-Je...

-Non, promets-le ! M'ordonne-t-il cette fois plus fortement.

-Je te le promets, lui dis-je en capitulant.

À peine ai-je prononcé ces mots, que je sens son corps se détendre. Sa prise sur moi se desserre et son bras vient poser ma tête contre son épaule. Nous restons là sans bouger un long moment, sa main massant mon cuir chevelu. Ce geste pourtant anodin signifie beaucoup à mes yeux. Ça me rassure, me tranquillise et je sens que je peux me laisser aller complètement avec lui.

Progressivement, la réalité nous rattrape. Mon estomac, ce traître choisit de rompre cet instant de paix en se manifestant bruyamment, ce qui arrache un petit ricanement à Blake.

-Je crois qu'il est temps de bouger. Dit-il en se redressant tout en me gardant contre lui.

-Je n'ai pas si faim que ça, dis-je en mentant.

Mais c'est peine perdue, mon estomac est le plus fort. Les bruits sont tels qu'ils finissent par me tirer une grimace. Poussant un soupir, je prends appui sur Blake pour me lever et me stabilise comme je peux en cherchant l'appui réconfortant de mon compagnon. Ce dernier vient se coller à moi et embrasse ma tempe, avant de passer son bras sous mon coude et de me traîner sur une chaise du comptoir.

Une fois encore, j'ai ce sentiment d'être inutile, et d'être un fardeau que j'impose à Blake. Pendant que Sexy Connard s'affaire en cuisine en faisant un bruit de tous les diables, je reste là, assise mal à l'aise sur cette chaise de bar, n'osant pas bouger de peur de tomber. Très rapidement cependant les bruits s'arrêtent et j'entends quelque chose que l'on pose devant moi. Prudemment, je lâche d'une main le comptoir et balaie doucement le vide jusqu'à trouver un objet dont je me saisis. Ce n'est qu'un verre, un vulgaire verre d'eau , mais je m'en empare comme une assoiffée ayant été privée deau.

Je ne vis pas cet instant comme une victoire mais presque. Parvenir à me saisir d'un truc sans l'envoyer valser, me procure une minuscule étincelle de joie. Très vite cependant, elle s'éteint lorsque Blake se plaçant à côté de moi, pose une assiette et qu'il me met un couvert dans la main. Aussitôt, je me raidis de nouveau.

-C'est une cuillère à soupe, me dit ce dernier. J'ai paré au plus pressé.

-Merci, je lui réponds.

Comme pour le petit déjeuner, Blake me montre où se trouve mon assiette. Cette fois, il guide ma main libre vers l'assiette pour que je la tienne. Je m'y raccroche comme à une bouée et hésitante, je plonge la cuillère. Je me rate une première fois, une seconde. Cette fois, seulement Blake qui est derrière moi, me guide en me parlant doucement. Je parviens à manger sans provoquer trop de dégâts et en apprécie même la soupe.

C'est avec un certain soulagement, que nous abordons l'après-midi . Quoi que... Que faire quand on ne voit plus rien ? Blake me propose de nous installer tranquillement sur le canapé et de se détendre avec un livre audio. Pas motivée, j'acquiesce tout de même et le laisse me guider. Alors que je veux m'asseoir , ce dernier me fait s'allonger sur lui et me serre dans ses bras.

Une fois installée, je tente de caler ma respiration sur la sienne. Je suis à nouveau tendue, et je n'arrive pas à lâcher prise. Sentir tout son corps contre le mien, fait renaître toutes mes angoisses. C'est comme si je sentais le corps de ce salaud sur moi juste avant que je ne perde connaissance.

-Arrête de gigoter, me dit Blake.

-Pardon, lui dis-je.

-Tu n'es pas bien là ? Insiste-t-il.

-Je... Je ne peux pas lui dis-je. Je n'y arrive pas.

-Tu n'arrives pas à quoi ?

-À rester ainsi, j'ai des flashs de... Juste avant de perdre connaissance. Il... Il était sur moi. Dis-je en me essayant de me redresser.

-C'est juste moi, Carotte, uniquement moi. OK ? Il ne t'arrivera rien, sauf si tu décides de rouler du mauvais côté, et là encore ce ne sera pas lui. Juste le parquet.

-Je sais, mais...

-Pas de mais, Sibylle, en plus techniquement, c'est toi qui es sur moi, pas l'inverse . Alors détends-toi et écoute cette idiotie de livre audio.

-Blake...

-Putain, ça suffit, tu t'installes , tu te détends et tu arrêtes de me broyer les bijoux de famille en te tortillant dans tous les sens.

L'ordre est clair et sans appel même si c'est donné sur le ton de l'humour . Je n'ai de toute façon pas l'occasion de me rebeller, ses bras viennent me poser de force sur son torse et me serrent. Me concentrant sur la voix de celui qui lit le livre, je finis par m'endormir.

Through their shadowsWhere stories live. Discover now