Strawberries & Cigarettes.

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         Pour sortir, il fallait passer par la porte du derrière de la cuisine qui donnait directement dans l'escalier traversant l'ensemble de l'immeuble, où la sortie débouchait dans le Parking sous terrain. Cet escalier est rarement utilisé, dû au fait que la majorité des gens sont trop fainéants, donc ils préfèrent largement utiliser l'ascenseur, même pour aller aux premiers étages. J'habite aux 6iem étage, et comme j'aime marcher au lieu de se confiner dans une boite métallique, je passe toujours devant la porte de la cuisine du restaurant se trouvant aux 5iem étage. Lors des soirées tardives où je rentrais tard, des arômes alléchants me chatouillaient les narines car l'endroit est plus bondé le soir, et des fois, je m'arrêtais devant en hésitant durant une trentaine de seconde si je pouvais y entrer et goûter à ces plats. Mais pas une seule fois, alors que ce manège durerait presque 2ans, je n'y suis jamais entré. Je me doutais que les plats devaient être couteux, et malheureusement, je n'ai pas le luxe de m'offrir cela car le prix pourrait me nourrir pour quatre repas.


         La toute première fois où je l'ai rencontré, il a failli me percuter car il courrait et j'étais juste placé debout devant la porte. Je me souviens très bien : c'était un vendredi. J'étais rentré tard car j'ai traîné avec mes amis. Il s'est excusé avec politesse quoique ce fût effectué avec empressement. Je l'ai regardé dévaler les escaliers, son sac qui oscillait suivant le rythme de son corps. Pendant un bref moment, j'ai failli lui crier de faire attention car sinon il risquerait de tomber en se fracturant un os.

         Puis la seconde fois où je l'ai revu, c'était également un vendredi. Cette fois-là, j'ai un peu bu. Il faisait vraiment tard, presque 21h. J'ai d'abord ramené HoSeok puis JungKook chez lui. J'ai pensé prendre l'ascenseur mais finalement, je m'étais dit que transpirer m'aiderait grandement à évacuer l'alcool dans mon organisme. Au début, l'on aurait cru être des miaulements ; mais une fois que je m'étais arrêté ; j'ai pu clairement identifier les sons : c'étaient des pleurs, des sanglots qu'on essayait de réprimer et d'étouffer. J'étais très embrassé : que faire ? Hors de question de faire demi-tour car la porte reliant les escaliers et le couloir de l'étage où je me trouvais est bloquée. J'ai tout même fini par poursuivre ma route après une longue hésitation. Passer rapidement, feindre de ne rien voir : telles ont été mes pensées. Mais je n'ai pas pu les appliquer : ma tête a tourné vers la masse assise contre le mur, repliée sur lui-même. C'était indéniablement le même garçon qui dévalait trop rapidement les escaliers l'autre fois m'ai-je fait la remarque interne.

          La troisième fois où je l'ai vu : c'était toujours un vendredi : il marchait devant moi. Ses pas étaient d'une lenteur frustrante. On aurait dit quelqu'un qui souffrait aux genoux. Pourtant, malgré ma précipitation, je ne l'ai pas devancé. Je n'ai pas su où il était allé ; mais je sais qu'il n'habitait pas dans l'immeuble. Peut-être se rendait-il sur le toit me suis-je alors dit. Et j'avais eu raison. Le lundi suivant ce jour, j'avais eu une furieuse envie de fumer. Oh, je ne suis pas un fumeur, juste que finir une tige de cigarette m'aide généralement à me calmer et à me déstresser. Un moyen peu conventionnel j'admets, mais ça marche. Je l'ai retrouvé, debout près du garde-corps de l'immeuble. Non, ma conviction était faîte : il n'allait pas sauter pour se suicider ; pas du tout.

          Téméraire comme je le suis, je l'ai approché mais j'ai dû être très silencieux car en prenant la parole, il a tressauté de surprise et a même porté sa main à son cœur. Avec un sourire désolé, je me suis excusé. D'humeur à discuter, la conversation fût engagée par moi. Au début, s'il répondait par monosyllabe, à force de persévérance et jovialité non feinte, sa langue a fini par se délier.
           Min YoonGi, 25 ans : ce sont les informations que j'ai réussi à lui soutirer. Il m'apprit également qu'il travaillait en tant qu'aide-cuisinier dans le resto au 5iem ; ça je le savais déjà. Il a confié que la vue prodiguée par l'endroit où nous nous tenions était rassurant et époustouflant, qu'elle lui conférait un sentiment de sérénité. Malgré les bruits ? Avais-je demandé. Il s'est alors tourné vers moi et d'une voix dénuée d'émotion, il a répondu 'Oui, car ça témoigne la présence de la vie. Qui aime rester dans le silence absolu?'. Moi, avais-je répliqué. Cette fois-ci, un sourire triste a naquis sur son visage : 'Tu ne peux pas comprendre' a-t-il simplement répondu.

         Des mois après cet épisode, j'ai finalement compris ce qu'il disait hors de ma compréhension.

          Rester sur le toit, à converser malgré le froid, le vent, la pluie ou encore la neige. Oui, deux jours avant Noël, il était là, emmitouflé dans un gros doudoune faisant deux fois sa taille, avec son ridicule et énorme bonnet bleu. Nous nous étions considérablement rapproché, mais seulement sur le toit car jamais aucun de nous n'a mentionné le fait de se voir dehors. Par contre, l'idée de l'inviter chez moi m'a effleuré mais finalement, je ne lui ai pas proposé.

        Il ne fût de retour qu'en janvier. De toute façon, moi aussi j'étais parti chez mes parents et j'ai regretté de ne pas avoir pris son numéro ou bien un moyen de le contacter. Parce que j'ai passé des nuits à l'attendre et qu'il n'a pas réapparu, je me suis résolu à le chercher. J'ai donc toqué à l'endroit où il travaillait et effectivement, il s'y trouvait. Il a manifesté de la surprise en me voyant ; il a sûrement décidé de recaler mon existence. Avec un sourire, je lui ai simplement fait savoir que je l'attendais dehors jusqu'à la fin de son service. A cause de la fraicheur de la nuit, une petite toux m'a pris. J'ai sourie tout au long de l'attente. J'ai pensé aux récits que j'allais lui faire et j'ai également réfléchi aux questions à lui poser : où avait-il passé Noël ? Avec qui a-t-il festoyé ? A un moment, j'ai failli lui offrir un cadeau puis j'ai renoncé, en étant convaincu que c'était beaucoup trop tôt.

           Les réponses qu'il m'a fournies m'ont mis dans une humeur sombre et culpabilisatrice. En se rendant compte de ma silence, il m'a demandé ne pas se sentir coupable pour cela, car au contraire, se confier l'aidait grandement à alléger ses problèmes, surtout à un demi-inconnu avait-il rigolé.
            Le reste du temps passé fût dans le silence. Je me suis fait la promesse silencieuse de l'inviter chez moi à notre prochaine rencontre, pour le consoler plus et à alléger ses peines, et surtout, pour définir officieusement notre 'amitié' ; je souhaite qu'il pense pareillement.
Et une semaine plus tard, j'ai tenu parole en le 'forçant' à venir chez moi, prétextant que boire quelque chose de chaud devant la télé sera plus confortable au lieu de rester debout dehors malgré la beauté de la nuit. Le persuader n'a pas été une tâche facile ; mais après des longues minutes d'arguments, il a cédé. Bien que notre connaissance remonte déjà à quelque mois, j'ai été surpris de découvrir la manière distante et réservée qu'il a fait preuve en entrant chez moi.
            J'ai si bien alimenté notre discussion que l'heure passait sans qu'il le remarque. J'ai jubilé en me disant qu'il n'aurait d'autre choix que rester ou bien se faire raccompagner. J'ai pensé gagner peu importe la décision qu'il prendrait. Finalement, après une longue prise de tête, il a décidé de rester et de rentrer tôt.


             C'est de cette façon que j'ai réussi à faire entrer dans ma vie YoonGi, pourtant, jusqu'à présent ; la question: Suis-je dans la sienne ? Tourne perpétuellement dans ma tête sans que je puisse fournir la réponse  malgré des longues heures de réflexions de nos moments passés.  

Au cœur de la fiction (Première Partie ) ⁿᵃᵐᵍⁱ Où les histoires vivent. Découvrez maintenant