Sous l'ombre des souvenirs ・ᵛᵏ

49. Pardon

– C'est de ta faute, Taehyung ! Tout ça c'est de ta faute !

– Je ne voulais pas, Jimin. Je te promets...

– La ferme ! Tu savais ce qui se passait ! Tu l'as laissé détruire sa vie !

Hurlant à travers ses larmes chaudes, Jimin frappait de toutes ses forces contre le torse de Taehyung.

– Aucune excuse ne justifiera ce que tu as fait. Tu étais censé l'aimer. Tu étais censé le protéger, putain ! Où étais-tu pendant tout ce temps ? Il avait besoin de toi, mais toi tu...

Un hoquet avala sa phrase avant qu'elle ne termine et Jimin tomba à genoux sur le sol. Son chagrin était si vif, si poignant qu'il ne parvenait plus à parler ni à tenir debout. Il n'arrivait plus qu'à pleurer, encore et encore, aux pieds de Taehyung qui le regardait, démuni et tout aussi brisé que lui.

Taehyung avait la gorge pleine de sanglots inaudibles. Coincés, contenus, réprimés. Comme ses sentiments. Il avait encaissé les coups de Jimin sans une seule fois se défendre. Il avait accepté sa colère, trouvant celle-ci plus que légitime, même si chaque mot délivré à son attention était une souffrance cinglante qui n'avait fait qu'élargir le trou béant dans sa poitrine. Pour lui aussi, la douleur était insoutenable.

À la différence que lui la méritait...

– Casse-toi, lui ordonna faiblement Jimin. Ne reviens plus jamais ici.

Il méritait d'être châtié. Il méritait d'être rejeté.

Alors, par delà les couloirs aseptisés de l'hôpital, Taehyung emporta les échos de ses pleurs ainsi que les brisures de son cœur, et jamais plus ne revint au chevet de celui qu'il aimait.

Sans qu'ils ne le sachent, cet instant avait rompu le dernier lien qui les unissait.

Le temps passa et leur culpabilité s'approfondit. Durant des mois, chacun se reprocha d'avoir été aussi faible, et chacun en paya les conséquences. Jimin s'en voulut d'avoir fait preuve d'une telle impuissance ; Taehyung s'en voulut d'avoir été si lâche.

Jusqu'à ce que la bascule se fasse.

Jungkook était parti.

Dès lors, la culpabilité se mua en accusation, la peine en rancœur, et la colère changea de cible. Jimin en voulut à Taehyung car il lui rappelait le poids de ses propres erreurs ; Taehyung en voulut à Jimin car il lui rappelait la lourdeur des siennes.

Désorientés et aveuglés par leurs sentiments, ils continuèrent de s'enfoncer toujours plus loin dans ce brouillard qui altérait leur jugement.

Ainsi naquit la haine immense qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre aujourd'hui...

**

– Tiens.

Quelque chose de froid se posa sur la joue de Taehyung et le fit sursauter. Il porta instinctivement ses yeux sur l'objet cylindrique collé à son visage, puis longea le bras qui le tenait. Son regard tomba dans celui sombre de Jimin et il retint un soupir de lassitude.

– Merci, le remercia-t-il du bout des lèvres en récupérant la canette de soda.

Jimin s'assit sur la chaise à côté de lui.

– Toujours pas réveillé ?

– Il ne devrait pas tarder. C'est ce que l'infirmière a dit.

Il souffla de soulagement. Ce n'était peut-être qu'une simple perte de connaissance, et il avait beau le savoir, mais il ne pouvait pas réprimer son inquiétude lorsqu'il s'agissait de Jungkook. Jungkook comptait tellement pour lui. S'il lui arrivait à nouveau quelque chose, il ne le supporterait pas.

Pas plus que Taehyung.

– On ne pourra pas le ramener quand il se réveillera, réalisa aigrement celui-ci. Sa mère...

– Yoongi le fera. Je l'ai appelé.

Taehyung serra les poings sur ses genoux, une ombre passant dans son regard. C'était à lui de le faire, pas à Yoongi, ni à personne d'autre. Cela le mettait en colère de se sentir aussi inutile, comme s'il n'était qu'un incapable. Il ne pouvait rien dire, cependant. Il n'avait pas le choix. Mme Jeon aurait était folle de voir Jimin ou lui débarquer devant sa porte. Et puis, l'important était que Jungkook rentre sain et sauf chez lui, et il était malgré tout reconnaissant que son camarade se porte volontaire pour l'y conduire.

La bouche pincée, Taehyung maintenait ses yeux sur le petit brun qui dormait dans le lit aux draps blancs. Ses lèvres étaient légèrement gercées et son teint beaucoup trop pâle. Son torse se soulevait au rythme d'un souffle doux et régulier. Taehyung sentit sa bile lui remonter dans la gorge. Il ne manquait plus que les tubes et les bips des machines, et on y était, dans cette chambre d'hôpital, quelques années plus tôt... Il enfouit son visage dans ses mains pour cacher les larmes qui menaçaient de couler. Ou peut-être était-ce simplement une manière de se détacher de cette vision qui lui était insupportable.

– Tae, il va bien.

Le ton de Jimin était beaucoup trop sec pour que son intention soit interprétée comme une quelconque marque de bienveillance. Du moins, pour une personne extérieure. Taehyung, lui, avait parfaitement saisi l'arrière-pensée. Après tout, il le connaissait encore par cœur. Jimin tentait bel et bien de le rassurer.

Il renifla sans rien répondre (qu'aurait-il pu dire ?), concentré uniquement sur celui qu'il aimait. D'un geste soucieux, il réajusta la couverture qui couvrait son corps mince, la tirant jusqu'à son cou dénudé pour le protéger des courants d'air. La légère brise qui passait par la fenêtre entrouverte avait fait voler une mèche de ses cheveux. Il la dégagea du bout des doigts avant de se pencher pour déposer un baiser sur son front et de reprendre sa place initiale.

Un silence profond régnait dans l'infirmerie. Un silence que seule la respiration presque inaudible de Jungkook interrompait parfois – aussi, l'incessant bruit du mécanisme de l'horloge accrochée au mur semblait s'intensifier à chaque mouvement d'aiguille. Cela leur rappela que le temps n'arrêterait jamais sa course.

– Tu... commença Taehyung avant de s'éclaircir la voix.

Jimin le regarda, attendant patiemment qu'il poursuive.

– Tu crois qu'on arrivera un jour à se pardonner ?

Et puis, le silence à nouveau.

Se pardonner à soi-même ; pardonner à l'autre. Par où commencer ? Quel était le bon ordre ? Ils s'étaient posé ces questions beaucoup trop de fois pour pouvoir les dénombrer. Et pourtant, sur le compteur des réponses continuait de s'afficher un grand zéro.

Les prunelles mélancoliques de Jimin remontèrent lentement le mur et se perdirent sur le cadran de l'horloge.

– Je suppose que seul le temps nous le dira...

Ainsi, il laissa ses pensées défiler au rythme des secondes battues, avec l'espoir timide qu'un jour, oui, ils y arriveraient...

• • •「◆」• • •

Bonjour, j'espère que vous allez bien !

Ceci est un tout petit chapitre, mais il n'en est pas moins important. Le Vmin commence doucement à revenir l'un vers l'autre. Toutefois ils ont encore du chemin à faire pour réussir à se pardonner. On croise les doigts pour qu'ils y arrivent !

En attendant, je file réécrire la suite.

Je vous embrasse.

Astëlya