46. As-tu pris ta médoc ?

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En route vers la maison, les mains pleines de sacs après une virée à l'animalerie, je m'occupe de la question du prénom, puisque c'est officiel, je peux garder la chienne : Lawrence n'a opposé aucune résistance à mon projet d'adoption et s'en est même montré ravi.

- Peanut ? Lilou ? Sara ?

Ma chienne hoche la tête vers la gauche les oreilles dressées et me regarde d'un air interrogateur.

- Non ? T'aime pas ça ? Satie alors ?

Son crâne pivote vers la droite, comme si elle comprenait vraiment ce que je dis.

- Oui, ça te va Satie ? Satie ?

Nouveau hochement de tête. Ça semble être bon. Je souris. Satie... Comme Erik Satie, un compositeur que j'adore ! C'est ancré dans mes gênes on dirait !

Alors que je croyais passer un après-midi de merde, assaillie par un millier de questions, le cœur saturé d'émotions, j'ai au contraire pu profiter d'une certaine paix.

La crise de larmes ? La zoothérapie ? L'habitude d'occulter mes problèmes ? Un peu de tout ça ? Je hausse les épaules. Le magasinage peut-être ! La dernière fois que j'ai mis les pieds dans une animalerie, j'avais neuf ans et c'était ma fête. J'avais adopté un hamster brun et blanc que j'avais baptisé Noisette. J'ai découvert aujourd'hui qu'il existe pas mal plus de gadgets pour les chiens que pour les rongeurs !

De me concentrer sur des tâches aussi terre à terre que d'acheter des bols, un coussin et une laisse m'apaise. Je m'absorbe tellement dans les explications de la vendeuse sur les avantages et inconvénients entre les nourritures sèche, déshydratée et crue que j'arrive même à faire abstraction des Voix qui ébruitent des propos dont le sens m'échappe pendant toute la durée de notre shopping à Satie et à moi, ̶p̶h̶é̶n̶o̶m̶è̶n̶e̶ ̶i̶n̶q̶u̶i̶é̶t̶a̶n̶t̶ ̶q̶u̶i̶ ̶c̶o̶n̶v̶a̶i̶n̶c̶r̶a̶i̶t̶ ̶n̶'̶i̶m̶p̶o̶r̶t̶e̶ ̶q̶u̶i̶ ̶d̶e̶ ̶s̶e̶ ̶r̶e̶n̶d̶r̶e̶ ̶à̶ ̶l̶'̶h̶o̶s̶t̶o̶ ̶s̶u̶r̶-̶l̶e̶-̶c̶h̶a̶m̶p̶.̶

Ma chienne me suit au pied jusqu'au Loft. Qu'est-ce qu'elle faisait, seule sur la Promenade ? Est-ce qu'elle s'était égarée ? A-t-elle été abandonnée ? Bah, l'important c'est qu'elle soit en sécurité maintenant. Chaque fois que je plonge mon regard dans le sien, j'ai ce sentiment étrange que nous avons toujours été ensemble. Pourtant, je n'ai jamais eu ni chien ni chat. ̶D̶é̶j̶à̶ ̶e̶n̶f̶a̶n̶t̶,̶ ̶i̶l̶ ̶n̶'̶y̶ ̶a̶v̶a̶i̶t̶ ̶d̶e̶ ̶p̶l̶a̶c̶e̶ ̶d̶a̶n̶s̶ ̶m̶a̶ ̶v̶i̶e̶ ̶q̶u̶e̶ ̶p̶o̶u̶r̶ ̶l̶e̶ ̶p̶i̶a̶n̶o̶.̶

Nous arrivons en haut des marches, je déverrouille et dépose mes sacs sur le pas de la porte. J'allume la jolie lampe baroque à l'abat-jour tendu de dentelle violette posée sur la table de l'entrée. Satie fait le tour du propriétaire, reniflant aux quatre coins de la pièce. Quel âge peut-elle bien avoir ? C'est un adulte, ça c'est clair ! Trop grande pour être un chiot, trop calme pour une ado...

- Comment trouves-tu ton nouveau chez-toi Satie ? Ça te plaît ?

L'endroit semble lui convenir. Elle s'installe sur le tapis oriental aux motifs cramoisis rehaussés de galons dorés au pied du canapé. Je réalise que je retenais mon souffle.

Il fait sombre. À peine cinq heures et le soir tombe déjà ! Je parcours l'immense pièce, faisant naître des îlots de lumière chaleureuse d'un simple clic du bout des doigts.

Mon ventre émet une série de plaintes sonores qui troublent le silence parfait du loft. Tiens... La paix est de retour dans ma tête. Je tends l'oreille... De temps à autre, un murmure égaré se fait entendre de très loin, mais c'est tout. Les Voix se sont tues. Peut-être que les choses rentreront bientôt dans l'ordre. Comme ça ! Vive la pensée magique.

DissonancesWhere stories live. Discover now