Victoria Line (T1 de Thistly Heart)

Chapitre 4

Je repère sans mal Lola.

Elle se trouve au milieu de l'amphithéâtre et s'agite nerveusement pour que je la remarque. Les bras en l'air, elle me fait signe. Arrivée à sa rangée, je suis forcée de demander à des étudiants déjà assis de me laisser passer, suscitant des mines embêtées et des plaintes que j'ignore.

Lola me saute au cou lorsque je suis à sa hauteur. Elle me dépasse d'une tête aujourd'hui. Pourtant, je ne suis pas petite. Ses nouvelles bottines lui confèrent quinze centimètres supplémentaires. Comment elle fait pour ne pas se briser les chevilles avec ces instruments de torture ?

— Alors, miss, on sèche les cours de la matinée ? me questionne-t-elle d'humeur taquine, arquant les sourcils.

Je lève les yeux au ciel.

C'est très rare que je ne vienne pas en cours. La plupart du temps, mes absences se justifient par une raison médicale, et je ne suis quasiment jamais malade. Il paraît que j'ai une santé de fer. Une vraie force de la nature, la petite Jo !

— J'avais un « problème » masculin à régler.

J'accentue le mot « problème » en mimant des guillemets avec mes doigts alors qu'elle m'écoute attentivement le stylo coincé entre les dents, comme si je disais la chose la plus intéressante du monde.

— Est-ce qu'il baise aussi bien qu'il fait les cocktails ?

Les deux gars assis devant nous pour notre cours de neuropsychologie ont un mouvement subtil de la tête. Ils nous jettent furtivement un coup d'œil gêné avant de s'échanger un sourire de connivence. Aux bribes que j'ai entendues, leur conversation ressemble vaguement à la nôtre. Je ne suis pas la seule à avoir tiré mon coup hier soir.

— Je lui octroie un bon huit !

Le visage de mon amie se teinte de surprise. Elle ne s'attendait sûrement pas à une si bonne note de ma part.

J'acquiesce alors qu'elle me demande si je ne mens pas. Elle me donne un coup de coude complice.

— Allez ! Raconte-moi ! Maintenant que tu m'as donné le teaser de ta nuit de folie, j'ai envie d'en connaître les détails croustillants !

Je lève les mains en l'air avant d'abdiquer pour son plus grand plaisir.

— En plus d'avoir été gâté par Dame Nature, ce gars sait faire grimper lentement la température, si bien que tu te sens fondre sur place d'impatience. Et il peut être doux et sauvage à la fois. Crois-moi lorsque je te dis « sauvage », mon rideau de douche en a fait les frais !

Les garçons devant nous se sont arrêtés de discuter pour écouter avec le même intérêt que Lola le récit de mon aventure.

— Waouh ! Moi aussi, j'aimerais bien passer une telle nuit pour mon anniversaire !

— Tu veux que je te refile son numéro ? Il me l'a griffonné sur un post-it qu'il a laissé sur le frigo, mais je n'ai pas du tout l'intention de l'utiliser. Jamais deux fois le même coup !

Elle grimace de dégoût, me jurant qu'on ne touche pas aux hommes que se tapent les copines. Nous avons la même politique en la matière.

Cet Abraham a beau être attentionné, je ne le recontacterai pas.

Toute relation avec moi est vouée à l'échec. Je ne suis jamais tombée amoureuse, et la seule relation que j'ai voulu entreprendre par le passé s'est soldée par une rupture. D'ailleurs, je ne préfère pas réfléchir à la façon dont les choses ont mal tourné.

— Au fait, où est Scott ? lui demandé-je, curieuse.

Lola rougit jusqu'à la racine, et je devine qu'il s'est passé quelque chose hier soir. Elle se frotte les doigts nerveusement. Je suis obligée de passer mes mains sur les siennes pour qu'elle se souvienne qu'elle peut tout me dire. Qu'elle n'est pas seule.