Chapitre 80

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« Si notre Père céleste a inventé l'homme, c'est parce que le singe l'avait déçu. »

Mark Twain.

Noël est passé, les choses évoluent autour de moi, on dirait que quelque chose d'important se prépare, tout n'est pas si normal. Le temps semble si étrange, si mouvementé...

Mon téléphone m'extirpe de mes songes, je pense répondre à Seth qui ne me lâche plus d'une semelle depuis la nuit passée ensemble, mais en réalité, c'est Louis qui me demande s'il peut venir à la maison. J'espère qu'il va enfin s'expliquer sur sa présence durant les courses de voitures, car visiblement, il préférait s'amuser que de venir fêter l'anniversaire de sa soi-disant copine.

Au même instant, je reçois un message de Seth qui me propose de passer chez lui. J'hésite, tiraillée entre la raison et le cœur. finalement, je décide d'aller chez Seth, ce sera peut-être le moment opportun de savoir à quoi il joue avec moi.

Je récupère en vitesse mes clés de voiture une fois qu'il m'a envoyé son adresse. Celui-ci habite à Crary, en une demi-heure montre en main.

Sa maison est une demeure assez belle au style victorien, entourée par de jolis  cerisiers en fleurs qui n'ont, hélas, pas encore fleuri. Je me gare sur le chemin caillouteux, jalonnant jusque devant son perron. Lorsque je frappe à la porte, un peu impressionnée par les lieux, Seth m'ouvre et m'emmène dans le salon truffé de tableaux en tout genre, dont certains que je reconnais sans peine.

La décoration jongle entre Fra Angelico et son Jugement dernier, à Delacroix représentant Dante et Virgile en enfer, au triptyque de Bosch, pour finir au portrait du pape Innocent X de Bacon.

– C'est de qui celui-ci ?

– De Doré, Le jugement dernier. Pour moi c'est le plus magnifique de tous.

– Je comprends un peu mieux, dommage que nous n'ayons pas eu plus que treize à l'exposé de Coril.

Ce que je comprends mieux en réalité, c'est que cela confirme sa véritable nature, et qu'il aime son univers. Mais je préfère toujours ne rien dire, pour le moment.

– On a eu cette note parce qu'il ne partageait pas le même avis que moi.

– Il t'a parlé de l'exposé ?

– Le parking est immense, Heavan, on peut facilement s'y perdre.

Sa réponse tourne en un sous-entendu plus ou moins morbide.

– Et qu'est-ce que ça a donné ?

Il me sourit l'air mutin avant de répondre :

– Tu apprendras vite que certaines personnes ne sont pas celles qu'elles prétendent être, Heavan. Tout comme Canaân.

– Où tu veux en venir ?

Ça y est, je pense qu'on y arrive enfin. C'est le moment tant attendu où il va tout avouer.

– Coril n'est pas qu'un simple professeur.

– Bon sang, arrête de tourner autour du pot ! 

Un autre professeur d'histoire l'a remplacé aussi vite qu'il est parti, je l'avais bien remarqué ça. Mais pourquoi ?

– Coril était un type douteux et très discret sur ses véritables intentions. Il était au lycée dans le simple but de trouver ce qu'il cherche depuis un sacré bout de temps. Malheureusement pour lui, on a vite découvert ce qu'il cachait et il a été licencié.

– On ? Tu parles du directeur ?

– Tu veux boire quelque chose ?

Encore une entourloupe pour éluder ma question.

– Le directeur du lycée a trouvé des choses compromettantes sur son employé, c'est bien ça ?

– Plus ou moins.

Je n'y comprends absolument rien !

– Dommage, je commençais à l'apprécier. Il faisait des cours des plus en plus intéressants et j'avais des notes pas si catastrophiques que ça.

– Peut-être que le nouveau sera tout aussi compétent et généreux, du moins en ce qui te concerne.

Il me tend un verre de soda, avant de s'affaler sur le canapé qui s'étend au beau milieu de l'immense pièce qu'est le salon.

– Tu vis dans un lieu glauque et très étrange. Ces peintures sont... belles, mais...

– Mais ?

– C'est assez bizarre de voir ce genre de chose en décoration, j'ai plus l'habitude de voir tout ça dans un musée que dans une maison. Tu ne les as pas volé ces tableaux, n'est-ce pas ?

– Ce sont des copies. Simple décoration. Ce que tu peux voir ici, est comme une seconde passion, une sorte de deuxième vie. Une passion commune avec mon père avec qui, hélas, je ne partage pas grand-chose d'autre.

– Aurais-tu une double personnalité, Seth Liam ? lui demandé-je, en me plaçant face à lui. Parce que je persiste à dire que ça peut faire peur à première vue.

– Seulement à toi, alors, sourit-il, personne ne vient jamais ici, donc ça ne risque pas de choquer grand monde.

– Ce n'est pas lassant ? Je veux dire, d'être toujours seul à constamment devoir gérer sa vie, les petits soucis du quotidien et les factures aussi ?

– Ce n'est rien tout ça. Ce n'est qu'une broutille à côté des choses vraiment importantes. Et puis, je ne suis pas tout le temps tout seul, mon père vient passer quelques jours ici de temps à autre.

– Et qu'est-ce qui est vraiment important pour toi ?

– Te voir saine et sauve, par exemple, répond-il, amusé.

Pourquoi rit-il d'une manière si sinistre ? Est-ce ironique ?

– Sérieusement, Seth, montre-moi qui tu es au fond. Je ne veux pas avoir ce voile entre nous sans cesse, sois toi-même avec moi.

– C'est ça le problème. Le problème, c'est toi.

Je n'arrive pas à définir ce sourire narquois qu'il affiche continuellement en ma présence. Est-ce de la complicité ou de l'espièglerie ?

Or, face à son comportement, je sens que la vérité que j'attendais ce soir s'éloigne de plus en plus de moi...

Devil's Lake T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant