Chapitre 35

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Je transpire à grosses gouttes dans ma course jusqu'au Chocolat chaud.

Lola me fait de grands signes depuis la terrasse. Je suis surprise de la découvrir en face de Scott. Ce dernier essaie tant bien que mal de la calmer.

— Est-ce que tu essayerais de me détourner des hommes, Lola ?

Je lui plante un baiser sur la joue, alors que la tête de Scott a viré au cramoisi.

La pin-up est très jolie dans une mini robe vichy. La monture de ses lunettes en forme de cœur ajoute à sa tenue une petite touche excentrique. Totalement en accord avec son tempérament exalté !

— Ne raconte pas de bêtises ! Tu ne trouves pas que Scott est plutôt sexy dans cette chemise ? rit-elle en me faisant un clin d'œil raté.

Elle a encore des progrès à fournir !

Après avoir aplati les frisettes de Scott vers l'arrière, je dépose mes lèvres sur sa barbe naissante. Mal à l'aise, il rougit davantage tandis que mes mains glissent sur ses épaules avant de palper ses biceps.

— Tu as parfaitement raison. C'est qu'il est musclé, le beau gosse ! Alors mon mignon, pourquoi tu n'as jamais cédé à mes charmes ?

Scott ne sait plus où se mettre tellement il est gêné. Néanmoins, il renverse rapidement la situation. Ses bras emprisonnent ma taille. De force, il me fait asseoir sur ses cuisses.

— Est-ce que tu aurais oublié comment on s'est rencontrés, Jo Winsley ?

Je fronce les sourcils, et Lola affiche la même expression confuse.

La question de Scott m'affole plus que de raison. Je n'ai pas le souvenir d'avoir couché avec lui. Oh non ! Je devrais ?

Même si je me suis rendue à de nombreuses soirées arrosées, j'ai toujours conservé mes moyens. Quoique... Pas tous ! Mais je ne me suis jamais saoulée au point d'oublier un visage.

— Waouh ! Alors tu ne t'en souviens pas ? Tu étais si bourrée que cela ? continue-t-il.

Mon rythme cardiaque s'intensifie. Je ne peux pas avoir couché avec mon meilleur ami !

Tiraillée entre le besoin de savoir et le dégoût, je secoue la tête.

— Septembre 2014, juste avant la rentrée académique. Tomas avait organisé une soirée et tu te déhanchais sur Blurred Lines, prête à faire un striptease. Tu étais à peine stable sur la table basse du salon. Je t'ai réceptionnée avant que tu ne valses dans les airs. J'ai dû te transporter jusqu'à la salle d'eau parce que je craignais que tu ne vomisses, mais à la place, tu n'arrêtais pas de crier : « Pas besoin d'être aussi pressant, Jesse Williams ! ».

Il arque un sourcil, croyant que ses éclaircissements clarifieraient la zone d'ombre. Cependant, le trou noir persiste. Aucun souvenir ne me revient.

Lola, hilare, ne cesse de répéter le nom de l'acteur dont j'avais affabulé Scott.

— Mon Dieu ! Combien de verres tu avais ingurgité cette nuit-là ? s'inquiète-t-il avec un ton paternaliste. Je parie que tu as aussi rayé de ta mémoire le moment où tu t'es jetée sur moi pour m'embrasser ?

— Par pitié, épargne-nous les détails ! intervient Lola, rebutée.

— Je vous rassure : il ne s'est rien passé. Ce n'est pas mon genre de profiter d'une fille ivre !

Avant la mi-septembre, je ne connaissais pas encore Lola et Scott. Je dormais le jour et sortais la nuit pour boire et fumer.

— Cette nuit-là, je t'ai tenu les cheveux alors que tu rendais tes tripes et je t'ai épongé le front tandis que tu me répétais que j'étais, en plus d'être beau comme un dieu, un bon samaritain !

Il écarte de ma vue une mèche de cheveux rebelle.

Je nous imagine tous les deux, trois ans auparavant, dans la salle d'eau de l'appartement de Tomas, assis sur le carrelage froid. Lui, en train de prendre soin de moi. Moi, au fond du gouffre, percevant de la lumière en lui.

— Merci de m'être venu en aide, mon bon samaritain...

— Mais, Scott, pourquoi tu ne m'as rien dit quand je te l'ai présentée un mois plus tard ? lui demande Lola, interloquée.

Il prend du temps avant de répondre, cherchant une explication logique.

— J'ai compris qu'elle ne se souvenait pas de moi. J'ai préféré démarrer notre amitié sur un moment dont on se souviendrait aujourd'hui, sourit-il avant de rabattre ses lunettes de soleil sur son nez, un brin charmeur.

Lola accepte sa réponse, mais avertit Scott qu'il ne ressemble en aucun cas à Jesse Williams.

— Bon, en plus d'être beau comme un dieu ! lui rappelle-t-il, un brin vantard.

Je me relève des genoux de Scott pour enfin aller me chercher une boisson.

Devant Lola et Scott, j'essaie de faire bonne figure. Néanmoins, une fois, à l'intérieur du café, mon visage se décompose.

Je ne me souviens peut-être pas de cette nuit-là, mais je me souviens de ma descente aux enfers. Ce besoin de boire pour échapper à ma vie. Cette envie de me servir de tous les hommes.

Encore, maintenant, certains travers persistent.

Victoria Line (T1 de Thistly Heart)Where stories live. Discover now