Chapitre 17

700 64 64
                                    

Mercredi, 29 mars 2017

Je jette un œil à ma montre. Il est à peine dix-sept heures trente. L'heure à laquelle Chris m'a donné rendez-vous.

Je regarde la demeure qui me fait face. Elle est pile poil comme je me l'étais imaginée. Une belle maison blanche aux volets vert foncé avec des marches en pierre bleue, située dans la petite banlieue chic de Darmouth Park.

Je frappe la porte à l'aide du heurtoir. Le cœur battant, je patiente quelques secondes. J'hésite encore à m'enfuir à toutes jambes. J'ai été folle de me proposer à garder un gosse. Un enfant qui n'est pas le mien et qui doit être intenable avec les étrangers.

Mes élucubrations sont stoppées net par la porte qui s'ouvre. La poitrine bombée, je passe une main fugace dans mes cheveux. Je sors mon sourire charmeur, mais ce dernier se fane en découvrant une tout autre personne à laquelle je m'attendais.

Elizabeth ?

— Bonsoir, Jo. Entrez, il fait froid !

Je sers la main qu'elle me tend et la laisse m'inspecter de la tête aux pieds. Au vu de la grimace qu'elle tire, ma tenue lui paraît étrange.

Pourtant, je porte sous mon short des bas résille et ai enfilé ma veste oversize en jeans au-dessus d'une chemise à carreaux qui appartenait à mon père. Rien d'extravagant. Maintenant, il est vrai que nous n'appartenons pas au même monde. Même en training, Elizabeth est sublime !

Je remarque une valise derrière elle dans le hall d'entrée. Elle s'apprête seulement à partir.

— Vous nous sauvez la vie ! J'espère que vous avez trouvé facilement la maison.

Je ne peux que hocher la tête car je suis subjuguée par la décoration. Mon deux-pièces est minable comparé à cela.

Mes pieds frôlent un magnifique tapis persan. À force de lever la tête pour contempler le lustre rétro, je risque d'attraper un torticolis. Tout est bien décoré dans le moindre détail. Le hall est si chaleureux qu'il donne envie de visiter le reste de la maison.

La femme de Chris m'examine avec amusement. Elle doit bien rigoler mentalement devant ma mine émerveillée.

— Vous avez déjà gardé des enfants ? me questionne-t-elle.

Je n'en ai jamais gardé. À vrai dire, je ne supporte pas les gosses. Les enfants du village me donnaient de l'urticaire ! Combien de ballons ai-je crevés car je ne supportais tout simplement pas les entendre rebondir ? Au moins, une petite dizaine...

— Oui, je les adore !

Elle frappe dans ses mains, ravie d'entendre un tel mensonge, puis me tend la liste des aliments auxquels Jamie est allergique et ce qu'il n'aime pas manger.

Fhabl ! Je n'avais pas pensé au dîner. Je vais donc devoir lui concocter un petit plat « façon Jo » ? Le pauvre risque de mourir empoisonné, s'il goûte une assiette préparée par mes soins...

Elle m'ordonne aussi de ne pas le laisser veiller tard devant la télévision. Maximum vingt heures, car il a école le lendemain ! J'ai l'impression qu'elle m'énumère tel un commando les règles strictes de l'armée. 

À vingt heures, je traînais encore au bar aux côtés de ma mère, et je ne mangeais jamais de la grande cuisine. Je me souviens des haricots blancs à la sauce tomate que je mangeais goulument à la cuillère, alors que ma mère me conseillait de les tartiner sur des toasts grillés.

— Jamie joue dans sa chambre. Il va descendre avec son père, me révèle-t-elle, toujours aussi rigide que Nanny McPhee.

Elizabeth est loin de ressembler à la célèbre gouvernante. Son nez n'est pas pointu comme celui d'une sorcière, et sa figure ne comporte pas des verrues. J'envie son teint de pêche, ses longs cils de biche et ses pommettes hautes.

Victoria Line (T1 de Thistly Heart)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant