Chapitre 2

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« Écrire des romans est un acte de rébellion contre la réalité, contre Dieu, contre la création de Dieu qui est la réalité. »

Mario Vargas Llosa

Lorsque je me prépare dans ma chambre, je repense à la règle de base que j'avais totalement oublié avant de revenir ici, qui est de porter l'uniforme au lycée. Je peux au moins me réjouir sur le fait que ma mère ait tenu parole et qu'elle m'ait offert son ancienne voiture. C'était sa promesse, avant ce maudit divorce.

Divorce qu'aujourd'hui je digère plus aisément grâce à la trahison et à ma découverte concernant la stature de mon père.

Un quart d'heure plus tard, j'approche de Bethléem, mon ancien lycée. Un nom qui m'a toujours paru étrange de par sa provenance.

Il est encore un peu tôt, mais le soleil perce déjà le ciel de ses rayons chaleureux. Cela dit, rien ne change au fait qu'il fasse toujours aussi froid et humide, une épreuve pour mes cheveux châtains très rebelles qui bouclent dans tous les sens par ce temps.

J'ai presque une demi-heure d'avance, mais attendre seule chez moi une minute de plus aurait été une vraie torture, mentalement parlant. Je me mets donc à chercher une place pour garer mon véhicule, idéalement dans un coin pas très loin de la sortie du parking, qui est toujours extrêmement bondé.

Les bâtiments sont toujours aussi lugubres et austères qu'auparavant, tout est fait de béton non peint, tout comme des blockhaus restaurés sous les airs d'un lycée. Cela donnerait tout de suite envie de fuir pour un simple mortel, ce qui est loin d'être mon cas.

La noirceur m'attire de plus en plus chaque jour qui passe... que je le veuille ou non. Je me sens bien dans ces ténébres qui font de moi ce que je suis à présent.

La boule au ventre, je me précipite tête baissée sous une soudaine pluie battante. Pourtant, le soleil était bien présent il y a à peine deux minutes. Décidément, ce temps lunatique me ressemble beaucoup trop ces temps-ci.

Je retrouve très vite mes repères, malgré le fait que je suis en avance. Je n'ai pas très envie de croiser une foule dense et étouffante, alors je fonce tout droit récupérer mon emploi du temps au secrétariat et rejoindre la salle où j'ai ma première heure d'étude.

Certains élèves autour de moi rient de bon cœur, d'autres sont en pleine séance de coiffage et de manucure. Plus loin, les plus téméraires sont déjà à fond dans la contemplation de leurs manuels scolaires. Moi, je balade mon amertume et ma profonde solitude comme un boulet au pied, mais au plus profond de mes entrailles, je n'ai qu'une hâte : en apprendre plus sur le monde d'où je viens.

En me hâtant dans les escaliers, afin de semer cette silhouette flottante qui me suit sans cesse, je garde la tête baissée comme une fille qui fuit une situation gênante. Dans ma fugue, je bouscule quelqu'un d'un peu plus grand que moi, vêtu d'une veste en jean. Mon sac tombe à la renverse et s'ouvre sur le coup du choc.

La poisse ! Ça ne va pas arranger mes affaires si je commence comme ça.

– Fais gaffe ! râle-t-il, retenant malgré tout mon bras, afin que je ne m'écrase pas sur le sol.

Immédiatement, je me retire de sa poigne de fer, prise de picotements dû à l'électricité statique apparue au contact de nos peaux et rassemble toutes mes affaires éparpillées par terre.

Cette sensation était étrange, l'échange avec ce type dont je ne connais pas le visage m'a déstabilisé. Pas agréablement, bien au contraire. C'était comme si nous n'aurions jamais dû nous toucher.

Envahie par la honte, j'accours dans les toilettes les plus proches, déboussolée par mon entrée en scène qui n'est malheureusement pas passé inaperçu.

Devil's Lake T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant