35. (Re)connaissance

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Comme à la fin de chaque journée, le lycée était en pleine effervescence. C'était d'autant plus le cas en ce jour ; les examens venaient enfin de se terminer.

Tandis que certains avaient préféré rentrer chez eux pour relâcher la pression en privé, d'autres traînaient encore à la sortie et joignaient leurs voix à celles de la ville. Les rires et les chahuts se mêlaient aux sonneries de téléphones, les soupirs de soulagement se fondaient aux moteurs des voitures et les cris d'excitation écrasaient les plaintes de ceux qui ne pouvaient pas passer sur le trottoir. Il y avait les derniers potins, aussi. Quelques baisers volés, deux ou trois élèves pointés du doigt et ceux qui se cachaient pour tirer sur des vieux mégots ramassés.

Et puis, au milieu de ces adolescents dont le sentiment de liberté provoquait un regain d'énergie général, il y en avait un qui sortait du lot.

Un qui ne parlait pas.

Un qui ne semblait pas partager leurs effusions de joie.

Celui-là se contentait d'observer et d'attendre en silence. Il avait l'âge d'un lycéen, et pourtant il ne portait pas d'uniforme. Son physique étonnait : les plus curieux le dévisageaient comme une bête venue d'ailleurs. Comme s'il s'en souciait ! Lui, était bien trop concentré sur son objectif pour noter les regards. 

Les mains au fond des poches, il sondait quiconque passait la grille de l'établissement en se balançant d'un pied sur l'autre. Son incapacité à rester en place pourrait démontrer une certaine nervosité. Mais nerveux, il ne l'était pas. L'immobilité n'avait simplement jamais été son fort, et la longueur de l'attente coagulait dans son sang, comme un liquide épais et brûlant que l'on aurait injecté dans ses veines saillantes, le forçant à gigoter pour atténuer la sensation désagréable qui engourdissait ses muscles.

Si je te trouve, je t'attrape...

Cette pensée l'accaparait tout entier. Cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas senti si impatient. Dressé sur la pointe de ses chaussures, il continuait de chercher. Quand un bout de tête brune se détacha soudain de la foule d'inconnus. Il reconnut son visage à la seconde où son regard se posa sur lui. Il n'avait pas changé (peut-être avait-il pris un peu en maturité). Sa silhouette se révélait par intermittence avant de se reperdre dans la masse.

...Jeon Jungkook.

Un sourire carnassier fendit ses lèvres et ses yeux s'étrécirent.

Il l'avait enfin trouvé ! Ne restait maintenant plus qu'à l'attraper.

D'une démarche rappelant celle des fauves, il avança à pas comptés sans cesser de le guetter. Son regard ne dévia pas un seul instant. Il se faufila agilement entre les étudiants qui lui bloquaient la route, s'arrêta lorsqu'il ne fut plus qu'à quelques mètres. 

Il évalua la distance. Ses jambes fléchirent...

Et il fondit sur sa proie.

**

 Enfin fini ! s'exclama Jungkook en s'étirant de tout son long. J'ai cru que j'allais perdre ma main à force d'écrire.

Il fit craquer son dos, sa nuque, soupira de bien-être avant de lancer un regard à Jimin qui traînait des pieds, les doigts crochetés à la lanière de son sac. Jungkook le trouva pâle. Des cernes creusaient le dessous de ses yeux.

– Comment ça s'est passé, Chim ? 

– Ça devrait aller... je pense.

Il n'en était pas entièrement convaincu. Cela s'entendait à sa voix. Peut-être qu'il aurait pu faire un peu mieux... C'était certainement ce qu'il pensait tout bas. Jungkook commençait à le connaître par cœur.

Sous l'ombre des souvenirs ・ᵛᵏWhere stories live. Discover now