Chapitre 89

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« Je préfère être un singe évolué plutôt qu'un ange déchu. »

Terry Pratchett.

– Heavan, soupire-t-il, le moteur enfin éteint, es-tu cartésienne ?

– Qu'est-ce que tu me racontes, encore ?

Son visage est fermé, mais il semble craquer intérieurement au vue de son impatience flagrante. Soit il cogne du pied à une vitesse agaçante, soit il se mord la lèvre inférieure, soit il tapote des doigts sur le volant comme ceci a été le cas tout le long du trajet.  

Que suis-je censé faire ? Et comment suis-je censée réagir après toutes les péripéties qu'il m'a fait vivre ?

Sur ses talons, je ferme la porte d'entrée et le suit jusque dans la cuisine, où il se sert un grand verre d'eau qu'il boit d'un trait.

– C'était il y a très longtemps, du temps où l'Homme a été créé et que le serpent les a libéré de l'inconnu. Du temps où Dieu a crée la jalousie entre deux frères, créant ainsi le premier fratricide. Le Puissant a essayé de les faire à son image, mais comment dominer une espèce qui avait soif d'apprendre et d'évoluer après avoir ouvert les yeux ?

Je le regarde hébétée. Je n'y crois pas, c'est trop beau pour être vrai...

Ce dernier fixe le mur face à lui, sûrement happé par cette histoire qu'il me compte.

– C'était une erreur de les créer, c'était la pensé de tous au début. Beaucoup on tenté de le prévenir, mais nul ne pouvait prétendre qu'il avait échoué. Alors, en refusant de se soumettre à ces « êtres supérieurs », des milliers d'anges ont été rejeté. Il a fallu apprendre à vivre avec eux, malgré nos différences. Le comble, c'est qu'on a finit par partager nos savoirs. Une fois familiarisé avec eux, il n'y avait plus d'animosité, moins qu'avant en tout cas. Malgré cela, Elohim n'a une fois de plus pas apprécié, alors il a fait en sorte de réparer son énième erreur. Seulement, les révoltés d'autrefois étaient toujours présent, même leur chef.

– Samyaza ? me hasardé-je à dire.

– Oui. Au jour d'aujourd'hui, rien n'a changé. On en est toujours au même point, banni pour avoir renier l'Homme, banni pour avoir aimé l'Homme. On est condamné à errer sur Terre pendant des années et des années, jusqu'à ce qu'il décide de notre sort. J'erre depuis des siècles, Heavan, et je commets à mon tour une erreur, celle de te faire part de tout ça..

Il se tait. D'un coin de l'œil j'aperçois Mammon arrêté dans les escaliers, le dos appuyé contre le mur. Il l'a donc fait. Seth m'avoue enfin qui il est. Devrais-je en faire autant, ou me préserver ?

Celui-ci reprend, tout en me regardant cette fois-ci droit dans les yeux.

– Je ne suis pas une personne mauvaise, tu sais. J'ai peut-être ce statut parce qu'on l'inculque dans les livres, mais ça ne veux pas dire que je suis quelqu'un d'aussi abominable. Vous les Hommes, vous avez une ouverture d'esprit très limité. Adam et Ève n'étaient pas les premiers à arriver sur Terre. L'espèce adamique n'a pas été la première, il a existé une civilisation pré-adamique sur laquelle vous ne savez absolument rien et la clé se trouve justement dans les livres sacrés. Plus précisément dans le passage du jardin d'Eden. Les récits ne sont pas que des mythes ou des légendes, Heavan.

Des espèces pré-adamique ? Je n'ai jamais, ô grand jamais, entendu parler de ça. L'Indien ainsi que Louis n'ont jamais fait référence de ce détail...

– Pourquoi tu me dis tout ça maintenant ? À cause de ces types chez moi ? À cause de ceux du lac ? Parce que je t'ai menacé d'aller trouver la vérité par moi même ?

Il soupir et me tourne le dos. Celui-ci se défile encore, même après ce qu'il vient d'admettre. Pourquoi changer sans cesse d'attitude et d'avis, bon sang !

– Je voudrais savoir ce qu'il en est de toi ? Des Liam ?

– J'ai juste omis de t'avouer qui nous étions ! s'exclame Seth, soudain hors de lui et la goutte au front.

– Et donc ?

Je croise les bras, décidée à voir ce fameux masque se fissurer et tomber. Intérieurement, je jubile.

– Je ne suis pas un démon.

Je ne sais pas quoi ajouter de plus face à toutes ces informations que je connais déjà. Je suis mitigé entre l'envie de le gifler pour avoir attendu tout ce temps et surtout pour toutes les fois où il s'est joué de moi. Mais aussi entre l'envie d'éclater de rire, car jusque là j'ai réussie haut la main à le duper. Du moins, je l'espère.

– Pourquoi je devrais croire tout cela ? C'est tellement improbable ! Ça n'existe que dans les livres, mais pas dans la réalité ! m'exacerbé-je, en agitant les bras dans tous les sens.

– Tu es sérieuse ? ajoute-t-il, après un long silence, tu ne me crois pas ? Pourtant, tu devrais avec les parents que tu as.

– Ils n'ont rien à voir dans tes histoires ! le coupé-je sèchement. Ne commence pas à te défausser sur quelqu'un d'autre.

– Quand ta mère décidera d'être moins lâche, on en rediscutera plus posément.

– Ma mère n'est absolument pas lâche ! Je t'interdis de parler d'elle de cette façon.

– J'ai su à l'instant où j'ai vu ta mère que tu étais différente. Tu n'es pas n'importe quelle fille et tu le sais très bien.

Aïe ! Là, ça commence à se gâter pour moi. Il n'est pas aussi bête que ça en fin de compte. Mais que sait-il de moi au juste ? Il faut que je joue la carte de l'incompréhension et de la naïveté.

Devil's Lake T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant