Chapitre 85

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« Pour tuer un dieu de la mort à coup sûr, il faut le faire tomber amoureux d'un humain. »

Rem, Death Note.

Nous marchons l'un à côté de l'autre vers la sortie du bâtiment qui rejoint le parking. Sa discussion avec son père me hante encore l'esprit, elle me revient sans cesse en tête, et ça me frustre d'autant plus qu'il fait comme si rien de n'était.

– La semaine prochaine, on va étudier la démonologie en profondeur. Tu en penses quoi ?

– Il n'y a pas de comparaison face au Liéchi. Les anges et les démons sont un monde vraiment à part, j'adorais lire des livres là-dessus avant.

– Et qu'est-ce qui a changé ?

– Je me suis dit à un moment de ma vie, que ça ne servait à rien de s'intéresser à des choses qui ne sont pas tout à fait vrai. Tout cela juste pour contenter certaines personnes. Ça marche un moment, mais il vient un temps où l'on s'aperçoit que c'est juste inutile de se remplir le cerveau avec des créations dérivées ou censurées. Maintenant, je préfère lire des choses concrètes.

– Qu'est-ce qui te dit que ces légendes sont censurées ? Tu as peut-être raison pour ce truc difforme qu'on vient d'étudier, rigole-t-il, mais il n'y a pas de fumée sans feu, Heavan, pas plus qu'une Thérèse Raquin.

Ma parole ! Mais il ne comprend rien à rien !

– Ce sont des censures, Seth. Je pense qu'avec la technologie qu'on a au vingt-et-unième siècle, nous saurions déjà ce qui existe réellement ou pas.

Le déchu cesse de rire et me regarde à la fois peiné et étonné.

– Tu vas sans doute me détester, mais pas mal de chercheurs s'intéressent à ça. Ils auraient trouvé de l'ADN d'ange dans de l'ADN humain. Ce qui prouverait que le Déluge, mais aussi la liaison entre ce monde et le nôtre est réel et non pas fictif.

Ce n'était pas trop tôt...

– Je sais, j'ai lu un article à ce sujet il n'y a pas si longtemps. Un certain site parlait même du Livre des géants, lancé-je en guettant sa réaction.

Seulement, à la place, il acquiesce et n'émet aucune émotions ou expressions qui pourraient le trahir. Il est fort ce crétin...

– Il y a aussi eu des découvertes de crânes de géants au Mexique qui auraient eu des liaisons avec les Hommes, comme le raconte le livre d'Hénoch. Tu te rends compte de l'avancée scientifique ? C'est énorme !

– Ces fameux Néphilims, n'est-ce pas ?

Enfin déstabilisé, il devient muet et cherche à se rattraper, mais aucun son ne sort de sa bouche. Intérieurement, je jubile, car qui ne dit mot consent. J'ai réussi malgré lui, à le mettre dans le bain.

– Si on parlait d'autre chose ? bafouille-t-il, encore perturbé. Je veux éviter de partir sur un énième débat houleux.

– Eh bien, parlons de toi dans ce cas.

– De moi ?

– Oui, j'ai l'impression que tu cherches à te rendre plus gentil que tu l'es vraiment.

– Je te coupe tout de suite ! Je ne cherche rien du tout. Qu'est-ce qui te fais croire ça ?

– Ton comportement, tout simplement. J'ai sans cesse l'impression que tu as envie de prouver que tu vaux mieux que tout le monde, comme de Canaân par exemple.

– Je n'ai pas envie de parler de lui, tu le sais très bien.

Ben voyons, peut-être parce qu'il a honte d'être à ce point menteur, au contraire de Canaân qui, malgré sa façon de faire, dit les choses.

– Très bien, c'est un prétentieux et un pervers narcissique, mais je me demande si tu n'es pas pareil, au fond.

– J'ai compris. Tu cherches à me fragiliser et à me faire parler, c'est ça ?

Son petit rictus narquois ne fait qu'accroître ce que je pense de plus en plus de lui. Il n'est pas tout blanc et je compte bien lui faire cracher le morceau. De quel côté es-tu, Seth Liam ? Du côté déchu ? Ou du côté démon ?

– Ton père t'a dit quoi sur moi ?

– Rien, réplique celui-ci un peu trop vite pour que cela sonne sincère, pourquoi ?

Quel menteur ! Il va finir par se noyer dans ses mensonges au rythme ou il va.

– Vraiment ? Pas même une petite remarque ?

– Rien. J'ai d'autres préoccupations que d'écouter mon père rabaisser quelqu'un.

– Donc il m'a rabaissé ? répété-je, en exultant intérieurement.

En un millième de seconde il se retrouve nez à nez avec moi, le regard noir de colère et la voix grognante.

– Arrête ! N'essaye pas de me pousser pas à bout, ce n'est vraiment pas le moment. Tu as une humeur de chien aujourd'hui ! crache-t-il soudain. C'est mon procès, c'est ça ?

Mon plan commence à fonctionner, il me démontre qui il est réellement au plus profond de lui.

– À quoi joues-tu, Heavan ?

– Tu veux le savoir ? Eh bien, dis-moi ce que tu veux, toi ?

– Rien ! se braque-t-il une fois de plus. Passe chez moi ce soir après les cours, je dois te parler.

– Pourquoi ? Et ton père ?

– Il ne sera pas à la maison.

Sur ces mots, il me laisse en plan au milieu du couloir et s'éloigne vers le parking. Je ne comprends plus rien, ce type est beaucoup trop lunatique.

Devil's Lake T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant