Chapitre 15.1

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Le vent estival caressait mes bouts de peau à découvert. Agréable. Un petit nuage de douceur. Les oiseaux chantaient dans les arbres autour de moi et volaient pour regagner leur nid avant les derniers rayons du soleil. Je levai les yeux vers le ciel. Le fixai. Les quelques nuages qui le parsemaient tournaient au-dessus de ma tête. Une sensation particulière. Une sensation de liberté.

Après neuf ans, je redécouvrais ce sentiment. Je l'accueillais avec une certaine crainte. Je prenais le temps d'accepter cette paix qu'on m'avait offerte. J'avais toujours peur que le lendemain, on vienne me la retirer. Je détestais les nuits. Seule. Sans lui. Je décomptais les jours avant de pouvoir à nouveau fermer les yeux sans risque.

Et pendant mes journées, je ressassais le passé jusqu'à mon réveil.

Hanji n'avait pas quitté mon lit. Malgré son plâtre au bras droit, son œil bandé, son nez refait, elle m'avait souri comme si rien ne s'était produit. Erwin ne la lâchait plus. Il restait juste en retrait quand elle le lui demandait.

Je peinais à ouvrir mes paupières en grand et je capitulais à bouger le moindre de mes membres. Je me sentais faible et hypersensible au bruit et à la lumière. Le médecin parlait à Hanji. Sa voix n'était qu'un brouhaha à mes oreilles. Il m'avait fallu attendre quelques heures de plus pour réussir à prononcer un son et faire mouvoir mon cou.

J'avais hiberné pendant trois mois. Hanji m'aidait à plier mes phalanges avec sa seule main valide. Pendant qu'elle effectuait ses mouvements avec une grande délicatesse, je lorgnais ces cicatrices postopératoires sur le profil de ses doigts. Mes larmes aveuglaient ma vue. Et ceux de Hanji ne tardaient pas à suivre. Nous avions pleuré toute la soirée. Sans une parole l'une pour l'autre.

Lorsque mon état l'eut permis, le médecin m'avait ramené au bloc opératoire pour une énième intervention. Celle de ma prothèse d'épaule. Il semblait se retenir de parler. Quelques fois, j'avais eu cette impression qu'il s'était décidé à se lancer jusqu'à ce qu'on le stoppe. Il s'en allait donc, frustré.

Le praticien me racontait les longues étapes de mon rétablissement. Tout ce que mon corps avait enduré pendant de nombreuses années. Il m'expliquait les médicaments à prendre, ce qui m'attendait dans le futur. Des moments difficiles. Douloureux. Il me confiait que si le besoin s'en faisait sentir, je pouvais m'entretenir avec une psychologue afin de mieux me confronter à tout ça.

À ce moment, mes seules pensées s'étaient tournées vers un homme. C'était juste de lui que j'avais besoin. Mais je n'osais demander à Hanji ou Erwin... Même pour de simples nouvelles... j'étais effrayée. Je revivais encore cette course. Il m'arrivait d'en rêver et de ne jamais réussir à l'atteindre... Je me réveillais en hurlant avec toute la souffrance du monde déversée dans mon corps. Les aides-soignantes s'y prenaient à plusieurs pour me maintenir jusqu'à ce qu'une force brute m'immobilise et que les employés m'endorment à coup de perfusion. Depuis, je craignais de dormir.

Hanji tentait de me faire changer les idées. Mais elle n'évoquait pas ce que j'espérais depuis plusieurs jours. Elle me parlait d'une autre personne, tout aussi importante.

— Tu te souviens ce que tu m'avais promis à la fin du contrat ? me demanda-t-elle

— Non... chuchotai-je amorphe.

— Tu devais accepter mon aide sans aucune objection.

— J'ai accepté ça ? répliquai-je en rigolant faiblement.

Hanji répondit à mon sourire en ramenant mes cheveux en arrière. C'était elle qui me les lavait et les coiffait tous les jours après qu'on lui ait retiré son plâtre.

Quand de l'ombre naît la lumière // Livaï X Reader - TERMINEEWhere stories live. Discover now