Chapitre 13

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« Qu'est-ce que la chute ? Si c'est l'unité devenue dualité, c'est Dieu qui a chuté. En d'autres termes, la création ne serait-elle pas la chute de Dieu ? »

Charles Baudelaire

Depuis la rentrée, il s'est produit beaucoup d'événements plus ou moins étranges autour de moi.

Le premier cours d'aujourd'hui commence à huit heures trente et il me donne déjà la migraine. C'est un peu trop tôt à mon goût, surtout en ce qui concerne une matière si dense à traiter comme l'histoire, notamment avec cette énième horrible nuit que j'ai enduré.

Autrement dit, je suis exténuée. J'ai fait des recherches pratiquement toute la nuit afin de comprendre ce qui a bien pu m'arriver la première nuit de la rentrée. Et il y a encore beaucoup de choses que je n'arrive pas à expliquer.

– C'est quand même dingue que ce Henri III soit peu connu, enfin, je veux dire qu'on ne parle pas beaucoup de lui, ce qu'il a fait est juste énor...

Je ne l'écoute plus au moment où je vois Seth, appuyé contre le mur au tout premier rang me fixer sérieusement et d'une humeur peu amicale. Je l'avais presque oublié celui-là.

– Il y a quelqu'un ? Ici la Terre !

– Excuse-moi, j'étais dans mes pensées, bafouillé-je en me retournant vers elle.

– Hey ! Je n'avais pas remarqué ça ! Qu'est-ce qui t'es arrivé au visage ?

– Rien de bien grave. Tu me connais, je suis très maladroite.

– Sacré toi ! glousse-t-elle avant de reprendre son monologue. Enfin bref, je disais que...

Ce qui est sûr, c'est que je suis trop épuisée pour réussir à la suivre. Je suis même soulagée quand la première pause des deux heures de cours sonne enfin.

Ce n'était pas trop tôt ! se plaint ma conscience.

– Je reviens, me prévient ma voisine tout en se levant, j'ai besoin de ma dose de caféine, ça m'aide à tenir la matinée.

Sans Lilith, je me retrouve seule au monde. À dire vrai, je ne fréquente personne d'autre dans cette classe, hormis elle. Le stress grimpe d'un cran quand j'ose lever la tête de quelques centimètres à peine et que je vois le nombre d'élèves devant moi. Je sens des sueurs froides arriver incessamment sous peu.

Qu'est-ce que je fiche ici au lieu de chercher des réponses à mes questions ? Je meurs à petit feu dans ce cours soporifique.

– Tu n'as pas l'air tout à fait réveillé.

Dans un sursaut, je redresse la tête afin de savoir qui a failli mettre fin à ma vie.

– Non, bégayé-je, en fixant Seth comme une idiote.

– Tu vas bien ? Pas trop cauchemardé ? ajoute-t-il, un rictus aux lèvres.

– Hein ? Si, enfin non pas vraiment, mens-je, dans le but de cacher mes angoisses.

– Aurais-tu encore les séquelles d'un ballon reçu un peu trop fort sur la tête, Heavan ? enchérit-il, ne se défaisant pas de son sourire.

Il se paye encore de ma poire ou bien je fabule à cause de la fatigue ?

– Je te demande pardon ?

– Aïe ! Ce n'est pas bon signe ça.

– De quoi est-ce que tu parles au juste ?

Ce dernier s'assoit à la place de Lilith avant de me répondre en s'esclaffant :

– D'une potentielle amnésie suite à un choc brutal. Excuse-moi, je m'y prends peut-être mal, mais j'essaie d'avoir une discussion plus ou moins... Civilisée. Je ne comptais pas me moquer de toi.

– Ne te gêne pas, j'ai l'habitude de toute manière. J'ai toujours été plus ou moins la risée de la classe. Mais bon, ce n'est pas ça le vrai problème aujourd'hui.

– Explique-moi ?

– Désolée, oublie ce que je viens de dire.

– Je vois ça. Pour le coup du ballon, d'habitude personne n'est dans les gradins à cette heure-ci. On a joué comme des sauvages, tu vois le genre entre mecs.

– Je vois très bien oui, je l'ai même senti.

– Ce n'était pas vraiment volontaire, mais ça a eu le don de te réveiller au moins.

Pas vraiment volontaire ? Que veut-il dire par là ? relève mon moi intérieur, surprit.

C'est bizarre, il semble très à l'aise alors qu'il est toujours plus ou moins menaçant avec moi. Son humeur est vraiment changeante.

– Tu étais dans le collège du coin avant ? quémandé-je, afin de changer de sujet.

– Non, réplique-t-il, en faisant tourner un stylo entre ses doigts.

– Tu n'es pas venu au lycée depuis quelques jours, qu'est-ce qui s'est passé ?

– Il a fallu que j'aille régler deux ou trois choses.

– Oh ! Navrée, ça ne me regarde pas.

– C'est exact.

– Au fait, je pensais qu'on ne devait pas se parler devant les autres ? continué-je, quelques minutes après.

– Ah ! Ça, sourit-il, gêné, laisse tomber.

– Explique-toi ?

– Je n'ai pas envie d'en parler.

Je tente d'insister malgré tout, mais il n'y a rien à faire. Ce n'est pas facile de lui tirer les vers du nez à ce type.

– Tu ne crois pas qu'il y a un problème, là ? intervient une voix féminine.

Devil's Lake T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant