Le prince des voleurs

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"If not you, then who ? If not now, then when ?"

auteur inconnu

Gabriel

Gabriel respira profondément l'air marin de la capitale, le visage dissimulé sous sa lourde capuche, ses riches vêtements cachés sous sa longue cape vert foncé, personne ne prêtait attention à lui. La nuit venait de tomber et personne ne faisait la différence entre un vêtement foncé, qu'il soit bleu ou vert.

Non qu'il ne puisse sortir de nuit du Palais, mais il restait le prince de la Nation d'Émeraude, et secrètement, un maitre-espion indispensable. Peut-être était-ce aussi pour cela qu'il filait dans les ruelles sombres sans que personne ne le remarque, il aurait très bien pu passer par les toits, mais pas aujourd'hui, ce soir il n'était pas un espion, mais un homme, simplement un homme.

Fébrile, il poussa le battant de la taverne et se glissa à l'intérieur. La taverne du loup solitaire était connue pour accueillir de nombreux voyageurs venant des quatre coins du monde, toutes Nations confondues. C'était également le lieu le plus mal famé de tout Aviam, non en raison de son hétérogénéité de client, d'autres tavernes étaient aussi connues pour leur grand nombre d'étrangers et ne posaient aucun problème, mais celle-ci, en plus d'être un lieu de passage, était le temple du jeu. Et Gabriel connaissait très bien le meilleur joueur des lieux. Le prince Émeraude ne devait surtout pas être reconnu ici, surtout pas dans ce lieu où la débauche régnait en maitre. Cela n'était guère étonnant qu'un tel lieu existe dans une ville de plaisir telle qu'Aviam. Tous les débordements étaient possibles ici. La taverne du loup solitaire en était un merveilleux exemple.

Se frayant un chemin entre les tables, il se dirigea vers le fond de la pièce, là où les plus doués faisaient leurs jeux, et où les plus fous venaient les défier. Ses yeux volèrent de visage en visage, il y vit nombreux Saphirs, mais aussi des Tourmalines, des Émeraudes, Perles, Or, Rubis et même des Diamants, bien que plus rares. Même s'ils faisaient partie de la pègre des Nations, chacun portait leur gemme à l'oreille. Dans leur monde, ne pas en porter était le pire des crimes possibles, avec celui de porter une couleur d'une autre Nation, même eux, qui se fichaient bien de leur loi, n'osaient pas aller jusque-là. C'était pire qu'être un paria, sans cela, on n'était rien. Moins qu'un animal. L'image de Lévana lui apparut alors, ses oreilles vierges de toutes gemmes, il frissonna.

Soudain, il le vit. Nonchalamment assis en travers de sa chaise, adossé contre les accoudoirs en velours rouge, il souriait, ses lèvres fines et rougies étaient étirées en une moue malicieuse, tandis que ses yeux d'un noir profond fixés sur son adversaire pour le déstabiliser brillaient de défi. Sa peau plus brune encore que celle des Saphirs était nette et dépourvue de la moindre cicatrice, pas comme celle de Gabriel, qui, bien qu'il soit un prince, n'avait pas peur de combattre et d'abimer son visage. Mais Lorenzo était aussi redoutable qu'il était beau, et il le savait, et jouait là-dessus, il prenait soin de son apparence, jugeant son physique avantageux comme une arme capable de faire plier n'importe qui. Il était grand, athlétique sans être aussi musclé que Gabriel, ses cheveux étaient d'un noir profond, et tombaient sur sa nuque en de délicieuses boucles souples.

Gabriel se souvint d'avoir passé d'innombrables fois ses mains dans ses cheveux soyeux, d'avoir embrassé sa nuque douce, ses longs doigts agiles, ses fossettes.

Lorsque Lorenzo leva enfin les yeux vers lui, il ne sembla pas surpris, sous ses longs cils noirs, ses yeux intelligents le sondaient avec beaucoup trop de calme, ce qui agaça Gabriel. Lui seul avait le cœur qui battait à tout rompre ? Lui seul avait les jambes qui ployaient sous le poids de son corps lorsqu'il le voyait ? Lui seul avait la bouche sèche, incapable de trouver un seul mot à lui dire ?

La Tour d'Ivoire - Tome 2Donde viven las historias. Descúbrelo ahora