Chapitre 2

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— Voilà la plus belle !

Je n'ai pas le temps de relever la tête que je sens des bras imposants m'enserrer. Ils me soulèvent pour me compresser contre un torse familier. Je renifle le parfum typiquement masculin de mon patron, mêlé aux effluves de tabac.

Fumer à outrance le tuera un jour. Je ne compte plus depuis longtemps ces nombreuses pauses clope, et loin de moi l'envie de lui donner une leçon de morale ! Sous ces traits bourrus, se cache un grand anxieux. Selon lui, la nicotine l'aide à relâcher la pression en stimulant son système nerveux.

Enfin, Harry me repose à terre après m'avoir souhaité un bon anniversaire. Il me jette par-dessus le bar un torchon que je réceptionne, la mine déconfite.

Travailler le soir de ses vingt et un ans, ça craint. Dire que je pourrais être de sortie avec Scott et Lola... Je serais sûrement en train d'enchaîner les shots de tequila, tout en me déhanchant, si je ne tenais pas un minimum à ce job étudiant, et surtout à l'argent que je gagne !

— C'est pas sympa de me faire travailler le soir de mon anniversaire !

Harry me sourit de toutes ses dents, lorsque je lui présente une langue tirée dans les règles.

Il sert les premiers clients de la soirée. Ceux qui font presque partie des meubles du pub. Il dépose deux bières devant Barry et Jack.

Ces derniers pivotent sur leur tabouret et lèvent leur verre en l'air. Ils renversent un peu de leur contenu par la même occasion — que je devrai nettoyer plus tard, pensé-je.

— Joyeux anniversaire à la meilleure et la plus sexy des serveuses que le monde connaisse !

Je les corrige en marmonnant : « Que vous connaissez... ». Je les embrasse chacun à leur tour, tout en les remerciant.

— Quel âge ça te fait ? Tu commences à devenir vieille, non ? Regarde-moi ces muscles tout flasques ! me taquine Harry, en palpant l'un de mes biceps au passage.

— Vingt et un ans, Harry. Peut-être que je suis maintenant vieille comme toi, mais je suis toujours en forme pour te botter le cul si tu me cherches !

Je couronne la menace d'un coup de torchon sur son postérieur. Mon geste ne le scandalise pas.

Au contraire, il ricane face à mon audace, pendant que j'attache mon tablier autour de ma taille. La relation qu'il y a entre lui et moi dépasse celle entre un patron et son employée. Il est, en quelque sorte, le grand frère que je n'ai jamais eu.

— Fais gaffe à ce que tu dis devant mes clients ! Je pourrais très bien te virer !

Je le contourne derrière le bar et le pousse d'un coup de hanche afin de prendre sa place.

— Je te mets au défi de le faire, rétorqué-je.

Lors de mon premier jour au pub, Harry avait décidé de me mettre à l'essai. Il avait peur de la gamine qui, du haut de ses dix-huit ans, se vantait de savoir servir une pinte, les paupières closes.

Mon adresse avec la tireuse aurait dû lui éveiller quelques soupçons, à défaut de l'estomaquer. Bouche bée, il n'en revenait pas. Il bredouillait son étonnement, alors que je jubilais intérieurement.

En fin de compte, je lui ai avoué que j'étais allée à bonne école, en ayant une mère tenancière d'un pub.

Je bois une gorgée de la bière que je viens de me servir sous son regard mécontent. Je justifie ce rafraîchissement alcoolisé pendant mes heures de travail par le simple fait que c'est mon anniversaire. Mon explication le déride.

Victoria Line (T1 de Thistly Heart)Where stories live. Discover now