8. Sur la liste des sujets que je n'avais pas envie d'aborder

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J'attrape un blouson sur la patère, lance « bonne journée ! » à l'attention d'Annah et nous sortons. L'air est frais.  La lumière d'octobre pétille sur les carosseries et les carreaux.  Peu s'en faut pour que de petits nuages s'échappent de nos lèvres.

Nous nous mettons à marcher sans but précis.

-       C'était le fun, ton week-end chez tes parents ?

-       Oui. Si on considère que de passer tout son temps dans ses livres est le fun !

-       Ayoye, j'aurais pensé que Toronto, c'était plus excitant que ça !

-       Est-ce que j'ai vraiment besoin de t'expliquer le genre de chose qui m'excite ?

Son regard accroche le mien, interrogateur. Visiblement, il attend une réponse à sa question. Je me plante devant lui et enroule mes bras autour de son cou. Il passe son pouce sur ma lèvre inférieure. Mon souffle joue hors tempo. 

Un clin d'œil égaye son visage d'une façon qui me plaît un peu trop. La moue suggestive qui l'accompagne fait de moi une flaque de lave.

J'inspire l'air frais d'octobre. En espérant que ça règle mon problème de température corporelle ! Peine perdue. Si on reste là à se dévisager, je ne suis pas sûre de pouvoir gérer !

Heureusement pour moi, il réoriente la conversation sur un sujet moins dangereux.

-       La prochaine fois, tu viendras avec moi ? Mes parents ont très envie de te revoir.

-       Moi aussi, je réponds en essayant de me remettre les idées en place. Tout dépend de quand sera ta prochaine fois !

-       À l'Action de Grâces, je pense.

-       Ça pourrait être possible !

-       Génial !

Je m'en suis peut-être fait pour rien. Jane a eu la présence d'esprit de tenir sa langue on dirait. C'est dans son intérêt, puisque c'est elle qui s'est tapé tout le boulot pour nous mettre en couple, son cousin et moi ! 

Pauvre Jane ! Son niveau d'inquiétude doit friser la folie à l'heure actuelle... Je consulte mon cell.  Bizarrement, c'est le calme plat.

Nous arrivons au bout de ma rue. L'artère est plus fréquentée. Deux gamins à vélo nous coupent le chemin. Un Métrobus s'arrête un instant en faisant crisser ses essieux avant de repartir. Un coup de klaxon retentit. Nous nous intégrons aux passants qui marchent de ce pas nonchalant de touriste. 

-       Alors, ça tient toujours pour ce soir ?

C'est le deuxième point sur ma liste sujets-que-je-n'ai-pas-envie-d'aborder.

-       En fait, je pensais qu'on aurait pu passer la soirée tranquille, juste nous deux... ?

-       On pourrait oui ! Ça fait un moment qu'on ne s'est pas vu...

Est-ce un reproche ? 

OK. Je n'en peux déjà plus. Pas question d'endurer la torture de ne pas savoir ce qu'il pense pendant tout le temps qu'on sera ensemble ! Autant crever l'abcès maintenant.

Mais pour dire quoi ?

-       Tu préférerais qu'on y aille ?

Nate se détourne et se remet à marcher. Tout d'un coup, avaler devient plus difficile. J'ai une boule de chardons dans la gorge. 

-       Tu crois que je te tiens à l'écart, c'est ça ? je l'interroge d'une voix enrouée. 

Il ralentit le pas pour finalement s'immobiliser. Je m'arrête aussi et me tourne vers lui.

DissonancesHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin