Chapitre 31: Mériter son amitié

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J'ai compris qu'il fallait aller dans le réfectoire quinze à vingt minutes avant la sonnerie, ça me permet d'éviter toute humiliation de la part de Damon ou d'une autre personne puisqu'à ce moment-là, le réfectoire est presque vide.

Me voilà donc en train de manger calmement ce plat étonnement bon sur une table vide. Il ne reste que quelques élèves dans la salle, ce qui laisse une assez bonne qualité sonore, tout est calme, c'est parfait, enfin presque ; si le peu de personne présente arrêtait de me dévisager en se chuchotant des choses et en rigolant, là, ce serait parfait.

Je finis par arrêter d'apporter mon attention sur les personnes autour de moi en sortant mon livre de mon sac que je commence à lire tout en mangeant.

—Qu'est-ce que tu lis ?

J'entends un poids se poser sur la chaise à ma gauche, cette voix ne m'est pas inconnue, je décide donc de ne pas dévier mes yeux de mon bouquin. Je soupire tout de même lourdement en décidant de rentrer bêtement dans son jeu.

—Si c'est un homme de Primo Levi.

—Raconte-moi.

Si notre discussion aurait été sur la pluie et le beau temps, je n'aurai pas pris la peine de gaspiller ma salive pour parler avec lui mais là, il me prend par les sentiments sachant très bien que je suis une obsédée des livres et que j'adore en parler. Pas étonnant, j'ai toujours un livre en main, le nez à la limite de toucher le papier de celui-ci.

—Camp de concentration d'Auschwitz pendant la deuxième guerre mondiale, l'auteur raconte la lutte et l'organisation pour la survie des prisonniers. Il nous fait observer la déshumanisation mais d'un point de vue scientifique.

—Ça a l'air d'être un livre poignant...

—Il l'est.

—C'est quoi le but de l'auteur pour ce bouquin ?

—Qu'on n'oublie pas l'horreur mais aussi qu'on la comprenne.

—Je comprends maintenant pourquoi tu es plus intelligente que les autres...

Le rouge prend possession de mes joues mais je le cache avec mon livre, ça me fait bizarre, un compliment, je n'en ai plus reçu depuis tellement longtemps...

Je ne suis pas plus intelligente, j'ai juste soif d'apprendre et j'aime m'instruire, il y a une différence.

—Tu as toujours un livre en main, tu te cultives, tu t'instruis, tu apprends de la vie.

—Dommage que certains ne peuvent pas en faire autant, répondis-je.

—Ne me dis pas que tu m'en veux pour...

—Vas-t-en Zack, laisse-moi, le coupai-je.

—Tu n'arrêtes pas de me repousser tu ne veux pas qu'on devienne amis, tu ne veux pas non plus de mon aide mais quand je ne te l'apporte pas tu m'en veux, tu te rends compte de la stupidité de la situation ?

Il retire mon livre de mes mains m'obligeant à le regarder dans le blanc des yeux mais je me contente de fixer mon plat. Ça m'énerve de l'avouer mais il n'a pas tort... Je lui en veux de ne pas m'aider mais je ne veux pas devenir son amie et je le repousse à chaque occasion qui se présente, tout ça n'a aucun sens.

—Je veux juste avoir la paix, murmurai-je entre les dents.

Il souffle, baisse la tête et la plonge dans ses mains, il a l'air aussi perdu que moi. Nous laissons un très long silence détendre l'atmosphère, nous laissant seuls avec nous-même.

MAYAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant