creux de mes coudes d'angoisse, sentant une plaie s'ouvrir sous mes doigts. Le cœur battant, je glissai ma main sur mon crâne tandis qu'une poignée de cheveux s'en détacha. Mes prunelles se brouillèrent d'un voile. Alors, je me souvins.

— Tu es hospitalisée depuis hier soir.

Sa voix tranquille me soulagea d'un poids. Je n'étais pas seule, je ne le serai plus jamais. Plus jamais Vassilis ne poserait un doigt sur moi. Plus jamais il ne parierait ma vie à la roulette russe ou n'attenterait à la vie de qui que ce soit.

Je fixai mon bandage. Les filaments s'entrelaçaient autour de ma cuisse, tâchés de gouttes vermeilles de plus en plus visibles. La femme alluma la lampe de chevet et glissa ses doigts sur mes pommettes pour sécher mes larmes. Elle me fit penser à Edwige.

— C'est fini. Je te le promets, tout est fini. On prend soin de toi. Tu vas t'en sortir.

Cette dernière phrase m'acheva. Un nœud serrait ma gorge, je peinai à déglutir. Mes yeux se gorgèrent de larmes.

— Ta grand-mère va remonter d'une minute à l'autre. Elle est allée se chercher un café au distributeur.

La nuit a été longue, pour elle aussi.

Je jetai un coup d'œil à travers le store à moitié clos. L'aube se levait sur Cambridge, diffusant quelques minimes rayons de soleil dans la pièce. Mon départ pour le centre de psychiatrie semblait imminent.

— Vittoria est morte, susurrai-je.

Mes pleurs redoublèrent d'intensité. Mon corps fut parcouru de spasmes et la docteure resserra l'édredon autour de mes épaules. Elle me borda avec délicatesse, de la même manière que ma mère le faisait lorsque j'étais enfant. Elle me demanda si je voulais qu'on m'administre un calmant. J'étais certaine que cela ne parviendrait pas à annihiler la peine qui, en ce moment-même, broyait mon cœur.

— Pourquoi ? Pourquoi pas moi ?

J'étais une rescapée, j'avais la chance de vivre encore. Pourtant, je ne pouvais pas m'empêcher de trouver cette situation injuste. Vittoria n'avait rien demandé. Elle était une jeune femme joviale, dynamique et n'avait eu de cesse de me témoigner son soutien...

Je ne la connaissais que depuis quelques semaines, mais j'avais trouvé en elle une amie, une véritable amie qui m'avait épaulée dans les moments les plus difficiles. Une amie qui avait accepté de mettre ses tourments de côté pour panser mes plaies et me redonner goût à la vie malgré les conditions dans lesquelles nous restions captives.

Vittoria était la douceur en personne, à la singularité brute et l'inévitable franc-parler. Un ange tombé du ciel qu'il fallait chérir, tel un bijou doté d'une valeur sentimentale. De nature soucieuse et généreuse, elle agissait sans rien attendre en retour, contrairement à ceux qui cherchaient à bien se faire voir d'autrui.

— Dans mon rêve, Vittoria était torturée, brûlée à vif et nous prenions tous nos jambes à notre cou... C'est ce que nous avons fait. C'est ce que nous avons fait, putain !

Un nouveau sanglot m'étrangla. Comment avions-nous pu nous montrer aussi égoïstes ? Pour quelle raison avais-je privilégié ma vie à la sienne ? Pourquoi ne m'étais-je pas battue pour elle ?

— Rien n'est de ta faute, Aislinn.

— Vous ne comprenez pas, personne ne peut comprendre !

— Tu n'aurais rien pu faire de plus...

— Elle a succombé sous ses mains. Ses mains à lui, crachai-je avec mépris, une expression de dégoût peinte sur le visage. Poignardée ! Comment est-ce qu'on peut faire autant de mal à quelqu'un ?

Je serrai furieusement les dents. De l'autre côté du mur, j'entendis une mélodie emplir la pièce – un air de piano qui contrastait avec mon tumulte intérieur.

— Comment est-ce que ça pourrait me laisser indifférente ? Comment pourrais-je croire, après tout ce qu'il s'est passé, qu'il y a encore de l'espoir ?

Je me souvins de l'époque où je n'étais qu'une gamine innocente et rêveuse, investie dans ses projets. J'étais spirituellement libre, encline à tout vivre tel un aigle qui domine. Aujourd'hui, je n'étais plus qu'un oisillon aux ailes cassées. Incapable de voler.

— Je ne veux pas vivre dans un monde fait de trahisons, de mensonges et de haine, murmurai-je. Je ne veux pas voir les hommes se malmener, se déchirer, s'entretuer alors que la moitié d'entre eux a de l'amour à revendre.

Je contemplai mes mains, poursuivant ma tirade dans l'espoir que ce poids qui compressait ma poitrine s'en délie peu à peu.

— Pourquoi est-ce que les hommes ne peuvent pas se contenter de ce qu'ils ont ? Pourquoi est-ce qu'ils se font la guerre ? Pourquoi devons-nous nous battre pour notre liberté quand elle devrait être innée ?

Mes souvenirs resurgirent. Je me rappelai la peur viscérale que j'avais éprouvée en fuyant. J'avais craint pour ma propre vie. J'avais eu raison de le faire, car Vassilis avait touché le sommet de sa démence.

— Pourquoi est-ce que je devrais me montrer compréhensive envers un homme qui a ôté la vie et à qui l'on accorde tout de même des circonstances atténuantes ? soufflai-je sans filtre ni tact. Parce que cet homme a été brisé, qu'il a manqué d'amour, de considération, on devrait accepter qu'il refoule ses traumatismes d'enfance sur des innocents ?

— Personne ne te demande de lui pardonner, trésor.

Mes épaules pivotèrent vers la source de ce son. Je savais à qui appartenait cette voix cristalline.

Edwige.

Si d'ordinaire mes yeux pétillaient en la retrouvant, là, mon regard, sans même le voir, brûlait de colère et de tristesse.

— Je suis désolée, c'est plus que ce que je ne peux supporter...

Cette fois-ci, je m'effondrai. Ma grand-mère me soutint. Mon regard s'embruma et de violents soubresauts me heurtèrent. Elle encercla mes joues de ses mains et murmura, plus pour elle-même que pour moi :

— La liberté ne devrait pas avoir de prix...

Ces mots résonnèrent en moi avec une ferveur insoutenable.

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