Chapitre 6

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« Chaque acte de rébellion exprime une nostalgie de l'innocence et un appel à l'essence de l'être. »

Albert Camus

J'attends la fin de matinée avec impatience, mais avant cela, je dois assister au cours facultatif de mathématiques.

Ce cours est plus une option imposée pour les élèves pas très doués en arithmétique et qui, hélas pour moi, est intégré automatiquement dans mon emploi du temps au vu de mes anciennes notes calamiteuses.

– Ne vous jetez pas sur les chaises ! crie l'enseignant, Mr.Keep. Je ne veux surtout pas avoir à faire à des groupes de personnes jacassant entre elles sur je ne sais quelles activités de vos vacances, pendant que je me borne à expliquer et ré-expliquer le cours. C'est pour cela qu'il est plus judicieux pour mon confort personnel, que je vous place moi-même ! annonce-t-il d'une voix grave.

Il commence sa liste de binômes, jusqu'à prononcer mon nom.

– Heavan Freffern ! Je me rappelle que vous étiez une étudiante studieuse durant mes cours, je vais donc vous donner un petit défi cette année pour marquer votre retour parmi nous ainsi que pour votre petite traîtrise d'avoir pactisé avec l'ennemi voisin. Je vais donc vous confier le sort de votre camarade Seth Liam. Vous êtes tenace, alors je compte sur vous, car moi, je ne sais plus quoi en faire...

Je tourne ma tête vers ledit garçon. Cela ne présage rien de bon. Je commence à croire qu'on veut ma peau ici et ceci coûte que coûte. Ou bien c'est ce type qui est l'origine de cet imprévu. C'est bien connu, les déchus sont très doué en ce qui concerne la manipulation mentale, alors je dois rester sur mes gardes et fermer mon esprit. Il ne doit rien savoir sur moi de ce qu'il doit déjà savoir à mon insu.

– J'espère que cette année, vous serez plus attentif, Mr.Liam, au lieu de faire des gribouillages, j'aimerais que vous vous appliquiez davantage sur la leçon que sur vos œuvres d'art. Ayez au moins de la compassion pour votre voisine cette fois-ci.

– C'est une blague ? m'exaspéré-je à voix haute.

– Vous dites, mademoiselle ?

Mon karma va avoir raison de moi après toutes mes péripéties déjà durement traversées.

Tandis que le prof continue d'énumérer la liste des autres binômes, je m'assois à la place qui m'a été attribuée et garde les yeux fixés sur ma feuille de cours.

Par la suite, il appelle Lilith Mani-Hora. Cette dernière est placée avec un garçon aux cheveux châtains et de taille moyenne, Mevet Reshev le mec le plus cool et le plus parfait qu'elle n'ait jamais connue, m'avait avoué mon amie en neuvième année. Apparemment, elle n'a pas changé d'avis, car depuis, ils sont en couple.

Je ne suis pas le reste du plan de classe, trop obnubilée par mes pensées, les yeux rivés vers la fenêtre donnant sur une immense vue du lycée et du site universitaire.

Malheureusement, ma contemplation s'achève prématurément à cause de ce type louche à mes côtés qui commence à jacasser tout seul.

– Tu es bizarre, me lance-t-il d'un ton morne, ses yeux sombres posés sur moi.

– Je te demande pardon ?

Malgré l'effort incommensurable dont je fais preuve afin de l'ignorer, je le fusille du regard sans que je ne le veuille. Qu'est-ce qu'il me veut ? Pourquoi me parler sur un ton aussi rogue ?

Sans plus amples explications, il me fixe, un sourire malicieux se dessinant lentement sur le coin de ses lèvres charnues. Je pique un fard, désabusée.

– Le mot « bizarre » n'est pas toujours péjoratif. Ne prends pas la mouche aussi facilement.

– Si tu essayais de m'oublier ? balancé-je, d'un ton hargneux bien qu'il me fiche la frousse.

Ce n'est vraiment pas le moment de jouer avec mes nerfs, mais cet idiot se contente de ricaner avant de retourner à ses gribouillis morbides.

Or, c'est bien plus que ça, car ses esquisses représentent des visages sombres, sans réels traits visibles. Et ce sont exactement les mêmes personnages que je dessine continuellement depuis l'absence de mon père.

Des Possédés et des Damnés, me dis-je, le dernier Ordre de la hiérarchie démoniaque sous les ordres des démons des rangs supérieurs.

Il n'en faut pas plus pour confirmer que ce type à une chose en commun avec moi...

Le cours est d'un ennui indescriptible. J'essaie en vain de prendre des notes face à un prof qui dicte son cours sans lui donner d'âme.

De plus, je dois ajouter à cette épreuve les regards moqueurs de mon voisin, ainsi que son stylo crissant sans cesse sur la table.

Tout cela me met dans un état plus que désespérant, je vais vraiment défaillir incessamment sous peu. J'ai besoin de m'évader, d'extraire cette pression qui s'agglutine en moi.

Ça l'amuse de jouer avec moi...

Ce soir, je dois m'y remettre, je dois réessayer ce que j'ai déjà tenté des dizaines de fois, sans grand succès.

Or, d'un coup, le petit manège de mon camarade s'arrête pour laisser place à un chantonnement plus ou moins surprenant :

– « Je m'en irai dormir dans le paradis blanc...» fredonne-t-il, d'une voix paradoxalement calme et douce, « là où le monde a commencé... »

Une chanson française ? Décidément, je ne pensais pas qu'un type dans son genre pouvait aimer la variété française.

Toutefois, essaierait-il de me faire comprendre quelque chose derrière ses paroles lourdes de sens ?

Devil's Lake T1Där berättelser lever. Upptäck nu