Chapitre 37

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Sur mon palier, juste devant ma porte, se trouve Chris qui a les mains chargées. Timidement, il me sourit et se relève. Je ravale mes larmes et n'ose pas le regarder bien qu'il se soit déjà aperçu de mes pleurs. 

Le visage détourné, je cherche à tâtons mon trousseau dans mon sac. C'est dans ces moments-là que je maudis les sacs dix fois trop grands qui renferment mon barda. Après quelques secondes de recherche acharnée, j'ouvre ma porte tandis qu'il s'est décalé sur le côté pour me laisser passer sans un mot. 

Je vois qu'il n'ose pas parler. Il a peur de ma réaction prochaine et ne sait pas comment s'y prendre. Cependant, je devine qu'il me connaisse mieux qu'il ne le croit et qu'il est conscience de mon impulsivité.

— Que fais-tu là ?

Il agite devant mes yeux la bouteille qu'il tient dans sa main droite et dans l'autre un sac qui vient du Chocolat chaud. Je réfléchis un instant avant de le débarrasser en premier lieu de la bouteille et de nous faire entrer. 

Dès que nous pénétrons dans mon appart, Amour court et vient se frotter entre nos jambes. Je dépose la bouteille et mon sac sur la table de l'îlot. Chris est embarrassé et ne sait pas où se mettre tandis que je le toise depuis mon tabouret. Il est d'abord accaparé par Amour qui est heureux de le revoir. Je le regarde le caresser affectueusement tout en débouchant la bouteille. Le bouchon vole dans les airs nous surprenant tous les deux et rompant le calme.

Je pleure de plus belle, les nerfs à fleur de peau. Instantanément, Chris dépose Amour et s'installe sur le second tabouret face au mien. Il passe une main sur ma joue pour essuyer les larmes qui y coulent.

— Veux-tu en parler ? me demande-t-il doucement pour ne pas me brusquer.

Je secoue la tête avant de porter le goulot à mes lèvres mais je suis interrompue par Chris qui m'arrache la bouteille d'un air désapprobateur.

Il se lève à la recherche de verres à vin mais il n'en trouve aucun et se trouve obligé de verser le vin dans des mugs devant mon sourire amusé. Il ouvre le sac et en sort une boîte qui renferme différentes spécialités écossaises. Je suis étonnée parce qu'au Chocolat chaud, ils n'en préparent rarement voire jamais. Concentré, il s'assoit avec une cuillère qu'il pointe vers la boîte.

— Si je me souviens bien et excuse-moi si j'écorche certains noms... millionaire shortbread, peach cobbler, scones aux raisins secs, butter tarts, dundee cake et cranachan, énumère-t-il.

— Ils ne font que des scones aux raisins secs, comment as-tu pu avoir autant de spécialités écossaises au Chocolat chaud ? lui demandé-je curieuse.

Il plonge la cuillère dans le cranachan avant de glisser la cuillère entre mes lèvres.

— Je leur ai demandé ce matin de réaliser cette commande spéciale pour dix-sept heures, glisse-t-il avant de goûter à son tour cette merveille faite de mûres, de flocons d'avoine et de yaourt.

— Aussi rapidement ?

— Je t'avoue que sur le moment, ils ont rigolé mais lorsque je leur ai dit que j'étais prêt à payer cher pour la fille qui aurait le plaisir de les déguster, ils ont accepté de relever le défi... me confie-t-il.

Je rigole et le traite de malade avant de plonger sur un scone que je mets entier dans ma bouche. À son tour, il rit. Je dévore presque tout goulument et lui fais goûter toutes ces spécialités qui me rappellent ma mère. 

Je laisse la part de peach cobbler sur le côté. L'homme de la Victoria Line l'a remarqué et me demande si je n'aime pas ce dessert.

— Le meilleur pour la fin... soufflé-je. Ma mère adorait en faire pour mon père et il semblerait que j'ai hérité des préférences culinaires de mon papa. Une fois, j'ai dévoré tout le plat qu'avait préparé ma mère un dimanche matin et j'ai été malade toute la nuit, continué-je dans un demi sourire me remémorant cette nuit atroce.

Chris éclate de rire et s'exclame qu'il n'est même pas étonné par ma révélation.

— Puis-je goûter avant que tu ne te goinfres de la huitième merveille du monde selon tes dires ? m'interroge-t-il, taquin.

J'acquiesce et porte à ses lèvres la cuillère qu'il capture voracement. Il fait mine d'exploser de plaisir sous mon rire sous-jacent.

Je dépose la cuillère et attrape un morceau de pèche que je fourre dans ma bouche.

— Où sont passées vos bonnes manières, mademoiselle Jocelyne ? m'embête-t-il.

— Les bonnes manières sont pour les gens riches une manière de se sentir supérieurs à ceux qui n'en ont inculqué aucune par faute d'éducation, lui déballé-je avant de tirer la langue.

— Intello ! riposte-t-il avant de s'emparer de mes doigts gluants qu'il goûte sous mon regard fiévreux.

Victoria Line (T1 de Thistly Heart)Where stories live. Discover now