Fugace

By elonaballon

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« Dans chaque cœur résonne l'amour de la liberté. » Aislinn, membre d'un comité culturel, est prise en otage... More

Fugace
Avant-goût
Chapitre un
Chapitre deux
Chapitre trois
Chapitre quatre
Suspension
Chapitre cinq
Chapitre six
Chapitre sept
Chapitre huit
Chapitre neuf
Chapitre dix
Chapitre onze
Chapitre douze
Chapitre treize
Chapitre quatorze
Chapitre quinze
Chapitre seize
Chapitre dix-sept
Chapitre dix-huit
Chapitre dix-neuf
Chapitre vingt
Chapitre vingt-et-un
Trêve du cadran
Chapitre vingt-trois
Chapitre vingt-quatre
Chapitre vingt-cinq
Chapitre vingt-six
Chapitre vingt-sept
Chapitre vingt-huit
Chapitre vingt-neuf
Bulle
Aparté
Chapitre trente
Chapitre trente-et-un
Épilogue
Un mot pour la fin ?

Chapitre vingt-deux

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By elonaballon

Attica

Le laps de temps avait fini par s'écouler.

J'avais compris les mécanismes psychologiques du forcené et instauré un lien de confiance – si je pouvais le qualifier ainsi – par la parole. Six otages avaient été libérés. Bien que cela eût pris du temps, l'inspectrice Tremblay et moi étions sur le point de dénouer la situation... Du moins, je l'espérais.

Maintenant, je devais précipiter les choses. Révéler un détail précis : l'existence d'un informateur.

J'amorçai le dialogue d'un air jovial :

— Bien le bonjour, Randy !

En réalité, j'étais impressionné par l'importance de notre échange. Je devais le mener avec rigueur, sans quoi le ravisseur le ferait payer aux captifs restants.

Je débutai ma tirade sans crier gare, sans même prendre de pincettes.

— Je sais de source sûre où vous retenez les membres du comité. Comme vous pouvez le constater, la voie est libre. Vous avez encore le temps de les relâcher et de vous échapper. Je suis prêt à réduire les contrôles aux aéroports.

Silence prolongé, absence de réponse. La négociation devait-elle cesser ?

— Il se pourrait même qu'un jet privé patiente sur le terminal à destination de Copenhague... murmurai-je, cette fois, sur le ton de la confidence.

Il devait croire en ma coopération.

Je pinçai mes lèvres du bout des doigts, puis d'un geste habile, redonnai belle allure à ma chevelure en bataille. Je n'eus pas droit à la répartie habituelle de Randy et l'espace d'un instant, je crus qu'il abdiquerait.

— Je ne suis pas né de la dernière pluie, Attica. J'imagine sans mal votre joie quand vous me coincerez entre deux avions.

La colère perçait dans sa voix. Mon regard arrima celui de l'inspectrice, j'y cherchai son approbation. Avais-je bien fait d'avouer à Randy qu'une taupe compromettait ses plans ? La tournure que prenait la conversation nous serait-elle favorable ?

Tremblay mit fin à mes hypothèses en activant le microphone. Ses lèvres pulpeuses s'en rapprochèrent et captivé, je la laissai prendre le relai des négociations.

— Quand bien même vous souhaiteriez prendre le train, nous vous retrouverons. Nous ne cesserons jamais de vous rechercher. Vous passerez le restant de votre existence à fuir, comme l'homme misérable et pathétique que vous êtes.

— Je ne pense pas que vous soyez en mesure de la jouer grande gueule, inspectrice. Tout le monde sait à quel point votre expertise dans le milieu rafle le sol.

Tremblay accusa le coup. Je vis une lueur de rage se fondre dans ses prunelles. Ses dents emprisonnèrent sa langue, ses poings se serrèrent sous le bureau.

— C'est toujours plus facile de dénigrer quelqu'un lorsqu'on se tient reclus derrière un ordinateur, cracha-t-elle avec dédain. Pas sûr que vous ayez autant d'audace si je me trouvais face à vous...

— Je ne demande qu'à le prouver.

— Votre planque, réclama Tremblay avec une autorité telle que tout individu normalement constitué aurait aussitôt capitulé.

— Vous voulez la jouer comme ça ? s'emporta le geôlier, des mots d'oiseaux retenus sur le bout de la langue.

— Quand comprendrez-vous que nous ne jouons pas ?

— Détrompez-vous.Tout cela n'est qu'un jeu pour moi. Les otages pourraient m'être arrachés qu'ils perdureraient sous mon joug, tels des pantins exauceurs de désirs inassouvis.

— Vous êtes un grand malade... Je vous internerai de force.

Randy ne se vexa pas. Il avait la ferme intention de stopper tout individu qui oserait lui barrer la route vers la gloire.

— Mon acte a laissé une marque indélébile dans leur mémoire et il les hantera jusqu'à la dernière seconde, jusqu'à leur dernier souffle. À l'aube de la mort, ils supplieront le Tout-puissant d'en finir le plus vite possible pour oublier... Oublier ces horreurs qu'ils auront vues, entendues et pour lesquelles ils culpabiliseront, faute d'avoir choisi la lâcheté à l'affrontement.

— Vous vous entendez parler ?! s'égosilla Tremblay, le souffle court. Évidemment que je me ferais un plaisir de vous coffrer, espèce d'enflure !

Je retins ma respiration. La sergente s'était levée, le regard démuni de compassion. Seul un mépris incontestable transgressait la grâce de ses traits. La conversation s'envenimait à vue d'œil. J'ignorais où elle nous mènerait.

— Je comprends pourquoi Aaricia a réclamé le divorce, s'emporta-t-elle finalement. Vous êtes imbu de votre personne, impassible et effronté. Je suis sûre que votre physique s'accorde avec votre force d'esprit : sec et pusillanime !

Je fronçai les sourcils, observant Clémence à la dérobée qui traduisait ce jargon trop soutenu pour moi : « sec et qui manque d'audace ».

— Vous me manquez de respect ? Vous me prenez pour votre putain de proie ? vociféra Randy.

Un silence lourd de sens plana. À cet instant, le ministre de l'Intérieur entra discrètement dans la pièce. Il semblait ne pas comprendre ce revirement de situation.

— Rien ne me fera me jeter en pâture ! À partir de maintenant, à chaque nouvelle heure qui passera, un otage subira mes atteintes.

Il interrompit brutalement la communication. Laissé coi, j'espérais de tout mon être qu'il n'ait pas le temps de toucher à qui que ce soit avant que nous nous pointions sur les lieux.

L'inspectrice tremblait de tout son long tant elle fulminait. Nous ne pûmes en discuter, comme un appel nous tira de notre transe :

— Le ravisseur détient les otages au centre pénitentiaire d'Astwick ! Il se trouvait à un quart d'heure de Cambridge depuis tout ce temps !

Je restai bouche bée. Mon regard s'illumina, Tremblay comprit l'allusion.

— Les hélicoptères ont atterri, m'informa l'enquêteur en charge des investigations. Le groupe d'intervention reste sur place, on attend vos instructions.

*

18:44

En cette fin de journée qui m'avait paru durer une éternité, nous atteignîmes le Saint Graal : un endroit tout à fait abominable, fermé de toutes parts.

Sur le trajet, j'avais perfectionné la négociation qui suivrait – la plus décisive et la plus ardue de toutes. Si j'avais été au contact direct du criminel, à présent j'allais la mener avec mon binôme.

Tremblay et moi portions une double casquette : négociation et intervention – ce qui s'avérait rare au sein de la police britannique. Ainsi nous réussissions, la plupart du temps, à mener nos missions à bien.

D'abord, nous transformâmes le lieu de la prise d'assaut en bulle. Dans mon oreillette demeurait la voix rauque de Randy Oloveiros. Sa future ex-femme se tenait près de nous, le regard mortifié par l'angoisse.

— J'ai été compréhensif jusqu'à maintenant, dis-je à l'égard du ravisseur en enfilant mon gilet par balles. Vous avez refusé de coopérer, et vous continuez d'ignorer la main que je vous tends. Vous voulez passer le restant de vos jours derrière des barreaux à ressasser vos erreurs ?

Je m'extirpai de la tente aménagée en contre-bas de la prison. Je rechargeai mon arme à feu, contemplant le centre désaffecté. L'espace d'un instant, je manquais de me défiler. Quelle configuration il avait, avec ses fenêtres barricadées de béton...

— Qu'il en soit ainsi, me ressaisis-je. Restez à l'intérieur, mais ayez conscience que d'ici à quelques minutes, je couperai les alimentations.

— Difficile d'imaginer ce dont vous pourriez me priver, railla Randy. Il n'y a ni eau, ni électricité, ni gaz.

— Je pense aussi aux ravitaillements... Votre homme à tout faire en est chargé, n'est-ce pas ?

Le voilà, le point faible de sa stratégie.

Il fallait à tout prix que je poursuive sur cette lancée tant qu'il ne chuterait pas définitivement de son piédestal.

— Je vous explique la situation, dis-je en lorgnant les fils de barbelé. Des tireurs d'élite ont pris position autour du bâtiment. Pour le moment, je leur ai donné l'ordre d'observer et de renseigner.

Je me montrais le plus transparent possible afin de ne pas perdre sa confiance. S'il avait la sensation d'avoir une longueur d'avance, il baisserait irrémédiablement sa garde.

— Si ce n'est par mon biais, vous n'avez aucune chance de vous en sortir. Notre matériel est infaillible.

J'étais sur le point de l'assaillir d'informations, mais Tremblay me devança :

— Nous disposons de caméras thermiques, de capteurs et de mini-drones. Nous avons comptabilisé les armes que vous détenez. Le moindre son intérieur nous est retransmis avec un degré de précision tel que nous percevons votre rythme cardiaque en ce moment-même.

La lieutenante reprit sa respiration. J'espérais qu'avec ce discours, Randy prendrait conscience de son acte. Il avait, quoi... Trente-huit ans et des poussières ? Il était encore temps d'y remédier, d'échapper à la condamnation à perpétuité.

— Si une ouverture le permet, nous introduirons la chambre de sûreté. L'étau se resserre autour de vous... Nous gardons un œil sur vos faits et gestes en permanence.

— Allez, Randy... On est votre porte-voix, retentai-je dans un dernier espoir. On est là pour trouver une solution qui convient à tout le monde.

Le facteur temps s'avérait déterminant. Je ne possédais plus beaucoup de cartes dans mes poches. Plus les heures défileraient, plus la situation s'envenimerait... Et plus l'effusion de sang serait grande.

— Ne m'obligez pas à retarder les réapprovisionnements...

— Ne vous étonnez pas si les otages succombent après avoir passé plusieurs heures sans boire ni manger.

J'interprétai l'intonation de sa voix, ses fréquences, ses déplacements. Il cherchait à retourner la situation, me culpabiliser, sauf que cela ne fonctionnait pas. J'avais employé de multiples subterfuges pour gagner du temps, mais ma propre résistance déclinait sensiblement.

Je lui fis part de mes inquiétudes concernant l'accord avec les Von Sievers. Randy avait déjà bénéficié d'un accès aux médias pour exprimer ses revendications. Je ne pouvais rien faire de plus. L'unité d'élite se préparait à l'assaut et d'ici peu, je le lui accorderais.

Deux cas de figure justifiaient qu'on intervienne : une opportunité qui s'offrait à nous, forces de l'ordre, ou la vie d'un otage jouée aux dés. J'en étais l'unique décisionnaire, le seul qui jugerait si nous avions suffisamment de chances de succès pour entrer en action.

Tremblay m'intima de suspendre la correspondance. De toute évidence, nous ne parviendrons pas à discuter davantage.

Elle me détailla le fonctionnement des deux prochaines opérations, dont la première ferait office de diversion. D'après les experts, les ventilations seraient utilisées pour installer du matériel de surveillance. D'ici à quelques heures, nous y infiltrerions du gaz et pénétrerions l'édifice.

L'inspectrice avait pris le soin de briefer les colonnes d'assaut quant à la disposition des lieux. Chacun des officiers s'était vu confié un rôle précis. C'était moi, plus que jamais préparé à neutraliser le preneur d'otages, qui prendrais la tête du groupe. Je protégerais mes collègues, chargés de lever la porte de fer, d'éventuels tirs en hauteur. Nous nous disperserions dans le bâtiment, analysant le maximum d'éléments en un minimum de temps.

J'étais comme un enfant à l'approche de Noël : tout excité et incontrôlable. J'étais sur le point de réaliser mes rêves les plus fous qui, vus de l'extérieur, pouvaient paraître superficiels. J'allais gravir l'échelon social et louer un nouvel appartement loin de mon ex-conjointe toxique. Par-dessus tout, j'allais rendre leur intégrité à des personnes à qui on l'avait ôtée.

Paré de mon bouclier des forces spéciales, je m'élançai à travers champs, rebroussant les herbes hautes et la peur irrépressible qui me nouait le ventre. J'ignorais si la cloison céderait sous la force des rafales. Quoi qu'il en soit, je jurai de tenir promesse.

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