La Tour d'Ivoire - Tome 2

Le silence de la couronne

« I will follow you into the dark. »

Auteur inconnu

Maria

Maria Eléazar se tenait bien droite, sure d'elle, face à la reine Émeraude.

Elle faisait partie des rares personnes qui avaient accès aux appartements de la souveraine. Les deux femmes étaient des amies, des confidentes et de précieuses alliées. Siora Sarkis savait qu'elle pouvait avoir confiance en Violette. Elle avait la sagesse des anciens et la fougue de la jeunesse. Rien ne lui faisait peur, elle ne reculait devant aucun danger. Sa loyauté leur était toute acquise, l'émeraude sur son oreille le prouvait.

Toutes deux cultivaient un profond respect l'une pour l'autre, leur intelligence semblable les rassemblait.

Maria étudia attentivement la dirigeante de la Nation d'Émeraude. Elle était assise sur un fauteuil vert foncé, ses mains posées sur les accoudoirs déjà un peu usés. Elle semblait fatiguée, les évènements de la nuit l'avaient profondément affaiblie. Seule Maria était au courant de la santé fragile de la souveraine. Mais l'ancienne dirigeante de la famille Eléazar savait qu'elle ne portait en elle aucune maladie, sa faiblesse était de l'ordre du psychique. Siora Sarkis, malgré sa force de caractère, était las de vivre. Rongée par la mort de son mari, de sa sœur, et du mari de cette dernière, il y a 16 ans de cela. Elle n'avait plus l'envie de vivre. Même la présence de ces deux fils bien-aimés ne suffisait pas à panser son âme meurtrie.

Bien évidemment, elle continuait à régner, mais Maria voyait bien la lueur hantée dans ses beaux yeux verts. Siora aurait voulu que son fils ainé la remplace, mais la mère voyait bien que son fils ne désirait pour l'instant pas prendre sa place. En vérité, Maria et Siora savaient toutes deux qu'aucun des deux fils Sarkis ne voulait prendre sa suite, malheureusement, Seth n'aurait pas le choix.

La culpabilité de la mort de ses proches ne quittait jamais la souveraine aux cheveux d'ébène. La ressemblance avec Seth était frappante. Ils avaient les mêmes cheveux, la même peau subtilement hâlée, les mêmes yeux étincelants, la même ossature fine et musclée. Maria en vint à la conclusion que Gabriel devait ressembler à son défunt père.

-Je sais pourquoi tu es là, mon amie, fit soudain la voix de la reine.

Maria garda une expression maitrisée. Elle aurait dû se douter que Siora serait mise au courant au plus vite. Après tout, Clara Devon était une brillante guérisseuse entièrement dévouée à la couronne Émeraude.

-Alors vous savez ce que je vais vous demander, répondit simplement Maria.

Siora haussa un sourcil et porta à ses lèvres le verre de vin qu'elle sirotait depuis son arrivée.

-En effet, ma très chère amie. Vous voulez me convaincre de protéger l'enfant à naitre de votre protégée.

Maria ne répondit rien, se contentant d'affronter le regard dur de la reine.

-Vous savez très bien à quel risque je m'expose en protégeant cet enfant.

-Il n'est qu'un enfant de Souffleurs de Rêves, après tout, je doute que la Tour d'Ivoire ne tienne à sa vie.

-Peut-être pas à la sienne, mais celle de sa mère, en revanche...

Siora se leva et alla se poster devant une des fenêtres donnant sur un des innombrables jardins suspendus du Palais.

-Vous semblez beaucoup apprécier cette petite, Violette...

-C'est vrai. Son cœur est bon. Elle a des qualités rares. Vous le savez aussi bien que moi.