54. Kissing the sky

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Il va refuser. Il va se mettre à rire. Il va... je ne sais pas...

J'attends.

Mais parle ! Dis quelque chose, merde ! Si tu lis dans mes pensées à ce moment précis, c'est le bon timing pour mettre fin à ce malaise, Haziel !

J'attends.

...

Rien.

Il s'avance. En plus de la trace olfactive de cette neige piquante qui tombe, je perçois son odeur entêtante, qui se complexifie petit à petit, comme si elle était l'appât d'un prédateur qui l'adapterait à mesure qu'il apprend à connaître sa proie pour mieux l'attirer dans son piège. Elle mêle désormais des notes de café, de cuir et de terre mouillée par l'orage à celles de la menthe et du feu de bois. J'ai le réflexe de m'en protéger en reculant.

Et le sol plonge à la rencontre de mon visage !

Mon nez s'arrête à deux pouces du trottoir recouvert de glace. Haze m'a rattrapée de justesse. Il me remet debout comme si je ne pesais rien tandis que la peur desserre les crocs qu'elle a plantés dans mon ventre. Je peine à reprendre mon souffle.

- Là... Je te tiens !

La honte me submerge. J'ai perdu pied comme une idiote. Un divertissement toujours apprécié... peu coûteux en plus ! Mais Haze ne rit pas.

Je suis mortifiée ̶e̶t̶ ̶r̶a̶v̶i̶e̶ ̶d̶e̶ ̶s̶e̶n̶t̶i̶r̶ ̶c̶e̶t̶t̶e̶ ̶v̶o̶i̶x̶ ̶f̶a̶n̶t̶a̶s̶m̶a̶g̶o̶r̶i̶q̶u̶e̶ ̶f̶a̶i̶r̶e̶ ̶v̶i̶b̶r̶e̶r̶ ̶l̶e̶ ̶f̶i̶n̶ ̶d̶u̶v̶e̶t̶ ̶d̶e̶ ̶m̶o̶n̶ ̶c̶o̶u̶.̶ ̶D̶e̶ ̶c̶o̶n̶s̶t̶a̶t̶e̶r̶ ̶q̶u̶'̶i̶l̶ ̶r̶a̶f̶f̶e̶r̶m̶i̶t̶ ̶s̶a̶ ̶p̶r̶i̶s̶e̶ ̶s̶u̶r̶ ̶m̶a̶ ̶t̶a̶i̶l̶l̶e̶ ̶a̶u̶ ̶l̶i̶e̶u̶ ̶d̶e̶ ̶m̶e̶ ̶l̶i̶b̶é̶r̶e̶r̶.̶ ̶O̶h̶ ̶!̶ ̶D̶i̶e̶u̶ ̶c̶o̶m̶m̶e̶n̶t̶ ̶v̶a̶i̶s̶-̶j̶e̶ ̶f̶a̶i̶r̶e̶ ̶p̶o̶u̶r̶ ̶é̶t̶e̶i̶n̶d̶r̶e̶ ̶c̶e̶ ̶b̶r̶a̶s̶i̶e̶r̶ ̶q̶u̶i̶ ̶c̶r̶o̶î̶t̶ ̶e̶n̶t̶r̶e̶ ̶m̶e̶s̶ ̶c̶u̶i̶s̶s̶e̶s̶ ̶?̶

Je monte les marches coulantes, la main d'Haziel calée dans le bas de mon dos, les sens en émoi, l'esprit en exergue.

Et si toute cette histoire se jouait dans une réalité alternative ? Si je n'étais pas à New York mais à Montréal ? Si je n'étais pas vêtue d'une parka vert militaire mais d'une chemise d'hôpital bleu clair ? Si ce n'était pas les lumières de la ville crépitant sur un ciel urbain gold rose que je contemplais mais un mur blanc et nu ? Si les bulles d'euphorie qui éclatent dans mon cerveau n'étaient pas dues à cette main dans mon dos mais à un état psychotique irréversible ?

Qui sait ?

Lawrence a laissé une lampe allumée pour Satie, qui vient à notre rencontre et émet un bref jappement en branlant la queue lorsque j'arrive enfin à déverrouiller cette satanée serrure ultramoderne.

Mon compagnon s'accroupit et appelle à lui ma chienne qui cale sa tête contre son genou. Awww ! Le fait-il exprès ? Y'a-t-il quelque chose de plus attendrissant qu'un homme qui craque devant un toutou ?

Je m'applique à admirer le séduisant visage de l'Archange que j'ai invité chez moi. La lumière caresse l'arête parfaite de son nez, se réfléchit sur son front lisse et creuse un pli dans son menton carré, juste en dessous de sa lèvre inférieure aussi charnue qu'une fraise mûre. À quel point être sexy devient-il absurde ?

Si je suis en clinique psychiatrique, il y a pire comme divagation...

Je laisse Satie faire connaissance avec Haziel en chair et en os et constate l'état du loft en enlevant ma parka. God ...! Une trace fluorescente détaille mes tergiversations vestimentaires, mon régime alimentaire et la peine que j'ai éprouvée avec mes cheveux quelque douze heures plus tôt.

DissonancesWhere stories live. Discover now