Chapitre 14.3

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Livaï

Un vieux se pointa dans mon bureau au beau milieu de l'après-midi. Il tenait entre ses doigts aux ongles noircis une photo déchirée. Ses tremblements se dégradaient à mesure que je l'observais en lui imposant mon mutisme. Et sa nervosité réussissait à m'atteindre et à surtout me faire perdre ma patience. Il n'avait pas encore décollé ses iris de mon carrelage. Il adoptait la même attitude que tous mes autres employés. C'en était lassant.

Je détournai mon regard de mon écran d'ordinateur et m'affaissai au dossier de mon siège. J'inspirai et le coupai dans ses mots pour qu'il aille au fait. Cet homme aux cernes inquiétants demandait à mes secrétaires un rendez-vous en tête à tête avec moi. L'information m'était parvenu aux oreilles trois jours avant aujourd'hui lorsqu'il a décidé d'attendre toutes les nuits à l'entrée de l'entreprise pour espérer me croiser.

Il se racla la gorge. Tritura le nœud de sa cravate marron mal repassée.

— Vous êtes mon seul espoir, monsieur Ackerman... J'ai besoin de votre aide...

Le pauvre semblait au bout de sa vie. J'eus presque de la pitié en le regardant poser la photo sur mon bureau comme si ce bout de papier lui était plus précieux que son existence. Il recula aussitôt, maintint une distance de sécurité que j'appréciais. J'abaissai mon attention sur cette gamine aux yeux fermés suite aux puissants rayons du soleil qui illuminaient son visage. Son sourire m'explosait à la gueule tant est si bien que même cet organe dans ma poitrine accéléra ses battements. Sincère. Innocent. Respirant une joie de vivre qui me rendrait presque jaloux. Elle trempait ses pieds dans l'eau en remontant sa robe bleue jusqu'à ses genoux.

Mon incompréhension arriva à cet employé de la maintenance.

— Elle s'appelle (T/P). Elle est partie de la maison...

Je soufflai par le nez. Qu'est-ce qu'il me voulait ? Il me faisait perdre mon temps.

— J'ai grand besoin de votre aide... Je veux à tout prix la retrouver.

— Vous vous foutez de moi ? Ce n'est pas le commissariat ici. Dégagez.

Le culot de cet homme m'impressionnait presque. Surtout, lorsqu'il avança d'un pas dans la zone interdite. Je le fusillai, le défiai de poursuivre dans cette direction. Il n'en démordit pas.

— Je vous en supplie, monsieur Ackerman, s'exclama-t-il, vous êtes mon dernier espoir. Elle a disparu depuis plus de neuf ans. La police a clos le dossier et ne veut plus rien entendre... Je ne sais plus quoi faire...

— Si la police a classé le dossier sans suite, je ne...

Le taré tomba à genoux. Il se prosterna devant moi et me supplia d'une voix qui résonna entre les parois de ma pièce.

— Je n'ai absolument rien à vous offrir. Vous n'avez rien à gagner... mais je vous en supplie... Je ferais tout ce que vous voudrez jusqu'à la fin de ma vie si vous acceptez... Il n'y a qu'en vous que je peux faire confiance. Vous me direz la vérité sur sa disparition. Je le sais. Vous ne chercherez pas à me protéger. Je veux juste savoir... je veux juste... ma petite fille...

Ses mots se mélangeaient à ses larmes jusqu'à en devenir incompréhensible. Je lui ordonnai de se relever avant qu'il ne tache mon sol. Je le jaugeai ; ses cheveux dégarnis. Son visage d'Européen amaigri. Son teint sans vie. Ses vêtements usés. Mal assortis. Ses chaussures à la couleur noire dépassée. Il donnait une très mauvaise image de mon entreprise.

Vite fait, j'ouvris la page de présentation de mes employés et tapai le nom de cet homme dans la barre de recherche. Georges Thomas, français, veuf, remarié, employé depuis treize ans. Je reposai mon regard sur la bouille de cette gamine. Mon statut me permettait de chercher les personnes disparues ou même les traquer. Je travaillais souvent en partenariat avec la police et les forces spéciales lorsqu'ils piétinaient dans certaines affaires. Je possédais le plus important système de réseau de l'Asie de l'Est. Je pouvais accéder à toutes les données personnelles et professionnelles de chaque individu foulant le pied dans le continent. Je contrôlais toutes les entrées et sorties. Je géolocalisais une personne d'un simple clic grâce à la reconnaissance faciale. Je pouvais avoir le monde à mes pieds.

Quand de l'ombre naît la lumière // Livaï X Reader - TERMINEEWhere stories live. Discover now