Ce n'est qu'une fois devant l'immeuble que je percute de l'endroit où je me trouve. Je suis complètement vidé et je me dis que j'aurais mieux fait de ne pas répondre à son message. Affronter mon ami quand je n'ai pas toute ma tête est risqué, alors devoir en rajouter une couche avec Blondie s'en est une autre.

Rentrer chez moi aurait été vu comme une sage décision. Mais qui a dit que je l étais ? Pénétrant dans l'ascenseur, je m'adosse à la paroi qui me mène au dernier étage de la bâtisse de quinze étages. Visiblement le travail d'escort paie bien, car quand je pose le pied à l'étage de Blondie, seule une porte m'indique la direction à suivre.

Cette dernière n'est d'ailleurs pas fermée. Je présume que Brent l'a laissé ouverte à mon intention, me signalant que je dois faire le minimum de bruit. Lorsque je franchis la porte, je ne suis donc pas surpris de retrouver Brent collé à Cassandre. Tous deux sont installés sur un immense canapé. Brent est assis et Blondie est allongée, sa tête reposant sur les genoux de mon ami qui lui caresse les cheveux.

Délaissant ma valise, je me rapproche d'eux et me rend compte que Cassandre dort. Son visage est marqué par les traces de larmes, Brent quant à lui est tendu, et à son air grave, je me doute que les nouvelles ne sont pas bonnes. Me laissant tomber dans un fauteuil, je pose mes codes sur mes genoux et les regarde un bref instant. Le tableau qu'ils m'offrent tous les deux, vient resserrer ce noeud que j'ai au fond de la gorge. Je percute enfin, ce que javais refusé de voir jusque-là.

Ils étaient faits pour se rencontrer. Brent en tant que dominant est naturellement quelqu'un de protecteur, cependant, je ne l'ai jamais vu se soucier autant d'une soumise. Ils sont plus que dans une simple relation dominant-soumise. Le voile s'est enfin levé et je me prends à envier ça.

- Quelles sont les nouvelles. ? Je lui demande en parlant très bas.

- Pas géniales.

- Développe. Lui dis-je en me redressant attentif.

- Demain, Blake, me répond ce dernier en posant le regard sur Blondie.

- Brent !

- Non, j'ai passé ma journée et ma soirée à ramasser Cass à la petite cuillère, je n'ai ni lenvie de me battre, ni celle de ramasser quelqu'un d'autre .

- Je. .. C'est si grave que ça ? Je lui demande en déglutissant.

- C'est compliqué.

- Est-ce qu'elle va bien ?

- On n'en sait rien Blake.

- Est-ce qu'elle ?

-Elle est vivante, et non, elle, elle n'a pas eu de gestes inconsidérés, ni n'a été agressée.

À ces mots, je sens un poids s'enlever de mes épaules. Je suis extrêmement inquiet. Je sais néanmoins que mon ami ne me mentira pas, et s'il juge que les révélations peuvent attendre demain, c'est que ses raisons sont bonnes. J'analyserai mes réactions lorsque je serai seul. Me levant du fauteuil, je me dirige vers la porte pour récupérer ma valise, mais je suis arrêté par Brent.

- Reste, me dit-il.

- Je devrais rentrer chez moi.

- T'es sérieux là ? Après plus de quinze heures de vol.

- Je ne suis pas sûr d'être le bienvenu.

- Arrête ! Laisse-moi aller la coucher et on prendra un verre avant que je te montre la chambre damis.

Revenant sur mes pas, je m'affale à nouveau dans le fauteuil, pendant que je regarde Brent prendre délicatement Cassandre dans ses bras. Les gestes de ce dernier sont doux, et la jeune femme ne se réveille même pas, quand ce dernier se dirige vers une pièce qui doit être leur chambre.

Pendant ce temps-là, je laisse ma tête basculer en arrière et je tends mes jambes devant moi. Cela me fait du bien de pouvoir étirer mes jambes après un si long vol. La fatigue me rattrape à vitesse grand V, l'idée de retourner chez moi à cette heure-ci est pure folie. Je ne suis plus bon à rien. Pourtant, je ne suis pas dupe, Brent ne me propose pas de boire un verre en toute innocence. Une fois, qu'il aura bordé sa copine.

-Tiens, me dit Brent en me tendant un verre, ce qui me sort de ma somnolence.

-Merci, lui réponds-je en faisant tourner le verre de scotch entre mes mains.

Je ne le regarde pas, je préfère lui cacher mon état en scrutant le fond de mon verre. Je sais qu'il veut qu'on parle. Il ne me lâchera pas tant qu'il n'aura pas obtenu satisfaction.

- Quest-ce qu'il y a entre Sibylle et toi ?

- Je...

- Pas de cachotteries Blake.

- Je n'essaie pas de te cacher quoi que soit ! Lui réponds-je.

- Alors, réponds-moi.

- Je sais pas ce qu'il y a exactement, c'est compliqué.

- Ce ne devrait pas être compliqué pourtant ? Elle est ton plan cul du moment ? Une nana que tu baises et que tu peux avoir sous la main ?

- Non, ça na jamais été ça, lui dis-je mes doigts se crispant sur le verre auquel, je n'ai pas touché.

- C'est du sérieux alors ?

- Je ne sais pas Brent. On n'en a pas parlé. Je lui ai demandé d'attendre mon retour pour voir ou on va.

- Cela fait longtemps que ça dure ?

- Quelques semaines.

- Depuis quand ?

- Putain Brent, tu ne peux pas arrêter cinq minutes avec ton interrogatoire de merde !

- Je m'arrêterais quand je serai certain que je n'aurais pas à te casser la gueule pour avoir fait du mal à Sibylle.

- Pourquoi, je lui aurai fait du mal ? Putain !

- Parce que tu te comportes comme un connard avec les femmes, et que votre rencontre n'a pas été des plus sympas.

- Tu ne comprends pas ! Je suis incapable de lui faire du mal ! Carotte est... Merde, je suis raide dingue d'elle .

- Alors, pourquoi, elle ne t'a pas dit qu'elle est malade d'après toi ? Me crache la voix de Cassandre qui se tient sur le pas de la porte.

- Quoi ? Je lui demande, pas certain de comprendre ce que Blondie me dit. Je ne considère pas son diabète comme une maladie, je suis au courant pour ça !

- Je ne te parle pas de son diabète, sale con ! M'agresse-t-elle.

- Cassandre, gronde la voix de mon ami.

- Non, il doit savoir !

- Savoir quoi, bordel !

- Sibylle, elle n'est pas seulement diabétique ! Elle souffre d'une forme de glaucome. Elle est en train de perdre la vue ! Si votre histoire était sérieuse, elle te ferait un tant soit peu confiance, et tu le saurais ! Que connais-tu de son passé ?

Ses derniers mots sont comme un coup de massue. Les mains tremblantes, j'avale d'une seule traite le contenu de mon verre, avant de le poser et prendre ma tête dans mes mains. Les derniers moments passés avec elle me reviennent une fois encore en mémoire. Le restaurant, son comportement étrange, et d'autres les semaines précédentes. D' infimes détails qui, maintenant que je connais une part de vérité, me sautent aux yeux. Comment j'ai pu passer à côté de ça ? Laissant Blondie et Brent régler leur compte, je demande me dirige à l'aveuglette vers le couloir d'où est venue la jeune femme et pénètre dans une pièce dont la porte est ouverte. Le lit qui s'y trouve n'est pas défait, et je me pose dessus, la tête dans mes mains, incapable de réfléchir, avec en bruit de fond les deux autres qui se disputent.

* Référence au film "Seul au monde" de Tom Hanks

Through their shadowsWhere stories live. Discover now