Chapitre 10.4

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Je longeai le tapis rouge au bras de Livaï. Je détournai mon regard de tous ces flashs éblouissants et étourdissants et ne me concentrai que sur la voiture tout au bout, la portière arrière ouverte par le portier. Nous nous y engouffrâmes et le conducteur quitta les lieux dès l'ordre du PDG.

Je louchai sur la ville, la tête reposée à côté de la fenêtre teintée. Livaï, sur l'autre siège, semblait en faire de même. Aucune lumière parasite d'un écran ne me gênait. Il observait la route, plongée dans ses pensées. Je le regardai du coin de l'œil à vouloir se détendre, à essayer d'apprécier ce calme. Les bras croisés contre sa poitrine, ses réflexions l'irritaient et augmentaient les plis à la commissure de ses yeux. Quelques petites mèches pointaient sur ses cils. Je me disais qu'elles devaient l'embêter, mais il ne les retira jamais. Lorsque nous passions sous une source de lumière, la beauté de ses iris étincelait, transperçait les miens et ne m'aidait pas à détacher mon attention de cet homme. Il sentait mon insistance, j'en étais persuadée, pourtant, il ne le releva pas. Il me laissait longer ce profil fatigué de mes prunelles tout autant épuisées, cette bouche fine qui avait délibérément couvert ma peau de ses baisers.

Une peau de simple roturière. "Une simple roturière". Est-ce ce que pensait Livaï en me voyant ? Les mots de son frère n'auraient pas dû m'atteindre, et pourtant me voilà à me poser des questions inutiles dont leurs réponses m'étaient particulièrement importantes.

La jalousie de Furlan avait explosé et ses paroles s'étaient insinuées en moi contre mon gré. Et j'avouais que pour certaines choses dites, il avait raison. Un colossal mur en béton armé se dressait entre nous. J'étais en bas de l'échelle : le déchet. Celui où tout le monde marche dessus, même pas digne d'être ramassé et mis à la poubelle. Celui où on shoote dedans chaque fois qu'on l'atteint. Lui, il était au sommet. Le roi, comme il me l'avait très bien dit. Qu'est-ce que j'aimerais savoir ce qu'il pense de moi, qu'il chasse la voix de Furlan.

« Il vous attire comme une araignée dans sa toile. ».

Et il n'en avait aucun mal. Mes journées et mes nuits se résumaient à un seul mot. Un prénom. Le sien. Et je peinais à croire que même s'il n'avait pas été ma victime, que si je l'avais rencontrée dans d'autres circonstances, le résultat en serait le même. Je ne penserais qu'à lui, à ses costumes toujours impeccablement repassés, à son silence qu'il n'essayait pas de combler, à cette chaleur qui bouffait mes joues chaque fois que son regard me happait, mais qui, douloureusement, faisait battre mon cœur d'une manière si frénétique que cet homme en arrivait à me voler mon souffle sans le moindre effort.

Le chauffage dans la voiture ne me suffisait plus pour éviter à mes poils de se dresser sur mes bras. Je les retroussai sur mon ventre, mon sac sur la banquette du milieu, et fronçai soudain les sourcils au passage d'un panneau d'indication. Le nom d'une ville refusa de disparaître devant mes yeux. Je la connaissais.

— Nous sommes proches de Montesson ?

— Vingt bonnes minutes.

J'avais pensé cette question dans ma tête. Alors, lorsque j'eus une réponse, je me retournai le visage écarquillé vers le destinataire de ce timbre aussi grave que cette nuit noire dans laquelle nous roulions. La distance ne se comptait plus en dizaine de milliers de kilomètres... Jamais, je n'aurais d'autres opportunités comme celle-ci. Jamais je ne me retrouverais aussi proche d'elle. Une excitation terrifiante poussa mon palpitant à battre plus vite et d'autant plus quand j'osai lui demander :

— Peut-on... faire un détour ?

Livaï me sonda des pieds à la tête avant d'ancrer ses yeux dans les miens. Je retins mon souffle, les mains moites et le tissu de ma robe à nouveau martyrisé par ces dernières. Il soutenait mes iris, m'emprisonnant dans une cage irrespirable. Je me liquéfiai sur ce siège à attendre sa réponse qui tardait à sonner dans mes oreilles. Puis, lorsque je pensais ma demande vaine, il avertit le chauffeur d'un changement de destination et m'invita à lui donner l'adresse.

Quand de l'ombre naît la lumière // Livaï X Reader - TERMINEEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant