62. Laughing after danger

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Calée dans la causeuse, contre la bouche de Haze, je reprends doucement mon souffle, dans le temps qui semble s'être suspendu. Le silence est plein du tic tac des secondes qui fourmillent dans l'air comme une nuée de papillons fous que je tenterais de contenir en vain.

je.

voudrais.

que.

M.A.I.N.T.E.N.A.N.T.

dure.

toujours.

que.

plus.

tard.

n'arrive.

J.A.M.A.I.S.

Nos larmes imitent le sang sur nos mains et commencent à sécher. Contre toute attente, j'entends le pouls de nos peines et de nos peurs s'estomper à l'orée de nos consciences, masqués par le rugissement d'une passion désespérée qui fait bourdonner nos tympans. Cette énergie sulfureuse retenue par le fragile barrage de mes côtes m'effraie. Je n'aurai bientôt ni la force ni l'envie de la contenir.

Haze se détache de moi. Son regard m'épingle au dossier de la causeuse. J'imprime ses traits dans l'écorce de mon cœur. J'étire ce moment d'anticipation : quel sera le goût de sa peau sous ma langue ? Qu'est-ce que je ressentirai lorsque l'arrête droite de son nez glissera dans le creux de ma hanche, lorsque sa grande main blanche se posera doucement sur ma gorge ?

Ces

... instants

                 de flottement... 

... 

Ce moment d'errance qui marque la fin, inéluctable. L'union de nos corps, impossible à empêcher après celle de nos esprits. 

Les barrières de mon bel Archange aux mèches ébène sont tombées. Les miennes n'ont jamais été autre chose que des chimères de toute façon. Destinées à protéger mon amour propre et ma raison.

Je l'aime. Je l'aimais avant même d'avoir fait sa connaissance. 

Ses doigts chauds s'enroulent sur ma nuque. Mon front échoue contre le sien. Le parfum qu'exhale son épiderme réveille des besoins inassouvis depuis trop longtemps. Je tremble. De tous mes sens. 

Mes artères pompent exaltation et désespoir, mélange toxique enivrant. Les ventricules de mon cœur sont noués aux siens. Plus rien ne peut arrêter ce vent de déraison qui attise les braises de notre histoire. Dès nos premières rencontres, le peu que je m'autorisais à goûter de lui interférait déjà avec ma raison. Je le veux. Je n'ai jamais voulu aucun homme aussi fort. Mais dès que ce sera terminé...

Dès que ce sera terminé...

-     Chut... N'y pense pas Dulcissima, fait-il en effleurant la ride entre mes sourcils.

Non. 

Ne pas y penser. 

Nos bouches folles se trouvent à l'aveugle. Nos respirations hachées troublent la quiétude du loft. Mon envie d'accélérer les choses contredit celle de faire durer cet instant. Je franchis mon point de non-retour. je. raisonne. par. à. coups. par. éclats. par. fragments. Je suis le dessin des muscles déliés de sa cuisse qui se crispent et m'aventure sous le rebord de son t-shirt blanc. La tangibilité du coton fin ramène mes pensées éparses sur le chemin de la cohérence. 

La douceur satinée de ses abdominaux m'ancre dans le réel. Je pose ma paume à plat sur sa poitrine. J'absorbe la chaleur délicieuse de sa peau dont le grain fin défile en rubans de soie sous mes doigts avec une lenteur qui jure avec l'envie urgente d'anéantir les couches de tissus qui nous séparent.

DissonancesWhere stories live. Discover now