58. Plus diaphane qu'un songe

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Dimanche 23 avril

Deux heures avant de me rendre à l'aéroport, ma raison et mon cœur luttent toujours à armes inégales.

Logique contre sentiments.

J'espère avoir réussi à masquer le combat à Mamico à coup de sourires forcés et de regards embués à travers la fenêtre.

Sentiments contre logique.

De retour chez mon frère, j'alterne entre souffler sur les braises qui couvent dans ma poitrine ou les asperger pour les éteindre. Aucune position n'est confortable. Les pensées s'agitent dans ma tête. C'est le bordel là-dedans ! Alors je marche de long en large dans ma chambre. Encore. Et encore mais ça ne suffit pas... J'aurais envie de courir pendant des heures pour imprimer dans le bitume la trace de mon barbouillis intérieur. Mais l'avion ne m'attendra pas.

Mon souffle sur les braises.

Donc c'est comme ça Haze ? Tu crois que t'as qu'à me planter dans mon ancien décor pour que je me recase avec Nate et que tout soit exactement comme s'il s'était rien passé ? Tu t'imagines que t'as qu'à nous asseoir un en face de l'autre, comme Barbie et Ken pour qu'on redevienne un couple ? Ça marche pas comme ça ! Les humains sont pas des jouets !

Silence.

Oh ! Je suis injuste. Je le connais. Assez pour savoir qu'il a fait ça pour mon bien. Qu'il a cru faire ça pour mon bien. Cette conversation juste avant mon départ. Ses mots : reprendre ma vie d'avant. C'était littéral.  Je ne pensais pas qu'il irait aussi loin.

Mon souffle sur les braises.

Sauf que j'ai toujours été très claire. Il est au courant de ma réticence avec le fait d'avoir quelqu'un – fut-il un Archange ou wathever – qui prenne les rênes de mon existence. Il a voulu faire son travail. C'est ce à quoi il s'est engagé. J'avais supposé qu'il mettrait cette partie de côté étant donné les particularités de notre lien. ̶P̶o̶u̶r̶ ̶m̶o̶i̶.̶

- T'en as eu assez de jouer ? Tu as voulu rapporter ta poupée au magasin ?

Silence. Encore

Il est là pourtant. Je sens sa lumière sourdre autour de moi, en moi, qui infuse chacune des fibres de mon corps et diffuse son aura tout autour comme une goutte d'encre liquide dans de l'eau. Il était avec nous sans l'être, chez Jane. Occupé à orchestrer mes retrouvailles avec Nate.

Je serre les poings.

- Comment t'as pu ? Comment t'as pu t'amuser comme ça avec les sentiments de Nate ? Comme si on était des marionnettes ! Les miens, je peux comprendre, mais ceux d'un autre ? Fuck !

Haze n'a pas fait ça...

Pas vraiment en fait.

Nate t'aime toujours, il n'est jamais passé à autre chose. Parce que t'as pas eu le courage de mettre un terme à votre histoire. T'as fui comme une lâche. Et t'as scoré une fois de plus ma belle ! Tu l'as laissé dans un état de confusion évident. Bien sûr que ça ne lui ressemble en rien de t'embrasser comme ça, lui, si respectueux de nature ! Il doit encore se demander ce qui lui a pris.

- Ta gueule toi ! je crache à ma conscience. Tu crois que c'est le bon moment pour me tarauder l'âme ? J'y arrive très bien seule, merci beaucoup.

Franz glisse la tête par l'encadrement de la porte, l'air inquiet.

- Hay qu'est-ce que tu fais ? Y'a du plâtre qui tombe des moulures du plafond du rez-de-chaussée.  Et à qui tu parles ?

DissonancesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant