Le roi et la reine du passé

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"But those are the only good memories I have.

Auteur inconnu

9 ans avant ...

            Sa grand-mère était morte. Elle n'était plus. Elle qui lui avait encore raconté hier soir une histoire avant de s'endormir ne faisait plus partie de ce monde.

            Era avait à peine 10 ans. Personne ne perdait sa grand-mère à 10 ans. Personne. Oh, elle en avait encore une, la mère de sa mère, mais elle était odieuse et n'aimait pas la petite fille. Quant à ses grands-pères... Un était mort très récemment, le père de son père, et l'autre... Eh bien, il était comme sa femme ! Méchant et bête !

            Era avait beaucoup aimé sa grand-mère Maria, mais maintenant, elle était seule.

            La petite fille avait été distraite toute la journée. Le matin même, elle avait refoulé ces larmes lorsque sa mère lui avait fait un chignon tellement serré qu'il lui tirait la peau du front. À chaque mouvement elle devait se mordre la lèvre pour ne pas hurler de douleur. Sa grand-mère lui faisait toujours une couronne de tresse dans laquelle elle venait piquer des fleurs d'un violet très pâle. Elle n'avait jamais mal lorsque sa grand-mère la coiffait. Elle se sentait aimée avec elle. Maria Eléazar avait toujours un sourire ou un mot gentil pour elle. Pas sa mère. Non. Magdalena se contentait de l'humilier et la rosser de coup lorsqu'elle osait rire un peu trop fort.

            Sans sa grand-mère, Era n'aurait jamais connu la chaleur d'une étreinte maternelle, la patience d'un regard, le bonheur d'un rire. Tout cela était maintenant fini. Sa mère avait été claire : il était plus que temps de rattraper l'éducation douteuse que sa grand-mère lui avait donnée. Era ne le savait pas encore, mais la mort de Maria Eléazar était le début d'un très long hiver.

            Durant le reste de la journée, elle n'avait pas écouté un mot de ce que ses professeurs avaient raconté. Et c'était comme ça depuis la mort de sa chère grand-mère.

            Heureusement pour elle, ses journées étaient trop chargées pour qu'elle puisse trop y penser. Parfois, elle passait une journée entière avec son précepteur, d'autre fois, elle allait en classe avec les autres enfants de son âge, des fils et des filles de hauts dignitaires Ivoiriens. Dont Iris, sa meilleure amie, faisait partie. Son frère, ainsi que les autres enfants de Créateurs, elle les voyait parfois, lorsqu'ils avaient, malgré leur grande différence d'âge, des cours en commun, notamment pour apprendre à se connaitre (Era trouvait ça idiot, ils avaient été élevés ensemble et se voyaient tous les jours !). Les plus âgés donnaient des conseils au plus jeunes sur leur futur rôle au sein de la Tour, en tant que descendants des Créateurs. Era détestait ces cours. Elle préférait lorsque sa grand-mère lui parlait des légendes, et des grand-mères qui, avant, étaient si vieilles qu'elles étaient toutes ridées. Amusée, Era avait demandé à sa grand-mère qu'elle lui explique ce qu'était une « ride », alors Maria avait cherché une boite en fer qui contenait de vieilles photos. La petite fille n'avait pas eu le droit de toutes les voir, mais elle se souvenait encore des sourires de ces vieilles femmes à la peau parcheminée. Que c'était étrange ! Sa grand-mère à elle était si belle et si jeune, avec ces longs cheveux d'or, sa peau d'albâtre et ses yeux de la couleur du bois le plus profond. Rien à voir avec ces très vieilles femmes ! Maria lui avait alors expliqué qu'avant, on ne vivait pas aussi longtemps qu'aujourd'hui, tout ceci avait laissé la jeune Era très étonnée, mais surtout fascinée. Cette curiosité ne la quittera jamais.

            Beaucoup de choses avaient changé, à présent, la première étant qu'elle ne souriait plus. Avant, elle ne ratait aucune occasion pour laisser déborder une joie de vivre trop durement contenue par sa mère. Mais sans Maria... Plus rien ne comptait, plus personne ne lui parlait, ne prenait le temps de l'écouter, ou de lui compter les mythes et légendes d'autrefois. Alors la petite fille avait perdu son sourire, et sa joie de vivre s'était envolée. Pourtant, c'était en partie pour cela qu'elle était le joyau de la Tour d'Ivoire. Elle était l'unique soleil d'un endroit bien trop terne.

La Tour d'Ivoire - Tome 2Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang