Chapitre 14.2

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Je volai le téléphone du conducteur sur son tableau de bord et composai le numéro des ambulances. Le maigrichon au volant brûlait des feux, ignorait les panneaux "STOP", la sueur perlant sur son front. Le bout de mon flingue collait toujours à sa tempe. Parfois, il s'enfonçait dans sa peau humide lorsque je ne contrôlais plus mes actes. Seulement, la route me paraissait interminable. Mon pied tremblait sur la moquette. J'expliquai à la dame au combiné l'urgence de la situation. Je lui donnai l'adresse et les pressai de faire au plus vite. Je mentais lorsqu'elle me demanda si j'étais bien avec elle. Je lui assurai que oui, que je ne la lâchai pas. De là, elle m'affirma qu'une équipe arriverait dans moins de cinq minutes et raccrocha. Je sommai le conducteur de se bouger le cul, même s'il était déjà pied au plancher. Je ne tenais plus. À tel point que je n'attendis pas qu'il arrête la voiture pour m'extraire d'elle et me ruai à l'intérieur de cette maison qui m'avait chaleureusement ouvert les bras.

Je pataugeai. Mes baskets se noyaient dans une flaque. Rouge, presque noirâtre. En son cœur, une femme. Défigurée. Cette femme un peu perchée qui s'était occupée d'une désespérée comme moi. Cette brune à lunettes qui m'avait appris que la vie en valait la peine. Ma meilleure amie...

Je peinai à avancer mes jambes. Je levai une main vers elle avant de tomber à genoux à hauteur de son visage. Cette main restait au-dessus de son corps, hésitante à frôler ne serait-ce que ses vêtements déchirés. Puis, je la dirigeai vers la sienne, sa paume ouverte vers le plafond. Je la couvris, mon regard voilé d'un sentiment d'impuissance et d'injustice.

— Han... Hanji...

Je me concentrai sur son pouls. Ma patience mise à l'épreuve. J'attendis dans un silence sépulcral. Pour la première fois, je demandai de l'aide à une force invisible. Je priai. Je suppliai. J'abaissai ma joue à sa bouche écorchée. Un souffle léger de son nez caressa ma peau. Faible, mais existant. Je l'appelai, portai sa tête à mes cuisses. Je coiffai ses cheveux collés et colorés de son sang en arrière. Je lui retirai ses lunettes cassées, cajolai son visage de mes mains sales. Je l'enlaçai, embrassai son front avec une rage qui ne cessait de s'accroître.

— (T/... P)...

La surprise éradiqua mon souffle. Je bloquai sur ses paupières fermées, puis me focalisai sur ces petits mouvements de lèvres.

— Je suis là, Hanji...

J'entrelaçai mes doigts à ceux que ses monstres ne lui avaient pas brisés, lui apportai toute la chaleur que son corps ne pouvait plus lui prodiguer.

— Tu seras bientôt pris en charge...

Je vais les saigner...

Je vais les dépecer...

Je te le promets, Hanji. Je vais les faire souffrir.

— Accroche-toi...

J'entendis les sirènes au loin. Je déposai l'empreinte de mes lèvres sur son front et apposai l'arrière de son crâne sur ce qui était notre carrelage. Je me relevai avec une douleur monstrueuse dans le ventre qui ne m'arracha aucune plainte. Je la contrais. Hanji souffrait davantage. Je reculai, mes yeux mouillés sur cette femme incroyable. Je n'arrivais pas à me détacher d'elle. Plus je fixai ce spectacle macabre, plus je nourrissais ma haine envers ce fumier et plus ma détermination atteignait un niveau sanglant. Seulement, à l'arrivée du camion ambulatoire dans l'allée, je fis volteface. Dans ma chambre, je quittai le domicile par le jardin et marchai dans les priorités voisines jusqu'à me retrouver sur la route passante, la capuche sur la tête.

J'empruntai un taxi. Cette fois-ci, je ne recourus à aucune forme de menace. Je le laissai me guider au lieu-dit en ignorant tous ses coups d'œil dans son rétroviseur intérieur. La radio allumée, nous écoutions les informations. L'assaut du SAT sur une organisation criminelle active depuis 1975. La franche réussite. La fuite de l'ennemi public numéro 1, Takeshi Murakami. Le chauve guettait mes réactions. Il savait d'où je venais à ma dégaine. Le sang de Hanji s'infiltrait dans ma bouche, coulait au fond de ma gorge. Il pénétrait dans chaque maille de mes vêtements, se mélangeait au mien. Le chauffeur en manquait de déglutir à l'odeur qu'il abaissa sa fenêtre.

Quand de l'ombre naît la lumière // Livaï X Reader - TERMINEEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant